MAURIAC Pierre, Charles, Louis

Par Gilles Morin

Né le 31 octobre 1918 à Evreux (Eure), mort le 11 juillet 1967 à Antony (Hauts-de-Seine) ; permanent politique ; animateur socialiste « pivertiste » de la fédération SFIO de la Seine.

Pierre Mauriac fait partie de cette catégorie de militants qui ont joué un rôle important durant plus d’une vingtaine d’années – il est cité par tous les témoins de l’époque comme jouant un rôle majeur dans la fédération socialiste SFIO de la Seine – mais qui apparaît très peu dans les sources et échappe pour l’essentiel probablement à l’historien. Comme Jean Paul Carrier ou Charles Lancelle, ils furent des chevilles ouvrières essentielles de la fédération socialiste de la Seine, mais ont eu le tort de ne pas écrire sous leur nom et de peu s’exprimer dans les réunions publiques. S’il a beaucoup rédigé de rapports politiques, de tracts et autres outils de propagande – les témoins interrogés dans les années quatre-vingt étaient unanimes sur ce point –, il ne les signait généralement pas de son nom.

Fils de Charles et de Louise Valson, facteur des postes et giletière, Pierre Mauriac fut avant 1939 secrétaire de la fédération normande des Jeunesses du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), après l’exclusion de Robert Hersant. Il fut arrêté pour ses activités antimilitaristes après distribution de tracts à Rouen, condamné à de la prison ferme et interné.

Après la Seconde Guerre mondiale, Pierre Mauriac vint s’installer dans la banlieue sud de Paris et fut intégré à l’équipe qui autour de Charles Lancelle, Yves Dechézelles (avant son départ du parti en 1947) et Marceau Pivert (après le retour de ce dernier du Mexique) reprit la direction politique de la fédération de la Seine, et la conserva dix ans avec l’appui dès 1948 du député-maire de Sceaux, Édouard Depreux. Il fut durant cette décennie le secrétaire administratif, permanent de la fédération de la Seine, poursuivant cette fonction auprès de Mireille Osmin, après le retrait partiel de Marceau Pivert en 1950. Il fut élu à la commission exécutive fédérale (CEF) et au bureau fédéral en 1950-1957 et fut secrétaire général adjoint à l’organisation de la fédération de la Seine en 1952-1957, Charles Lancelle, Lucien Vaillant, Jean Albertini, René Lhuillier, André Descourtieux, Marius Fritscher ou encore Georges Suant complétant au fur et à mesure l’équipe. Mauriac fut responsable de la commission organisation de la CEF en 1955. Permanent de la Seine, il était aussi amené à jouer un rôle technique, et probablement politique, dans le parti national. Il fut ainsi assesseur du bureau de vote pour l’élection du comité directeur en 1952, 1953, 1954.

Infatigable organisateur et militant, ce fidèle de Marceau Pivert l’aidait encore à confectionner les bulletins de sa petite tendance, Correspondance socialiste puis Correspondance socialiste internationale (CSI) dont il était administrateur, avec Charles Lancelle, Marise Poireaudeau, venue de la Vendée, deux militants venus de l’Eure, Colette Dardel et Georges Dardel, et des parisiens tels que Robert Talpain, Paul Pansu, Marcel Klopfstein ou encore Georges Suant. Sans grandes illusions sur leur parti, mais toujours confiants dans sa doctrine, ils tentaient de regrouper un noyau de militants « socialistes internationalistes », anticommunistes et anticolonialistes, indépendants des deux blocs (en défendant le concept de « Troisième force internationale socialiste ») et cherchant à conserver la tradition de lutte de classes de la SFIO. Pierre Mauriac fut constamment aux côtés de Marceau Pivert dans les combats politiques des années 1950 ; il s’opposa par exemple avec lui au pacte Atlantique ou au réarmement allemand dans le cadre de la Communauté européenne de défense. Les deux hommes furent également membres, à partir de 1955, du secrétariat du Mouvement justice et liberté outre-mer (MJLOM), organisation anticolonialiste qu’ils conçurent pour succéder au Congrès des peuples contre l’impérialisme fondé en 1948. Mauriac y occupa la fonction de trésorier et fut chargé des questions administratives.
La guerre d’Algérie mit fin à leurs espoirs mais non à leurs combats. Tolérés jusqu’en 1956 par la direction du parti, ils perdirent cette année, en défendant l’idée du « fait national algérien », la majorité au sein de la fédération, mais pas à la CEF. Il fallut attendre décembre 1956 pour voir la majorité de la CEF basculer, et le mois de juin 1957 pour que les instances dirigeantes de la fédération changent : Claude Fuzier devint secrétaire fédéral, Pierre Renaudel secrétaire-adjoint à la propagande, Charles Pot secrétaire-adjoint à l’organisation, Bernard Le Savouroux trésorier et Lucien Vaillant, ancien pivertiste ayant viré sur sa droite, trésorier-adjoint. Pierre Mauriac, qui dut alors abandonner ses fonctions à la fédération, fut pris en charge par un ancien pivertiste, Georges Suant, maire d’Antony qui lui trouva un travail dans sa ville puis comme secrétaire de l’Union des Maires de la Seine en 1967.

Pierre Mauriac et Charles Lancelle n’abandonnèrent pas pour autant le combat politique pour la défense de leurs idées. Ils furent signataires pour le Congrès de Toulouse de juin 1957 de la motion présentée par les minoritaires intitulée « Qu’on le veuille ou non, tout dépend de l’Algérie ! », et furent associés à la mise en place pour la minorité de « responsables clandestins de secteurs » fin 1957, selon le mot d’André Seurat. Il fut responsable de la section PSA, puis PSU d’Antony à sa création en 1958. Il signa la « déclaration des 47 », protestant contre l’organisation du conseil national de juin 1961 et s’éloigna probablement de ce parti en même temps que Georges Suant.

Marié le 19 novembre 1949 à Paris (IIIe arr.) avec Jeanne Lazou, Pierre Mauriac décéda subitement à son domicile, à Antony, le 11 juillet 1967, à l’âge de quarante-huit ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141190, notice MAURIAC Pierre, Charles, Louis par Gilles Morin, version mise en ligne le 16 juillet 2012, dernière modification le 15 décembre 2020.

Par Gilles Morin

SOURCES : Bulletin intérieur de la SFIO, n° 74. — Le Combat social, juin 1957. — Arch. de l’OURS, fonds C. Fuzier. — Quentin Gasteuil, Une certaine idée de l’anticommunisme socialiste : Marceau Pivert antistalinien (1946-1958), mémoire de Master 2, Université Paris 1, 2012, 307 p. — État civil.

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