Par Evelyne Cohen
Né le 7 mai 1921 à Paris (XVIIe arr.), mort le 26 septembre 1990 à Paris (Ve arr.) ; assistant metteur en scène de cinéma (1943-1951) ; professeur à l’IDHEC (1949-1952) ; auteur, adaptateur, producteur et réalisateur de la télévision française (après 1952) ; membre du Parti communiste ; secrétaire général du Syndicat CGT des réalisateurs (après 1953) ; conseiller pour la fiction d’Antenne 2 (1975).
Stellio Lorenzi naquit à Paris en 1921. Ses parents étaient des immigrés italiens. Après des classes préparatoires scientifiques au lycée Saint-Louis à Paris, il ne put passer le concours de Polytechnique en tant qu’étranger. Il se tourna alors vers des études d’architecture, puis rentra à l’IDHEC en 1943. Il devint l’assistant metteur en scène de Jacques Becker, Gilles Grangier, Louis Daquin (1943-1951). À partir de 1949 il fut professeur à l’IDHEC. Comme plusieurs de ses collègues formés au sein de l’IDHEC (Jacques Krier, Marcel Bluwal… ) il entra à la télévision comme réalisateur en 1952 et s’inscrivit pleinement dans les orientations des programmes dessinées par le directeur des programmes Jean d’Arcy. En 1953 Stellio Lorenzi, Jean Thévenot et René Lucot sont menacés de licenciement par le secrétaire d’état à la Présidence du Conseil chargé de l’Information Hugues, qui les accusait d’être communistes. Par solidarité à l’égard des trois réalisateurs, une longue grève éclata et aboutit à la réintégration des licenciés. Stellio Lorenzi était alors secrétaire général du syndicat CGT des réalisateurs.
Stellio Lorenzi s’emploie à réaliser des œuvres qu’il voulait pleinement « télévisuelles ». Pour lui la télévision « est un moyen d’expression peut-être encore plus apte que le cinéma à scruter le comportement de l’être humain » (Stellio Lorenzi, Cahiers du cinéma, avril 1961). Elle doit permettre de faire accéder le plus grand nombre à la culture. En 1953, après avoir réalisé ses premières dramatiques, il remporta le premier prix de la critique de cinéma et de télévision.
Stellio Lorenzi filma des vaudevilles (La puce à l’oreille de Feydeau, 1956 ; Monsieur Chasse 1958), des pièces d’Eugène Labiche (Le chapeau de paille d’Italie, 1957 ; Le voyage de Monsieur Perrichon, 1958). En 1960 il obtint le prix du Chevalier de la Barre pour Montserrrat d’Emmanuel Roblès. Il adapta des œuvres de la littérature et du théâtre russes : Crime et châtiment de Dostoïevski en 1955 ; La dame de pique d’après Pouchkine en 1958 ; Oncle Vania de Tchékhov en 1962.
La série La caméra explore le temps (1957-1966) est conçue comme une œuvre de fiction enracinée dans l’histoire ; animée par trois historiens Alain Decaux, André Castelot (tous deux venus de la radio) et Stellio Lorenzi, elle entendait « concilier la vérité historique et la dramatisation » (Stellio Lorenzi, Le Figaro, 17 mars 1966). Elle avait été précédée des Énigmes de l’histoire réalisée par Stellio Lorenzi seul. Les émissions portaient sur des épisodes clefs de l’histoire française et de l’histoire de la Révolution comme L’affaire Calas, La Nuit de Varennes, La Terreur et la vertu, Danton, puis Robespierre. Les trois auteurs revendiquent des opinions différentes, ce qui, à leurs yeux représente une garantie d’« objectivité ». À partir de 1959 Stellio Lorenzi se chargea plus particulièrement de l’écriture des dialogues. L’objectif revendiqué est de susciter la réflexion à travers une écriture proprement télévisuelle. L’émission suscita un large débat dans le public et obtint en décembre 1964 le prix du public. En dépit de son succès, en 1965, à la suite de la grève des réalisateurs de télévision, la direction de l’ORTF, appuyée par le gouvernement prit la décision de supprimer l’émission. La presse écrite du Figaro à l’Humanité, le comité des programmes de télévision se mobilisent alors autour de ce qui devint « l’affaire Lorenzi », celui-ci étant suspecté par le Ministre de l’Information d’avoir construit au sein de l’ORTF un monopole d’inspiration communiste (voir les débats parlementaires du 30 avril 1965). L’émission fut interrompue à partir de mars 1966 après la dernière émission intitulée Le Drame cathare. En 1967 Stellio Lorenzi réalisa le feuilleton Jacquou le croquant (6 épisodes de 1 heure 30 chacun diffusés le samedi soir sur la première chaîne), adaptation d’un roman du XIXe siècle d’Eugène le Roy. L’émission raconte les souffrances et la révolte d’une famille de métayers du Périgord sous la Restauration. Le succès du feuilleton qui alimenta même le tourisme régional fut tel que certains journalistes peuvent parler d’ « événement national ». Stellio Lorenzi conserva ses centres d’intérêts autour de sujets politiques en réalisant Les Rosenberg ne doivent pas mourir (1975) et en prolongeant la série La Caméra explore le temps par L’Histoire en marche (1985). Il s’agit dans ces téléfilms de raconter l’histoire à travers la perception d’une province, le Languedoc. L’ambition de Stellio Lorenzi est alors de faire collaborer « Alexandre Dumas pour les intrigues et le contexte historique, Simenon pour les reflets sociaux et Le Roy Ladurie pour ce qui est de la nouvelle histoire au niveau du peuple ». La série est tournée en décors naturels, avec des comédiens locaux et s’inscrit dans un programme de développement régional. Stellio Lorenzi n’est pas parvenu à achever le Victor Hugo qu’il avait entamé pour la télévision.
Par Evelyne Cohen
ŒUVRE : Réalisation de nombreuses émissions télévisées, reportages, variétés, séries, spectacles dramatiques ; séries : Les Énigmes de l´histoire (1956) devenue (1957) La Caméra explore le temps ; 43 émissions, notamment : Les Templiers (1961), L´Affaire Calas (1962), La Terreur et la Vertu (1964), Les Cathares (1966) ; dramatiques, notamment : Volpone, L´Affaire Lafarge (1954), Crime et Châtiment (1955, 1969), La Belle Hélène, Un nommé Judas (1956), Un chapeau de paille d´Italie, Thérèse Raquin (1957), Monsieur Chasse, La Dame de pique, Le Voyage de M. Perrichon (1958), Marie Stuart (1959), Montserrat (1960), La Cagnotte (1961), Oncle Vania (1962), La Charrue et les Étoiles (1963), Le Bon Numéro (1964), Donadieu (1965), Sacrés Fantômes (1966), Jacquou le Croquant (1967), La Cerisaie (1972), Antigone (1974), Les Rosenberg ne doivent pas mourir (1975), Émile Zola ou la conscience humaine (1978), Fabien de la Drôme (co-auteur) (1983), Producteur et Coauteur de la série L´Histoire en marche, Le Serment et les Prisonnières (1985), Coauteur du texte de la pièce La Liberté ou la mort (1988), Réalisateur du film Climats (1962)
(liste établie d’après le Who’s who, 27 aout 2011)
SOURCES : CAC 20010086 Art. 188 ORTF 1965, affaire Lorenzi (suppression de l’émission La caméra explore le temps), avril-juin 1965 coupures de presse, juin 1965 lettres de soutien, document Cabinet 21/1964 note LM suites de l’affaire Lorenzi et réunion du Comité de programmes, exposé de M. Contamine au Comité de programmes, 29 avril 1964 note de M. Leprette sur l’émission devant le comité de programme, 12 mai 1964 note d’information du SLII, nd questions réponses du président du conseil d’administration de l’ORTF sur l’affaire. 1964-1965.s
Stellio Lorenzi, Cahiers du cinéma, avril 1961, p. 17-22.
Christian Bosséno, « 200 téléastes », Cinemaction, Corlet-Telerama, 1989, p. 40-45. — Maryline Crivello Bocca, « L’écriture de l’histoire : La Caméra explore le temps », M-F Lévy, La télévision dans la République, Editions Complexe, IHTP-CNRS, 1999, p. 89-105. — Guillaume Soulez, « Lorenzi Stellio 1921-1990 »Dictionnaire de la télévision française, Nouveau Monde éditions, 2007, p. 315-316. — Isabelle Veyrat Masson, Stellio Lorenzi, J-N Jeanneney (dir.), L’écho du siècle, Dictionnaire historique de la radio et de la télévision, Paris, Hachette, 1999, p. 311-312.