MASCHINO Maurice, Jean, puis Tarik

Par Tramor Quemeneur

Né le 14 octobre 1931 à Paris (XIIIe. arr.), mort le 19 avril 2021 à Paris (XVIIIe arr.) ; instituteur, journaliste, écrivain ; insoumis pendant la guerre d’Algérie.

Maurice Maschino était issu d’une famille russe anticommuniste qui s’était exilée en 1917. Sa mère ayant divorcé peu avant sa naissance, il connut tardivement son père. Par ailleurs, sa mère étant souvent absente, ce fut surtout sa grand-mère qui l’éduqua. Sa mère et son beau-père participèrent à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Élève au lycée Fénelon à Paris, il obtint son baccalauréat littéraire en 1950 avant de poursuivre en hypokhâgne. Il travailla ensuite comme secrétaire dans une usine pendant la préparation de sa licence. Sa compagne Isabelle tomba enceinte, ce qui amena le couple à se marier. Maurice Maschino trouva alors un travail d’instituteur suppléant à Ouezzane, au Maroc, à la rentrée 1951.

Lorsque Maurice et Isabelle Maschino arrivèrent à Casablanca, ils eurent d’abord une réaction de rejet vis-à-vis des Marocains du fait de leur aspect misérable, avant d’être scandalisés par la différence des niveaux de vie entre les Européens et les Marocains. Cela conduisit le couple à rester distant avec les Français vivant à Ouezzane. D’ailleurs, il s’installa dans la Medina.

En juin 1954, Maurice Maschino obtint sa licence, ce qui lui permit d’être affecté à Azrou, dans un collège dont les élèves étaient uniquement des Berbères par ailleurs très acquis au nationalisme. L’un des collègues de Maurice Maschino était un Français secrétaire-greffier détaché dans le collège pour former une classe de futurs commis-greffiers. Celui-ci initia Maurice Maschino à l’anticolonialisme en lui faisant lire les livres de Charles-André Julien ou encore du journaliste chrétien Robert Barrat. France-Observateur faisait également partie des lectures régulières de Maurice Maschino. Il fit par ailleurs la rencontre de nationalistes marocains dans un monastère à Toumliline.

Après le début de la guerre d’Algérie, il discuta de l’éventualité de la désobéissance avec Olivier Todd, appelé du contingent stationné à Azrou, qui connaissait par ailleurs Jean-Paul Sartre* et Simone de Beauvoir. En mars 1956, Maurice Maschino rédigea aussi avec son collègue greffier une motion en faveur du professeur André Mandouze dont l’un des cours à la faculté d’Alger avait été envahi par des étudiants activistes de l’Algérie française du fait de sa position favorable à l’indépendance.
À la rentrée 1956, Maurice Maschino se sentit de plus en plus isolé, ce qui favorisa sa décision d’écrire des articles pour l’hebdomadaire Al Istiqlal de Mehdi ben Barka. Il organisa également des réunions à son domicile, auxquelles participa un membre du FLN, et il diffusa le journal du Front de libération nationale (FLN) Résistance algérienne. Il rencontra par ailleurs Jacques Kermoal, ancien résistant, devenu militant anticolonialiste et participant aux activités du FLN au Maroc. Celui-ci fit découvrir à Maurice Maschino l’existence du Parti démocrate de l’indépendance (PDI), d’orientation communiste. Les deux hommes s’impliquèrent dans le journal du parti, Démocratie, ce qui entraîna la fin de la participation de Maurice Maschino à Al Istiqlal. Il se découvrit alors une véritable vocation journalistique qui l’amena à rencontrer de nombreux Algériens, et à estimer que l’indépendance algérienne permettrait la démocratisation de la France.

C’est à ce moment qu’il fut appelé sous les drapeaux, le 27 mai 1957 au 1er Régiment de chasseurs d’Afrique (RCA), à Rabat. La nouvelle constitua un choc pour Maurice Maschino qui aurait dû être appelé un an plus tard. Mais son choix était déjà fait : ne se considérant pas comme un objecteur de conscience, il estimait l’insoumission comme un « moindre mal » permettant de rester en liberté. De plus, quelques jours auparavant, il avait reçu une citation à comparaître devant le tribunal de première instance d’Oran pour atteinte au moral du préfet Lambert et du général Massu à cause de l’un de ses articles. Il resta dans un premier temps à Azrou, en espérant bénéficier du droit d’asile au Maroc. Mais les recherches des gendarmes français l’amenèrent à se cacher en métropole, tandis que son épouse et ses enfants rentrèrent en France. Il les retrouva en Espagne en août 1957. Son épouse lui apprit alors que son refus était incompris voire condamné par sa mère et son beau-père. De retour au Maroc, il fut informé des recherches menées par des inspecteurs de la DST aidés par les autorités marocaines. Il protesta et réclama encore l’aide du Conseil marocain, avant de rejoindre la Tunisie en octobre en passant par l’Espagne et l’Italie. Il fut condamné à un an de prison par contumace en 1958.

En Tunisie, Maurice Maschino continua à enseigner et rencontra d’autres insoumis et déserteurs ainsi que des militants anticolonialistes français . Il fréquenta régulièrement les bureaux du FLN, collaborant notamment à son service d’information, et écrivant également des articles pour Les Temps modernes, Démocratie nouvelle et le journal belge La Gauche. Il publia aussi le témoignage de son insoumission aux éditions Maspero en avril 1960 sous le titre Le refus. Aussitôt interdit, le livre fut réédité en mai, avec un additif, « Situation du réfractaire » qui était un article proposé pour Les Temps modernes de Jean-Paul Sartre. Une information pour provocation de militaires à la désobéissance fut ouverte le 25 avril 1960 par le procureur de la République de la Seine. Comme Maurice Maschino avait publié une première ébauche de son livre en 1958 dans la revue Les Temps modernes de Jean-Paul Sartre, ce qui liait les deux affaires, cela posa un problème d’opportunité aux autorités judiciaires qui ne désiraient pas inculper Jean-Paul Sartre en qualité de directeur de publication. De ce fait, la prescription fut régulièrement interrompue jusqu’à ce qu’une ordonnance de non-lieu soit rendue le 1er juillet 1966 en vertu de la loi d’amnistie du 17 juin 1966.

À l’indépendance, Maurice Maschino rejoignit l’Algérie. Il prit la nationalité algérienne, choisissant Tarik comme prénom, et se remaria avec l’écrivain Fadela M’Rabet. Il travailla notamment au sein de la radio nationale. Le 9 juillet 1969, Maurice Maschino fut acquitté pour son insoumission par le tribunal militaire de Paris. Le couple s’installa définitivement en France à partir de juillet 1971, du fait d’une situation de plus en plus difficile après le coup d’État de Houari Boumediene. Maurice Maschino travailla comme enseignant, notamment à Saint-Germain-en-Laye. Il poursuivit en parallèle son travail de journaliste, notamment dans les colonnes du Monde diplomatique, et écrivit de nombreux livres, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la psychologie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141385, notice MASCHINO Maurice, Jean, puis Tarik par Tramor Quemeneur, version mise en ligne le 25 juillet 2012, dernière modification le 20 mars 2022.

Par Tramor Quemeneur

ŒUVRE : « Le refus », Les Temps modernes, octobre 1958 — Le refus, Maspero, 1960 (saisi) — « Le dossier des réfractaires », Les Temps modernes, avril – mai 1960 (poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État). — L’engagement (le dossier des réfractaires), Maspero, 1961 — L’Algérie des illusions : la révolution confisquée, Robert Laffont, 1972. — Sauve qui peut, Savelli et Éditions de la Jonquière, 1977. — Votre désir m’intéresse : enquête sur la pratique psychanalytique, Hachette, 1982. — Vos enfants ne m’intéressent plus, Hachette, 1983. — Voulez-vous vraiment des enfants idiots ?, Hachette, 1983. — Savez-vous qu’ils détruisent l’université ?, Hachette, 1984. — Êtes-vous un vrai Français ?, B. Grasset, 1988. — « Allez-y doucement camarades ! » ou L’amour chez les soviets, Robert Laffont, 1991. — Quand les profs craquent, Robert Laffont, 1993 — L’école, usine à chômeurs, Hachette, 1994. — Mensonge à deux, Calmann-Lévy, 1995. — Après vous, messieurs : les femmes et le pouvoir, Calmann-Lévy, 1996. — Ils ne pensent donc qu’à ça ?, Calmann-Lévy, 1998. — Y a-t-il de bonnes mères ?, Belfond, 1999. — Votre âge ne m’intéresse pas, Denoël, 2000. — Louba la peste, Mercure de France, 2001. — Oubliez les philosophes !, Complexe, 2001. — Parents contre profs, Fayard, 2002. — L’Algérie retrouvée, Fayard, 2004. — Un geste ordinaire : de l’assassinat à la mort voulue, J.-C. Gawsewitch, 2006. — L’école de la lâcheté, J.-C. Gawsewitch, 2007. — La République des bigots, Éditions libertaires, 2009. — Cette France qu’on ne peut plus aimer, L’Harmattan, 2011.

SOURCES : Arch. Nat. 60 82 g 69, 60 82 g 70 (Justice).

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