PEUZIAT Jean

Par François Prigent

Né le 1er avril 1924 à Pouldavid-sur-Mer (Finistère) et mort le 17 avril 2008 à Douarnenez (Finistère) ; maçon, plâtrier puis directeur de coopérative ouvrière ; secrétaire fédéral de la JOC Finistère (dès 1942) ; résistant des réseaux Vengeance et Libération-Nord ; permanent régional puis national de la JOC (1945-1950) ; époux de Lucienne Héréus (dirigeante nationale JOCF) ; conseiller municipal MRP (1953-1955) puis Jeune République (1955-59 ou 71) de Douarnenez ; responsable départemental APF, MLO et ACO ; membre du Bureau National de Culture et Liberté ; militant CFTC ; pilier des réseaux coopératifs de logement ; président fondateur du mouvement Castors ; adhérent du PS dès 1971 ; député PS (1981-1988) ; conseiller général PS de Douarnenez (1982-1994) ; 1er adjoint PS (1971-1995) du maire communiste de Douarnenez.

Issu d’une famille modeste de catholiques pratiquants sans engagements mais votant démocrate-chrétien, il obtint son brevet dans les écoles privées en 1939. Devenu maçon puis plâtrier, il entra à 15 ans à la JOC, accédant rapidement à la présidence de la section de Tréboul. Responsable de la zone de Douarnenez, il occupait les fonctions de secrétaire fédéral de la JOC dès 1942 aux côtés de Pierre Feunteun, Jean Bourhis (de Quimper, permanent national de la JOC à la Libération) et Pierre Trellu.

Investi dès l’été 1942 dans les réseaux résistants Vengeance (réseau de confection et de distribution de pièces d’identité) et Libération-Nord, tout comme son père, il y fréquentait plusieurs militants JOC tués par la suite par les nazis à l’instar de Pierre Feunteun (leader de la JOC Sud Finistère, arrêté en décembre 1942 au café Youinou à Quimper, déporté à Neuengamme, mort en janvier 1945), Alfred Leray (Concarneau, fusillé le 25 juin 1944) ou Louis Le Roux (trésorier fédéral de la JOC de Concarneau, FFI tué à 24 ans près de Quimperlé). Assidu des « Français parlent aux Français » la BBC, il écoutait notamment la voix de Jean Marin, originaire de Douarnenez.

A la Libération, il fut rapidement aspiré par les filières JOC régionales puis départementales. Il se fit tout particulièrement remarqué lors d’un meeting rassemblant 1500 membres de la JOC et de la JMC à Douarnenez le 26 novembre 1944, en présence de Jean Sorlin* (président national des JMC). Permanent à Rennes puis à Paris entre 1945 et 1949, il fréquenta au sein de la JOC du Finistère de futurs élus socialistes et surtout MRP (comme André Colin, parlementaire et président du Conseil Général). Entre 1946 et 1949, il était chargé de la branche « Loisirs populaires » de la JOC nationale, faisant notamment la connaissance de Jean Le Drian* et Louisette Derrien*-Le Drian. En 1945, il adhéra immédiatement au MRP. A Paris, le concierge de la maison où il logeait, conseiller municipal MRP du XIIe arrondissement lui permit d’être en contact avec les cercles dirigeants nationaux du MRP (dont Robert Schumann).

Président du mouvement coopératif de logement Les Castors depuis 1950, Jean Peuziat fut élu conseiller municipal MRP de Douarnenez en 1953 dans la municipalité Marcel Arnous (également conseiller général). Il passa ensuite à Jeune République, contrairement à Louis Orvoën (futur parlementaire et président du conseil général) aux orientations plus conservatrices. Lecteur de Témoignage Chrétien, sa vision politique évolua durant la guerre d’Algérie, accentuant un décrochage sensible déjà au MRP lorsqu’il était responsable départemental des équipes ouvrières d’un parti, stigmatisé dans le Finistère par la gauche comme une Machine à Recycler des Pétainistes. Au début des années 50, le MRP prit une orientation plus conservatrice, intégrant notamment un réseau d’anciens élus démocrates-chrétiens des années 30. Gêné par le sentiment d’être la caution ouvrière du parti, il entra en conflit avec les notables locaux du MRP dans le Sud-Finistère, Louis Orvoën, Xavier Trellu ou le parlementaire laïque Monteil (ministre de Mendès-France). Jean Peuziat intervint ainsi contre la ligne du parti lors du congrès départemental du MRP à Saint-Pol-de-Léon en 1955, rejoignant alors la Jeune République. Permanent de la JOC en même temps que lui, Jean Peuziat fut influencé par le secrétaire général de la JR, qui avait l’habitude de venir en vacances à Douarnenez. Le parcours d’Eugène Bérest (professeur du public, futur député RPR) permit de dynamiser le réseau JR à Douarnenez, mairie SFIO du Finistère jusqu’en 1921, partagée ensuite entre l’influence du PC et des chrétiens démocrates. Opposée à la Guerre d’Algérie, la JR contribua à diffuser les idées d’un socialisme chrétien, également très présent dans les premiers réseaux PSU de Cornouaille. Jean Peuziat se heurtait alors aux positions anticléricales de la SFIO, dont les filières militantes étaient en déclin. Catholique pratiquant, ce dirigeant de premier plan de l’ACO, servant de cadre militant aux chrétiens engagés dans le monde ouvrier, était aussi investi avec sa femme Lucienne dans une myriade de structures de la militance catholique sociale. Réseau d’éducation populaire à la dimension ouvriériste affirmée, le MLO (Mouvement de Libération Ouvrière) se transforma dans les années 60 en Culture et Liberté dont Jean Peuziat fut membre du Bureau national.

Son parcours des le militantisme familial fut également important au sein du MPF (Mouvement Populaire Familial), puis des APF (Association Populaire des Familles)... En contact avec Jean-Yves Cozan, alors directeur du Progrès de Cornouaille (futur vice-président UDF du Conseil Général), le couple Peuziat mit en place des réseaux d’équipements collectifs de lessiveuses et de tricotteuses. Jean Peuziat quitta les APF lorsqu’il fut élu adjoint en 1971. Syndiqué à la CFTC, il suivit la ligne Reconstruction prolongeant son engagement à la CFDT en 1964. Sur le terrain syndical, les contacts avec la CGT étaient importants, dans un contexte de tensions politiques et de luttes sociales, témoignant d’une course de vitesse entre les 2 réseaux militants pour le contrôle des masses ouvrières. Au sein des Castors, les militants CGT et CFTC oeuvraient en commun.

Fasciné par l’influence sur les mondes ouvriers du PC, dont il combattait l’organisation centralisée et les positions staliniennes, il côtoyait le maire communiste de Douarnenez, le syndicaliste enseignant laïque Michel Mazéas, avec lequel il forma un tandem détonnant à la tête d’une large coalition allant des chrétiens aux communistes pendant un quart de siècle. En effet, la liste d’union de la gauche emporta la mairie de Douarnenez en 1971, date à laquelle Jean Peuziat rejoignit le PS, point d’aboutissement du décrochage du bloc conservateur opéré par une frange de chrétiens de gauche issus notamment de la JOC ou de la JAC. Fondateur d’une association pour le logement coopératif (les Castors), en réaction à la crise du logement à Douarnenez à la Libération, il était président de l’office HLM de Douarnenez et de l’association d’aide aux personnes âgées lors de son élection comme député lors de la vague rose de 1981.

Alors âgé de 57 ans, il recueillit 54.08 % au deuxième tour face au notable conservateur Guy Guermeur. Chrétien de gauche profondément ancré dans les milieux populaires, il avait comme suppléant Jean Normant, enseignant, maire d’Audierne entre 1983 et 1995, implanté dans les réseaux laïques de la région du Cap Sizun. A l’Assemblée Nationale, il siégeait à la même place que le syndicaliste agricole de Loire-Atlantique, Bernard Lambert*, ancien député MRP en 1956, passé au PSU à partir de 1966. Conseiller général jusqu’en 1994, il fut élu en 1982 dans un combat très âpre contre Guy Guermeur, avant de l’emporter largement au second tour en 1988 contre Joël Perrot (RPR). Conseiller régional jusqu’en 1986, il recruta comme assistant parlementaire son gendre Jean-Michel Le Boulanger, universitaire géographe, second adjoint à Douarnenez, qui ne parvint pas à conserver à gauche le siège de conseiller général en 1994. Proche de Louis Le Pensec* qu’il soutenait lors des déchirements rocardiens de 1986 (rétrogradation dans la liste PS de Bernard Poignant aboutissant à sa mise à l’écart), il fut réélu député en 1986 en compagnie de Louis Le Pensec, Joseph Gourmelon* et Marie Jacq*, à la surprise générale en raison du moindre reflux du vote PS dans le Finistère. Jean Peuziat demeura parlementaire jusqu’en 1988 et premier adjoint jusqu’en 1995. Il soutenait Jacqueline Lazard (professeur, maire de Penmarc’h depuis 2001) en 1997 et Annick Le Loc’h (commerçante, maire de Pont-Labbé entre 1995 et 2001, conseillère générale de Pont-Labbé depuis 1998) en 2008 lors de leurs victoires aux législatives dans la circonscription de Douarnenez.

Jean Peuziat arrêta la politique en 2002, conservant durant tout la période de son engagement une pratique religieuse (phénomène relativement atypique dans ce type de trajectoire). Responsable diocésain et militant ACO dans les années 60 à la demande de l’abbé Kerautret, son engagement était parallèle à celui de sa femme Lucienne Héréus, ouvrière en usine de conserves, dirigeante national de la JOC et militante ACO, très investie dans les structures d’accueil des personnes âgées localement, qui adhéra au PS lorsque son mari était parlementaire. Militant charismatique, « Jean Peuz » était aussi très actif dans diverses associations populaires, en tant que clarinettiste confirmé notamment.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141963, notice PEUZIAT Jean par François Prigent, version mise en ligne le 15 octobre 2012, dernière modification le 23 mai 2014.

Par François Prigent

SOURCES : Arch. de la FJJ, dossiers Finistère. -Arch. Privées Jean Peuziat et Marie Jacq. — Fichiers Eric Belouet des permanents nationaux de la JOC. — Le Breton Socialiste puis Cap Finistère (1981-2002). — Articles du Ouest-France sur la vie socialiste locale (1977-2002). — Entretiens avec Jean Peuziat, Lucienne Huréus, Jean-Michel Le Boulanger, Bernard Poignant, Louis Le Pensec*, Tino Kerdraon*, Joseph Gourmelon*, Marie Jacq*, Geneviève Garros*, Gilbert Gramoullé, Annick Le Loch, Jean-Yves Le Drian*, Michel Scieux*, Joseph Youinou* ; Georges Dauphin* et Jean Folgas. — Jean-Michel Le Boulanger, Douarnenez de 1800 à nos jours. Essai de géographie historique sur l’identité d’une ville, PUR, Rennes, 2000. — Maurice Lucas et alii, Les socialistes dans le Finistère (1905-2005), Apogée, 2005.

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