Algérie2. Avant propos. Clefs.

AVANT-PROPOS
DICTIONNAIRE : MAGHREB – DICTIONNAIRE ALGÉRIE.

Depuis les indépendances, l’appellation Maghreb s’est généralisée au point d’être admise en français. En arabe maghreb indique l’occident, le couchant par opposition à l’orient, au levant donc. L’Afrique du Nord coloniale française a fait place aux États indépendants en 1956 pour la Tunisie et le Maroc, en 1962 pour ce qui est de l’Algérie. On appellera Tunisiens, Marocains ou Algériens ceux que l’on nommait « indigènes », et globalement, « Européens », ceux qui appartenaient à la société coloniale. Sauf indications sur leur suite de carrières, les biographies s’arrêtent aux indépendances.

L’originalité du dictionnaire Maghreb est alors de s’ouvrir sur un champ à trois composantes qui interfèrent :

– la part « européenne » d’Afrique du Nord, à prépondérance française, qui introduit le syndicalisme mais un syndicalisme et un « socialisme colonial » ; le communisme encore, se forme à l’école coloniale et sur le modèle français ;

– la part des nationaux de chacun des pays, qui devient majoritaire et ne cesse donc de poser la question nationale et à la fin autonomise un syndicalisme national ;

– la part de l’émigration/immigration en France, qui établit un lieu d’échanges ; le nombre et les influences comptent principalement pour l’Algérie.

Au Maghreb, le mouvement ouvrier (syndicats sur le modèle de la CGT et partis politiques) précède la constitution des classes ouvrières qui restent partielles. Dans le devenir national, les partis nationalistes reprennent le modèle organique du centralisme communiste qui entend commander les organisations dites de masses, à commencer par l’action syndicale. La part de la petite intelligentsia, celle qui sort de l’école primaire, autodidacte, et de l’école primaire supérieure selon la dénomination d’époque et des écoles normales d’instituteurs et parallèlement de médersas (écoles secondaires musulmanes), s’ajoute à la part du prolétariat qui est le fait de « petits blancs » d’immigration « européenne », venant notamment d’Espagne (Maroc et Oranais) et d’Italie (Tunisie), mais devenant français à la deuxième génération. Le prolétariat marocain, algérien ou tunisien n’est que naissant ou se développe sur fond migratoire comme un sous-prolétariat flottant, englobant des noyaux ouvriers dans les mines, les ports et les dépôts de transports (cheminots et traminots).

On pressent l’importance des professions à statut puis de la fonction publique comme voie de promotion et d’établissement des « Européens » d’abord, puis lieux et objet des aspirations et de la contestation nationale pour les nationaux. Un mouvement national tend à la conquête de l’État, et l’État est aussi, sinon d’abord, une source de revenu salarié ou un instrument de placement, ce qu’était déjà « l’État administratif » colonial. Aussi à travers l’extension du salariat, l’évolution majeure conduit-elle à l’établissement d’un « syndicalisme d’encadrement », encadrement du monde du travail, fût-il segmentaire, par une intelligentsia syndicaliste et politique avant l’institutionnalisation dans les États indépendants1.

Sur cette ligne de tension et de partage du mouvement ouvrier sur la question nationale et coloniale, en liaison ou en écho avec les phases, les tournants, les expressions de nationalisme arabe ou de manifestations minoritaires, et d’action communiste internationale, les ouvrages2 de synthèse, en français du moins.

Pour le volume Algérie, la préparation est passée par de laborieuses étapes et des reprises. Accompagnant le dépouillement de presse, le travail sur archives tant en France (Archives nationales, Archives de la Préfecture de police de Paris, Archives d’Outre-mer à Aix-en-Provence principalement) et en Algérie (Archives départementales devenant Archives de wilaya d’Alger, Constantine et Oran), fut accompli par RenéGallissot et Abderrahim Taleb-Bendiab avec le concours de Fouad Soufi à Oran et de Louis-Pierre Montoy à Constantine. L’enregistrement de longs entretiens et le recueil de témoi¬gnages furent assurés le plus fréquemment par le même Abderrahim Taleb-Bendiab et par Jean-Louis Planche. Pendant la préparation de leurs diplômes et thèses, Jacqueline Delorme pour son mémoire sur Sidi-Bel-Abbès, pour les syndicalistes de la CGT en France, Anissa Bouayed, et pour ceux d’Algérie, Nora Benallègue-Chaouia3, ont apporté leur contribution. En Algérie, les bases syndicales étaient éclairées par la publication dès 1981 de Houari Touati, Dictionnaire biographique du mou-vement ouvrier de l’Oranie4, et plus encore en 1998 par le livre témoin et d’un grand témoin de la CGT à l’UGTA : Boualem Bourouiba, Les syndicalistes algériens 4.

Le mouvement communiste international et sa crise, l’histoire du PCF et du Parti communiste algérien (PCA) faisaient l’objet, malgré les redites, de travaux d’investigation critique, par exemple par l’ouvrage de Jacob Monetta, Le PCF et la question coloniale, 1920-19656, traduit en 1971 chez
Maspero, trop peu cité car il étudie plus les positions et les textes que les vies militantes. J’ai consacrer à thèse d’Êtat soutenue à l’Université de Paris 1 en 1988, à cette « question nationale et coloniale »
pour le mouvement ouvrier international. Par ailleurs, depuis les années 1980-1990, l’ouverture d’archives sur la guerre d’indépendance et la production de travaux notamment ceux d’Omar Carlier sur les bases sociales, de Mohammed Harbi sur le FLN, de Benjamin Stora sur les militants natio¬nalistes et les Algériens de France, et tout récemment de Gilbert Meynier7 élargissaient les limites de la connaissance. La guerre d’indépendance tant par l’abandon des militants syndicalistes, socialistes et communistes français d’Algérie ou leurs engagements jusqu’au sacrifice, que par les affrontements entre frères ennemis nationalistes algériens et la constitution du syndicalisme national en Algérie et de l’Amicale des travailleurs algériens en France, imposait l’approfondissement des recherches, de nou-velles prises en compte et des notices complétées ou complémentaires. Renvoyant aux ouvrages sur le nationalisme et les militants nationalistes, une sélection a été ici opérée.

La part de l’immigration algérienne en France s’amplifiait avec le concours de Laure Pitti qui avait achevé sa thèse sur les ouvriers algériens de Renault-Billancourt. Ces émigrés passent de lieux en lieux ; certains sont allés vers d’autres destinées syndicales ou politiques. Enfin dernières entrées, celles d’hommes et de femmes – pour le coup il y a des femmes – qui appartenaient à la militance internationaliste du mouvement ouvrier et qui ont participé aux réseaux de soutien à la guerre algérienne de libération, ces « porteurs d’espoir » (c’est le titre du recueil de Jacques Charby8). Les contraintes de place n’ont fait retenir que les têtes de réseaux, Jacques Charby, Jo Mattéi, Francis Jeanson, Gérard Spitzer, et plus longuement pour des raisons d’internationalisme communiste, Henri Curiel.

Après la mort d’Abderrahim Taleb-Bendiab en octobre 1992, la deuxième part de cet immense travail sans cesse reconduit a été réalisée en collaboration avec Amar Benamrouche. Remercions aussi Cécile Zaoui pour la saisie des textes en élaboration, Michel Launay et les correspondants, lecteurs et correcteurs bénévoles. Seules les notices longues sont signées du nom des auteurs principaux ou responsables ; les renvois aux noms faisant l’objet d’une notice dans le Dictionnaire, sont marqués*.

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

Clefs

Dans le Dictionnaire, certaines notices ont été développées pour permettre la compréhension de l’histoire coloniale et nationale, l’implication de la SFIO, du PCF et du PCI et les références au mouvement ouvrier.

– Pour le mouvement national algérien : notices Ramdane Abane, Benyoucef Benkhedda, Mohamed Boudiaf, M’Hamed Yazid, outre bien sûr Messali ;

– Pour la SFIO : Joseph Begarra (négociations avec le FLN), Yves Chataigneau (pour mai 1945), Charles-André Julien, Marcel-Edmond Naegelen, et pour la politique coloniale : Maurice Viollette, et en marge Yves Dechézelles ;
– Pour le PCF : Laurent Casanova sur la formule de « nation algérienne en formation » et André Marty ; sur le vote des pouvoirs spéciaux et « l’Affaire de la cellule de la Sorbonne », au nom d’André Prenant.
– pour la IVe Internationale, PCI, notice Michel Raptis (Pablo).

Des biographies importantes sont celles de grands témoins d’une action initiatrice, militante ou/et intellectuelle, celle des principaux fondateurs de la première Étoile Nord-africaine, celle de l’Émir Khaled pour une mise au point, de dirigeants du PCA ou de presse autour d’Alger républicain, des hommes du « Maquis rouge » de 1956, des intellectuels les plus engagés ; il n’y a pas qu’Albert Camus àses heures, mais Henri Bonnaud, François Châtelet, André Mandouze, et Frantz Fanon pour la notice la plus dense.

Abréviations des références aux principaux dépôts d’archives mentionnés dans les sources :

– Archives Nationales de France, Paris : Arch. Nat. France, Paris...

– Archives publiques algériennes : Arch. de la Wilaya d’Alger, Constantine, Oran...

– Archives du ministère français d’Outre-mer (anciennement des colonies, rue Oudinot, Paris, Service de liaison avec les originaires des territoires de la France d’Outre-mer) : Arch. d’Outre-mer, Paris, SLOTFOM...

– Archives d’Outre-mer (« rapatriées » des colonies àAix-en-Provence, France) : Arch. d’Outre-mer, Aix-en-Provence...

– Archives de la Préfecture de police de Paris : Arch. de la Préfecture de police...

– Archives des Brigades internationales en Espagne (ancien fond de l’Amicale des volontaires en Espagne républicaine), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Nanterre, France : Arch. AVER.

– Archives de la Commission coloniale du PCF et microfilms de l’Internationale communiste venant de l’ancien Institut du Marxisme-léninisme de Moscou (concernant la Section française de l’Internationale communiste, SFIC) à l’Institut Maurice Thorez, devenu Institut de recherche marxiste : Arch. IRM, Paris, versées maintenant aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis, et Archives d’État russes sur l’histoire sociale politique, citées RGASPI, communiquées par Claude Pennetier dont l’aide et la veille ont été constantes sur cet ouvrage.

1. Jean Sagnes, éd., Histoire du syndicalisme dans le monde, Toulouse, Privat, 1994, p. 195 et sv.

2. René Gallissot (éd.), Mouvement ouvrier, communisme et nationalismes dans le monde arabe, Paris, Éditions Ouvrières, 1978 ; Jacques Droz (sous la direction de), Histoire générale du socialisme, Paris, PUF, 1977 et 1978, tome III : « le socialisme dans le domaine arabe » (entre-deux-guerres), pp. 545-607, tome IV, « Références arabes au socialisme », pp. 257-310 ; René Gallissot, Maghreb-Algérie : classes et nation, Paris, L’Arcantère, 1987 ; Reprise élargie dans René Gallissot, Le Maghreb de traverse, op. cit.

3. Thèse : Mouvement ouvrier, mouvement syndical en Algérie (1919-1954). Essai d’histoire sociale, Université de Paris 7, 1990.

4. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier de l’Oranie. Les militants syndicaux, Oran, Cahiers du CDSH, 1981.

5. Les syndicalistes algériens. De l’e´veil àla libération, Paris, L’Harmattan, 1998.

6. Jacob Monetta, Le PCF et la question coloniale, 1920-1965, Paris, Maspero, 1971.

7. Histoire intérieure du FLN, Paris, Fayard, 2002.

8. La Découverte, Paris, 2004

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141414, notice Algérie2. Avant propos. Clefs., version mise en ligne le 30 juillet 2012, dernière modification le 30 juillet 2012.
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