DEBUNNE Auguste, Jules. [Belgique]

Par Jean-Paul Mahoux

Menin (Menen, pr. Flandre occidentale, arr. Courtrai - Kortrijk), 15 novembre 1872 − Menin, 9 janvier 1963. Ouvrier chaisier, pionnier du socialisme dans le sud de la Flandre occidentale, fondateur de la Jeune garde socialiste locale, syndicaliste, coopérateur, député de l’arrondissement de Courtrai, bourgmestre de Menin, père d’Oscar Debunne, grand-père de Georges Debunne.


Une jeunesse active

Auguste Debunne est l’aîné d’une famille catholique qui compte quatorze autres enfants nés entre 1879 et 1897. Son père, Petrus, est successivement blanchisseur, ouvrier dans une usine textile et maçon. Sa mère, Maria Simoens, est bobineuse. À l’âge de onze ans, Auguste Debunne quitte l’école communale de Menin et travaille comme ouvrier chaisier. Membre du cercle de propagande socialiste de Menin, il adhère au Syndicat des chaisiers en 1888.

Tiré au sort, Auguste Debunne accomplit ses obligations militaires à Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers), au Génie, de 1892 à 1895. Au cours de cette période, il étudie la pensée socialiste en autodidacte et commence à militer. Il écrit dans le journal antimilitariste, De Loteling (le conscrit), et participe à des meetings de grévistes à Boom (pr. et arr. Anvers). En 1894, il prend la parole au Congrès du Parti ouvrier belge (POB) pour dénoncer les conditions de travail des ouvriers belges employés dans le Nord de la France.

De retour à Menin en 1895, Auguste Debunne tente de rassembler les socialistes désunis, après l’échec de la coopérative Voorwaarts (en avant), et essaye de relancer le Syndicat des chaisiers, alors en crise. Il est, à cette époque, correspondant du journal gantois, Het Volksrecht (le droit du peuple). En hiver 1895, il fonde le Socialistische jong wacht (Jeune garde socialiste - JGS) de Menin dont une des premières actions est de manifester contre « l’impôt du sang ».
En 1896, Auguste Debunne prend la direction d’une grève de trois mois dans l’usine textile Graty et Cie à Halluin (département du Nord, France) où sont employés de nombreux travailleurs frontaliers de Menin. Le travail reprend sans que les revendications ouvrières soient satisfaites. Debunne est licencié et se voit interdire le territoire français pour dix ans. Son père et ses frères ne trouvent plus d’embauche et la famille Debunne tombe dans une situation très précaire.

Auguste Debunne, rendu responsable des difficultés familiales, vit sans ressources pendant plusieurs mois. C’est à cette époque, en décembre 1896, qu’il épouse Sidonie Van Damme (Menin, 1857-1935) dont il a un fils, Lucien (Menin, 15 juillet 1897 – Hofstade (commune de Zemst, pr. Brabant, arr. Hal-Vilvorde), 21 novembre 1985), père du syndicaliste, Georges Debunne.

Entre 1896 et 1902, Debunne exerce plusieurs métiers : tenancier d’un café à Menin, rempailleur de chaises puis vendeur du journal gantois, Vooruit (en avant), dont il est un rédacteur occasionnel.


Les fondations du socialisme à Menin : mutualité, syndicat, coopération

En 1900, Auguste Debunne fonde le Bond Moyson de Menin, sur le modèle de la mutualité gantoise, et prend part à la création de l’hebdomadaire courtraisien, Het Volksrecht (le droit du peuple). Il est un des fondateurs de la boulangerie coopérative, De Plicht (le devoir), dont il est administrateur délégué dès sa création en mai 1902. La mise sur pied de la boulangerie est facilitée par l’intervention financière de la coopérative gantoise, De Zon (le soleil). Convaincu que la classe ouvrière est plus sensible aux avantages réels qu’aux discours politiques, Debunne s’emploie à étendre le rayon d’activités de De Plicht, en absorbant les coopératives des environs de Menin ou en leur apportant un soutien financier. Cette politique d’extension menace plusieurs fois la stabilité financière de De Plicht, particulièrement en 1928 et en 1932. Auguste Debunne est également administrateur de la coopérative d’assurances, La Prévoyance sociale. Après la Première Guerre mondiale, de 1919 à 1932, il fait partie du conseil d’administration de la Banque belge du travail (BBT).

Coopérateur, Auguste Debunne n’en reste pas moins leader syndical des ouvriers frontaliers de Menin. En 1903, il tente sans succès de déclencher une grève de solidarité avec les grévistes d’Halluin (département du Nord, France) aux usines de lin de Wervicq (pr. Flandre occidentale, arr. Ypres). En 1910 et en 1913, Debunne anime les grèves en faveur du suffrage universel. En 1928, la grève de sept mois dans les usines d’Halluin s’organise avec le soutien financier de la coopérative, De Plicht. Il négocie un accord de reprise du travail avec les employeurs, contre l’avis de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) française.

Leader socialiste du sud-ouest de la Flandre occidentale, Auguste Debunne dirige toutes les luttes politiques dans une région très catholique et peu réceptive aux idées socialistes. Président de la Fédération du POB de Courtrai qui réunit des sections wallonnes (Mouscron) et flamandes, il mène une propagande incessante avec des hommes comme A. Dierkens*, J. Coole* ou Joseph Vandevelde*. C’est de cette époque que date son surnom d’« éveilleur de la Flandre occidentale », expression attribuée à Émile Vandervelde*.
Membre du Bureau des Congrès du POB de 1903, 1904 et 1911, Auguste Debunne est élu au Conseil général du parti en 1911 et en 1912.


Le mandataire

Le 27 mai 1906, Auguste Debunne est le premier socialiste de Flandre occidentale à siéger à la Chambre des représentants. Député de l’arrondissement de Courtrai jusqu’au 21 mai 1949, il est l’auteur de plusieurs propositions de loi : sur la réduction du temps de travail dans l’industrie du rouissage du lin dans les eaux de la Lys en 1912, sur la répression des fraudes électorales en 1921, sur l’octroi du droit de vote aux émigrés temporaires en 1923. Il participe également aux travaux de la commission des Finances publiques et de la commission des Postes, Télégraphes et Téléphones.

Durant la Première Guerre mondiale, Auguste Debunne est membre du Comité de secours et d’alimentation de Flandre occidentale. Il siège ensuite au Conseil supérieur des dommages de guerre.

Auguste Debunne mène la liste socialiste aux élections communales de Menin depuis 1899. Il devient le premier bourgmestre socialiste en Flandre occidentale le 19 août 1921, à la faveur du renversement de la majorité catholique. Son mayorat de 1919 à 1939 se signale par l’amélioration de l’enseignement officiel et par la construction d’habitations ouvrières à bon marché. Il est membre du Comité de patronage des habitations ouvrières de son arrondissement et commissaire de la Société provinciale des habitations à bon marché.

Peu après le décès de sa femme, Auguste Debunne se remarie le 13 août 1935 à Ostende avec Bertha Debeuf (Menin, 1893 - Forest, 1968) dont il a un fils, né en 1921, Oscar. Il prend sa retraite après la Seconde Guerre mondiale mais préside la Fédération des pensionnés socialistes de Flandre occidentale et l’Association des amis des écoles officielles de Menin.

Symbole vivant de la période héroïque du POB, Auguste Debunne est souvent associé aux fêtes du parti dans les années 1950. Ses débuts difficiles de militant socialiste atteignent alors une dimension mythique. Il meurt à la clinique du Bond Moyson de Menin, le 9 janvier 1962, à l’âge de nonante ans.

À consulter également : LENTACKER M., Debunne Auguste, dans Site Web : maitron.fr.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article142356, notice DEBUNNE Auguste, Jules. [Belgique] par Jean-Paul Mahoux, version mise en ligne le 12 octobre 2012, dernière modification le 20 mars 2024.

Par Jean-Paul Mahoux

SOURCES : DE RIJCKE M., August Debunne en de werkersbeweging in het arrondissement Kortrijk, Brussel, 1931 (icono) − SCHOOL S.H., De geschiedenis van de arbeidersbeweging in West-Vlaanderen 1875-1914, Brussel, 1953, p. 75-83 − SERWY V., La coopération en Belgique, t. II : La formation de la coopération 1880-1914, Bruxelles, 1942, p. 261-263 ; t. III : Le développement de la coopération 1914-1944, Bruxelles, 1946, p. 240-250 ; t. IV : La vie coopérative. Dictionnaire biographique, Bruxelles, 1952, p. 121 − DELHAYE J.-P., DUCASTELLE J.-P., DUVOSQUEL J.-M., SONNEVILLE M., 1885-1985. Histoire des fédérations. Hainaut occidental, Bruxelles, 1985, p. 88 (Mémoire ouvrière, 4) − VAN MOLLE P., Le Parlement belge 1894-1969, Ledeberg-Gent, p. 67 − COMPÈRE-MOREL A., Grand dictionnaire socialiste du mouvement politique et économique national et international, Paris, 1924, p. 194 − PSB. Les fastes du parti 1885-1960, Bruxelles, s.d., p. 73, 112 − « August Debunne opende de oogen voor het socialistischelichts », Voor allen, 25 augustus 1946, p. 1 (icono) − « Een leven van strijd en opoffering », Voor allen, 12 september 1946, p. 3 (icono) − Le Peuple, 30 septembre 1952 (icono) ; 6 octobre 1952 ; 31 mars 1958 ; 9 novembre 1956 (icono) ; 10 janvier 1963 (icono) ; 19 décembre 1972 (icono) − Archives communales de Menin − Notice réalisée par un étudiant de la section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 1989.

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