ALIÉMART Gilbert, Timothée [dit Roussel]

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Né le 8 mai 1924 à Déchy (Nord), fusillé le 20 novembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de Seine) ; tourneur ; résistant au sein des FTPF.

Gilbert Aliémart était le fils de Charles, métallurgiste, et d’Adrienne, née Dresse, giletière. Titulaire du certificat d’aptitude professionnel (CAP) de tourneur sur métaux, Gilbert Aliémart travailla chez Gury à La Garenne-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine), il entra chez Bronzavia à Courbevoie en décembre 1941. Il habitait chez ses parents, 81 allée du Midi (Pierre-Brossolette) à Courbevoie.
À l’automne 1942, deux cent vingt ouvriers sur les mille cinq cents que comptait l’entreprise furent désignés pour aller travailler en Allemagne. Le lundi 12 octobre, trois cents d’entre eux débrayèrent cinq minutes entre 15 heures et 15 h 10 pour protester. La direction mena une enquête et communiqua dix jours plus tard quatre noms au commissaire. Il y eut deux arrestations, les deux autres ayant quitté leur domicile. Gilbert Aliémart était donc inquiet quant à l’éventualité de partir en Allemagne. Il s’adressa à Léon Desport en lui demandant s’il connaissait un moyen de gagner la zone libre ou l’Angleterre. Celui-ci était un militant aguerri membre de la CGT et du Parti communiste dès 1936, ex-Brigadiste en Espagne républicaine et il recommanda à Gilbert Aliémart de s’adresser à un collègue, Émile Agier. Ce dernier le présenta à Victor Blanchard, ajusteur outilleur chez Chausson à Asnières. L’un des militants remit à Gilbert Aliémart un tract intitulé « La France Patriotique » consacré aux actions des Francs-tireurs et partisans. Lecture faite, il pensa qu’il émanait d’une organisation patriotique, sans savoir qu’il était édité par le Parti communiste clandestin. Il fit part de l’admiration que lui inspirait le combat patriotique des FTP. Émile Agier organisa un rendez-vous. Gilbert Aliémart rencontra un responsable régional des FTP, puis fut présenté à Garnier (Pierre Schlup) ; Gilbert Aliémart devint Roussel.
Début mars 1943, Pierre Schlup lui expliqua qu’il « avait promis de faire ses preuves » en abattant un militaire allemand et lui demanda de l’accompagner. Le lendemain en fin d’après-midi, les deux hommes se retrouvèrent rue Coustou (XVIIIe arr.), et Pierre Schlup lui remit un pistolet automatique 6,35 mm Le Victorieux pour assurer le cas échéant sa protection. Ils attendirent la tombée de la nuit, se promenèrent dans le quartier Pigalle et recherchèrent un militaire allemand pour l’abattre. Ils suivirent un sous-officier, et lorsqu’il arriva à la hauteur de la rue Lallier, Schlup le rattrapa, lui tira dans le dos à une distance d’environ trente centimètres. En riposte, des coups de feu furent tirés par des Allemands sur les deux hommes sans les atteindre. Ils prirent le métro à une station de là, à Anvers, firent le chemin ensemble, se séparèrent une heure et demie plus tard rue Charras à Courbevoie. Son père, un ancien militaire, le sermonna en raison de l’heure tardive à laquelle il rentrait.
Le lendemain, Gilbert Aliémart restitua le pistolet à Schlup et refusa de signer un engagement intitulé « Le code d’honneur du franc-tireur ». Le vendredi 19 mars, ils se rencontrèrent place de Belgique à Bécon-les-Bruyères (Seine, Hauts-de-Seine). Pierre Schlup lui proposa d’assister le dimanche suivant à un attentat à la grenade contre un poste allemand. Gilbert Aliémart ne revit pas Schlup, car celui-ci fut arrêté le 22 mars. Pierre Brossard dit Philibert, responsable des cadres du Parti communiste fut arrêté le 1er mars 1943 par des inspecteurs de la BS1. La perquisition de son domicile fut fructueuse, entre deux cent cinquante et trois cents fiches ou notices biographiques de militants communistes furent saisies, dont celle de Pierre Schlup. Il fut appréhendé le 22 mars 1943 par la BS2 antiterroriste. Entre les deux dates, vingt et un jours s’étaient écoulés. Fut-il filé pendant cette période ? Emmené dans les locaux des BS à la préfecture de police, il fut sévèrement frappé à coups de nerfs de bœuf. Sa chute entraîna celles d’une quarantaine de membres des groupes FTP. Il donna le signalement de Gilbert Aliémart et son lieu de travail, Bronzavia.
Deux inspecteurs de la BS2 se présentèrent le 25 mars vers 13 heures au chef de l’entreprise Bronzavia. Ils décrivirent le jeune homme recherché et un chef de service les conduisit au « jeune homme blond ». Il fut trouvé porteur d’un papier sur lequel figurait l’adresse de l’un de ses camarades d’atelier nommé Guinot qui lui avait proposé de l’héberger « en cas de danger ». Lors de son interrogatoire dans les locaux des Brigades spéciales, il déclara « Je n’ai jamais été membre de l’organisation communiste et aucun de mes parents ne fait partie d’une organisation d’extrême gauche. [...] J’ignorais que la formation à laquelle j’ai adhéré agissait selon les mots d’ordre de la IIIe Internationale. »
Livré aux Allemands, incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne), il écrivit lors de sa captivité à la prison de Fresnes un journal s’achevant avant son jugement (consultable aux Archives nationales). Il fut condamné à mort le 4 novembre 1943 par le tribunal militaire du Gross Paris rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), et fusillé au Mont-Valérien le 20 novembre 1943. Il fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Après la Libération, Adrienne Aliémart, sa mère, fit une déposition le 6 novembre 1944. Elle fut convoquée le 21 mars 1945 devant la Commission d’épuration de la police. Elle reconnut l’un des deux inspecteurs, déclarant « ils ont été corrects au cours de la perquisition, ils n’ont rien volé et ils n’ont pas battu mon fils ». Elle relata qu’il « aurait pu se sauver » lors de cette perquisition.
Le ministère des Anciens Combattants attribua le grade de brigadier-chef FFI à Gilbert Aliémart à titre posthume. Son nom figura aux côtés d’autres sportifs sur une plaque apposée dans l’ancien stade de Courbevoie en hommage aux « Athlètes de Courbevoie-Sport. Morts pour la France ». Une plaque fut apposée par le Comité local de libération sur la façade de l’immeuble de l’Allée du Midi, devenue rue Pierre-Brossolette, là où il habitait.

Sa famille adhéra à l’Association de nationale des familles de fusillés.

« Fresnes, le 20-11-1943
Chers papa et maman,
Cette fois-ci, il va vous falloir un grand courage. Ma condamnation à mort vient de m’être confirmée. Nous allons être exécutés aujourd’hui à 8 heures. Ne croyez pas, parce que vous voyez mon écriture tremblée que j’ai peur. Non ! C’est l’émotion qui fait ça. C’est pour vous que je me fais du mauvais sang. Pardonnez-moi de vous faire tant de mal. Nous nous retrouverons là-haut. Croyez, je vous en supplie, à Dieu. C’est lui qui m’appelle.
Ne dites pas à mes grands-parents que j’ai été fusillé. Dites-leur que j’ai fait un coup de tête, que je suis parti sans laisser d’adresse. Nous nous reverrons là-haut.
Mes chers parents, dans la situation où je suis, je ne trouve plus mes mots. Mais croyez-moi, je saurai m’en aller
en « Français ».
Je vous embrasse très fort.
Gilbert »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article142921, notice ALIÉMART Gilbert, Timothée [dit Roussel] par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 9 novembre 2012, dernière modification le 23 octobre 2022.

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Arch. Nat. 72AJ/288. – Arch. PPo., BA 2116, BA 2117, BA 2299, GA B1, PCF carton 14 rapports hebdomadaires de l’activité communiste, KB 6, KB 29. – DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Site Mémoire des Hommes. – Mémorial Genweb. – Notes de Jean-Pierre Ravery. — État civil.

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