CORNET Fidèle. [Belgique]

Par Jean Puissant

Fayt-lez-Manage (pr. Hainaut, arr. Charleroi ; aujourd’hui commune de Manage, arr. Soignies), 25 mai 1851 – La Louvière (pr. Hainaut, arr. Soignies ; aujourd’hui arr. La Louvière), 1929. Ouvrier métallurgiste, employé de coopérative, négociant, fondateur des organisations ouvrières du Centre (pr. Hainaut), militant de l’Association internationale des travailleurs, militant de plusieurs organisations rationalistes, dirigeant mutualiste, dirigeant coopératif, conseiller communal puis échevin libéral de La Louvière.

Fidèle Cornet, qualifié d’ouvrier tourneur puis de mécanicien, apparaît en 1870 dans les milieux internationalistes du bassin du Centre. Il devient magasinier à la coopérative La Solidarité à Fayt, créée par Jules Godeau*. Liquidée en 1875 à la suite de malversations du secrétaire Chapeau(x), les actifs de la coopérative sont repris par le négociant, Urbain Courthéoux, qui le garde comme employé. C’est lui qui aurait proposé le rachat du bâtiment par l’Union des métiers, qui devient en 1872 la première Maison du peuple en Belgique. Il devient ensuite commerçant indépendant prospère (épicerie et denrées coloniales). Ses affaires – un magasin à La Louvière – sont reprises par la coopérative, L’Avenir du Centre, en 1913.

Selon De la Sociale, « jeune ouvrier de santé précaire, doué d’une bonne instruction primaire… orateur, il plaisait aux auditeurs… de mise correcte, il a des traits sympathiques ».
Il n’est donc pas étonnant de voir Fidèle Cornet, secrétaire de « l’Union des Métiers de l’industrie mécanique du Centre » qui adhère à l’Association internationale des travailleurs (AIT) en 1871. Il est correspondant de L’Internationale. Il signe, comme secrétaire de l’Union, l’adresse de soutien aux ouvriers bijoutiers de Genève en grève et leur envoie la somme de cinq cents francs. Il représente les ouvriers de Fayt au Congrès régional de l’AIT le 2 juillet 1871. Fidèle Cornet est désigné secrétaire-trésorier fédéral pour la région du Centre. Il participe à la grève de 1872 qui permet aux mécaniciens d’obtenir la journée de dix heures de travail. En 1873, la conjoncture s’est renversée, une nouvelle grève aboutit à un échec, ce qui risque de provoquer la disparition de l’organisation, alors ouverte à d’autres métiers : les tailleurs, les cordonniers, les menuisiers, les ouvriers de la pierre. Délégué du Centre à une réunion du Conseil général de l’AIT, le 5 octobre 1873, Cornet explique que « l’Union a un retard de paiement de 7.000 francs », que les grévistes s’égaillent : certains trouvent de l’embauche comme terrassiers, comme mineurs et les ouvriers étrangers à la région sont repartis chez eux. Cornet fait appel à la solidarité, y compris à l’étranger. Il obtient environ neuf cents francs des mégissiers et des marbriers. Du VIe Congrès international de Genève de septembre 1873, il revient avec deux cents francs.

Le 22 mars 1874, Fidèle Cornet participe à une réunion de l’Association des mécaniciens de Bruxelles et manifeste sa stupéfaction de ne voir que quelques hommes, alors qu’en province, « Les ouvriers devancent de beaucoup les corporations de Bruxelles, se montrent bien plus convaincus et font preuve d’énergie. » En mai 1875, au Congrès de l’AIT à Jemappes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons), Cornet refuse le transfert de la Fédération nationale à La Louvière, étant donné son trop mauvais état. Il s’oppose également à D. Patterson*, de l’AIT de Bruxelles, qui propose l’adoption d’un programme socialiste, y compris le suffrage universel, « la masse des travailleurs étant encore trop arriérée ».

En 1876, Fidèle Cornet se charge de l’administration de L’Ami du Peuple, l’organe de l’AIT liégeoise, « probablement pour trouver de l’argent chez les mécaniciens du Centre », selon l’hypothèse de Denise De Weerdt (p. 138). Il ne peut cependant pas empêcher sa disparition.

Principale figure de l’AIT du bassin du Centre, entre 1870 et 1876, Fidèle Cornet le représente lors de congrès nationaux ou internationaux. Il défend la position fédéraliste, voire socialiste révolutionnaire. Mais sa trace disparaît ensuite – il est devenu probablement employé de Courthéoux à cette époque –, sauf comme militant rationaliste. Membre des Solidaires, il est secrétaire de la Fédération des sociétés de libre pensée du Centre, fondée le 11 juillet 1876. Il les représente aux obsèques de la citoyenne Brismée (Jeanne Costaguja) en février 1880. Le Congrès national de Jolimont des 13 et 14 août 1876 le voit secrétaire fédéral national.

En revanche en 1885, Fidèle Cornet est membre de la Ligue ouvrière de La Louvière, redevient membre du Comité fédéral du Centre, avec le mandat de trésorier. À ce titre, il siège au bureau de la Commission du travail (enquête orale) de La Louvière le 25 juillet 1886. Il témoigne du coût élevé de la vie quotidienne pour les travailleurs et leurs familles et de la nécessité de réformes.
Cornet préside le meeting du 17 octobre 1886, donné par l’ingénieur Julien Weiler et Hector Denis, à propos de la création d’un Conseil de conciliation au charbonnage de Mariemont-Bascoup (Morlanwelz). À la Fédération du Centre, il est à nouveau partisan de la création d’une coopérative mais se heurte, selon De la Sociale, aux agissements de Léonard Pourbaix*. Il est obligé de donner sa démission.

La rupture de Fidèle Cornet avec les milieux socialistes semble donc remonter aux années 1887-1889 lorsque le Centre bascule vers le Parti socialiste républicain (PSR) d’Alfred Defuisseaux*, par ailleurs hostile à la coopération, excepté la coopérative Le Progrès qui reste le dernier soutien du Parti ouvrier belge (POB), dont il est désormais un concurrent. Il faut souligner ici que lorsqu’il remet ses affaires, c’est à L’Avenir et non au Progrès qu’il le fait.

Conseiller communal libéral suppléant à La Louvière en 1895, réélu conseiller communal en 1907, échevin de 1909 à 1920, Fidèle Cornet se situe dans la mouvance progressiste. En 1920, il démissionne du conseil, avec ses collègues libéraux, pour protester contre la mainmise socialiste sur le collège. C’est la fin du cartel constitué en 1907.

Fidèle Cornet préside la mutualité de retraite, Prévoyance et Progrès, en 1903. Il est membre du Comité de la société d’habitations ouvrières, « Solidarité et prévoyance », en 1893. En 1908, il est vice-président de la Ligue progressiste de La Louvière.

Le parcours politique de Fidèle Cornet ne plaît pas à certains. « Après avoir été le conseiller de la classe ouvrière, il est devenu celui de la bourgeoisie », conclut De la Sociale (p. 37-38). Le milieu socialiste le considère alors comme un renégat et s’oppose à ce qu’il puisse prétendre devenir bourgmestre faisant fonction au début de la guerre.

Il n’empêche que, durant près de quinze ans, Fidèle Cornet a été l’une des figures de proue du mouvement ouvrier « socialiste » dans le Centre et qu’il a continué à s’intéresser à la chose publique mais, cette fois, conditionné par son appartenance cossue au domaine du commerce de détail et non plus à ses origines ouvrières.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141834, notice CORNET Fidèle. [Belgique] par Jean Puissant, version mise en ligne le 7 septembre 2012, dernière modification le 1er octobre 2023.

Par Jean Puissant

SOURCES : DE LA SOCIALE, Histoire du socialisme et de la coopération dans le Centre, La Louvière, 1894 – BERTRAND L., Histoire de la coopération en Belgique, t. 2, Bruxelles, 1903 – DE WEERDT D., De belgische socialistische arbeidersbeweging op zoek naar eigen vorm (1872-1880), Antwerpen, 1972 – SERWY V., La coopération en Belgique, t. IV : La vie coopérative - Dictionnaire biographique, Bruxelles, 1952 – FREYMOND J. (dir.), La Première Internationale. Recueil de documents, 4 vol., Genève, 1962-1971 – OUKHOW C., Documents relatifs à l’histoire de la Première Internationale en Wallonie, Louvain-Paris, 1967 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 47) – WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie Internationale (1866-1880), delen II-III, Leuven-Paris, 1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60) – JORIS F., 1885-1985. Histoire des fédérations. Soignies-Thuin, Bruxelles, 1985 (Mémoire ouvrière, 10) – DELPLANCQ T., (coord.), La Louvière aux urnes ! Vies et combats politiques dans l’entité louviéroise du 19e siècle à l’an 2000, La Louvière, 2007.

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