ZIRNHELD Jules [ZIRNHELD Henri, Jules]

Né et mort à Paris, 9 novembre 1876-18 décembre 1940 ; employé de banque, président du syndicat des employés du commerce et de l’industrie (SECI) ; président de la CFTC ; président de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC).

Jules Zirnheld en 1923

D’origine alsacienne, Jules Zirnheld était le second fils de Joseph Zirnheld, combattant de 1870, prisonnier de guerre, optant pour la France, employé à Paris de la Société Générale et marié à Marie Chagnaux, d’origine charentaise, femme de chambre, puis concierge. L’un et l’autre furent des catholiques fervents comme leurs trois fils.

Jules Zirnheld fit ses études primaires, puis commerciales à Saint-Thomas-d’Aquin, chez les Frères des Écoles chrétiennes. Il fut employé comptable en 1891, puis entra, par concours, à la Banque de France en 1900.

Dès son adolescence, il fut un militant actif des oeuvres et groupements catholiques et il adhéra en 1892 au syndicat des employés du commerce et de l’industrie. En mai 1896, il fut délégué au congrès ouvrier chrétien de Reims. Il entra cette même année à la Commission d’études du SECI et collabora au Bulletin du syndicat des employés du commerce et de l’industrie qui, en 1901, devint l’Employé.

Il accomplit en 1898 son service militaire au Havre et fut libéré en 1899 avec le grade de caporal. Il entra alors au conseil d’administration du syndicat comme trésorier, succédant à André Géant devenu président. Il participa, en 1900, à Paris, au premier congrès international des ouvriers chrétiens.

Il commença à polémiquer avec les révolutionnaires de la CGT qui firent exclure le syndicat de la Bourse du Travail de Paris en 1902. En septembre 1903, il présida la délégation du SECI au Congrès international des employés qui se tint à Bruxelles. Arthur Rozier réclama l’exclusion de ce syndicat confessionnel au nom de la fédération CGT. Mais, soutenu par les socialistes liégeois Bologne et Troclet, Zirnheld fit repousser la motion de Rozier. Il mena pendant cette période de vives polémiques contre le Bloc des gauches, les socialistes, la CGT. En 1905, il se maria et de son mariage naquirent un fils et une fille. Le 31 janvier 1906, il devint président du syndicat en remplacement de Géant et, en avril de la même année, il participa au congrès de l’enseignement commercial à Namur.

L’action militante catholique et réformiste de Zirnheld, président du syndicat, le conduisit à développer l’organisation du placement, des loisirs collectifs, des cours professionnels, de la mutuelle. Il milita aussi pour le respect de la loi sur le repos hebdomadaire et pour l’extension des juridictions prud’homales aux employés. Sur ce dernier point, la loi de 1907 leur donna satisfaction. Zirnheld, battu en 1908 aux premières élections prud’homales, fut élu, en 1911, le premier prud’homme des syndicalistes chrétiens.

Mais, pendant cette période 1906-1914, il connut des difficultés. Les catholiques sociaux de Marc Sangnier et du Sillon lui préféraient les réformistes de la CGT comme Keufer. Les catholiques de droite lui préféraient les « jaunes » et surtout Biétry, transfuge du syndicalisme révolutionnaire qui obtint l’appui des organisations et de la hiérarchie catholiques.

D’autre part, Zirnheld refusa de placer son syndicat sous l’autorité ecclésiastique pour les questions professionnelles. Dénoncé à Rome par ceux qui voulaient le compromettre dans la condamnation du Sillon, il fut protégé par Léon Harmel et par l’archevêque de Paris, Mgr Amette. Le pape Pie X lui donna raison et le nomma en décembre 1912 chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand.

En 1912, il fit voter le principe d’une fédération des syndicats d’employés catholiques et cette fédération se constitua en 1913. Mobilisé en 1914 à Lisieux comme adjudant dans l’infanterie territoriale, il fut nommé sous-lieutenant dans l’aviation de bombardement, car avant-guerre il s’était fait initier à l’aéronautique. Le 21 juin 1916 il tombait dans les lignes allemandes au cours d’une mission volontaire. Prisonnier, il fut victime d’un provocateur et essaya de faire passer en France des renseignements militaires qui furent livrés à l’ennemi. Il subit alors une très dure captivité et fut condamné, le 18 octobre 1918, à douze ans de travaux forcés, après avoir été en péril de mort. Le 8 décembre, il fut libéré par la victoire et fait chevalier de la Légion d’honneur. Reprenant son oeuvre militante, il fut alors le promoteur de la Confédération internationale des syndicats chrétiens et de la Confédération française des travailleurs chrétiens. Il eût voulu celle-ci exclusivement catholique. Le caractère inter confessionnel des syndicats d’Alsace-Lorraine ne le permit pas. Il prit en novembre 1919 une part prépondérante au congrès de fondation et fut nommé président de la CFTC avec Gaston Tessier comme secrétaire général. Zirnheld participa jusqu’à sa mort à tous les congrès.

Il lutta contre les grèves générales révolutionnaires de la CGT, de 1919 à 1921, et contribua à leur échec. Il développa les principes d’un syndicalisme professionnel et familial de collaboration de classes fondé sur la morale chrétienne. Il fit militer la CFTC pour les Assurances sociales mais fut de nouveau dénoncé en cour de Rome par les patrons catholiques du Textile du Nord et par l’Action française. Il alla à Rome en 1927, obtint audience du pape et des cardinaux et, malgré les difficultés que pouvaient procurer à la CFTC la grève générale des banques et la grève générale ouvrière du Textile de la vallée de la Lys (Halluin), il obtint satisfaction. Le pèlerinage à Rome de la CFTC en 1929 consacra ce succès. En 1932, Zirnheld fut nommé Commandeur de Saint-Grégoire-le-Grand.

Depuis 1923, il avait abandonné la présidence du SECI dont il était président d’honneur. Il dirigeait depuis 1919 la coopérative agricole de l’Union centrale des syndicats des Agriculteurs de France. Puis, en 1932, à la suite d’une scission, il abandonna cette présidence pour celle de l’Agence générale des coopératives agricoles.

Il fut le principal rédacteur du plan de la CFTC élaboré à partir de 1934 et adopté le 15 janvier 1936. À ce moment se reconstituait l’union ouvrière par la fusion de la CGT et de la CGTU. Des actions unies, parfois importantes, se réalisèrent à l’échelon local, dans la région parisienne, le Nord et la Loire notamment ; mais, au plan confédéral, Zirnheld refusa toujours l’unité avec la CGT comme il avait refusé de participer à la riposte ouvrière au 6 février 1934. Dans les années 1936 et 1937, il dut lutter pour parvenir à faire reconnaître le caractère représentatif de sa confédération. Cependant la CFTC fut écartée des accords Matignon. Pour le cinquantenaire du syndicalisme chrétien, il fut nommé par le pape, en juin 1937, Grand-Croix de l’ordre de Saint-Sylvestre. Il anima pour ce cinquantenaire une grande manifestation au Parc des Princes à Paris et il publia Cinquante années de syndicalisme chrétien. Après la rupture du Front populaire, il s’opposa à la fois aux décrets-lois Reynaud et à la grève du 30 novembre 1938.

Zirnheld avait été à l’origine de la CISC ; il en fut un des principaux dirigeants. Le 16 mars 1919, il ouvrit à Paris le Congrès international des syndicats chrétiens (Puissances alliées) qui vota le principe d’une Internationale chrétienne. Celle-ci fut constituée en juin 1920. Elle eut pour siège Utrecht puis La Haye. Zirnheld en fut nommé vice-président. Les débuts furent difficiles et les conflits franco-allemands sur les « Réparations » risquaient de ruiner l’organisation. À Bâle, en octobre 1923, Zirnheld menaça de s’en aller. Cependant, à partir de 1926, au congrès de Stuttgart, il entra au Bureau de la Confédération interdit jusqu’alors aux anciens belligérants. Il conduisit la délégation française à Munich en 1928. L’appui d’Albert Thomas ne suffit pas à imposer au BIT une représentation syndicale chrétienne, par suite de l’opposition de l’Internationale d’Amsterdam. Mais avec l’avènement de Hitler, si la CISC perdit de l’importance en Europe, Zirnheld vit croître son influence au sein de la Confédération. Il en fut le président provisoirement en 1933, puis définitivement à partir du congrès de Paris (septembre 1937). En juin 1937 il avait représenté l’Internationale au congrès de la Mère au Foyer.

En tant que militant catholique, Zirnheld joua un rôle qui dépasse largement le cadre syndical. Il fut trésorier de l’Association pour le Progrès social, fit partie de la commission générale d’organisation des Semaines sociales et il intervint soit par des rapports, soit par des communications dans quatorze Semaines sociales entre 1919 et 1939.

Zirnheld montra toujours une fidélité doctrinale totale aux encycliques pontificales sur les problèmes sociaux, mais il fut également toujours intransigeant comme organisateur dans le maintien de l’indépendance du syndicalisme ouvrier. Hostile au libéralisme économique et au socialisme, il se montra favorable à une économie organisée avec participation ouvrière. Il s’attacha donc à la formation de cadres syndicaux, et dès 1920, il fut à l’origine de la Commission confédérale de formation. À partir de 1921, se tinrent des sessions d’études de pratique syndicale où Zirnheld donna des cours.

Atteint pour la première fois de congestion en mai 1938, il ne cessa pas pour autant de se surmener. En 1940, réfugié en Maine-et-Loire, il subit avec douleur l’invasion. La dissolution de la CFTC lui porta un dernier coup. Il protesta dans son dernier discours en novembre 1940 aux obsèques d’Alfred Despont. Il donna son assentiment au manifeste des Douze (neuf CGT, trois CFTC) du 15 novembre 1940. Il s’affaiblit au début de décembre et mourut le 28. Ses obsèques eurent lieu le 31 à Notre-Dame-d’Auteuil, en présence des hautes autorités religieuses. Le plus important des syndicalistes catholiques français de son époque, il laisse le souvenir d’un grand orateur, d’un organisateur de premier ordre et d’un caractère intransigeant.
Il avait deux enfants, Yvonne et Henri.
Après la Seconde Guerre mondiale, Henri Zirnheld fit un syndicaliste CFTC. Il travailla avec Jean Sarrut à l’élaboration et l’édition du Dictionnaire permanent social (1ère édition en 1950).
Henri Zirnheld est mort brutalement en 1961. Sa femme Henriette est décédée en 1992.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article142969, notice ZIRNHELD Jules [ZIRNHELD Henri, Jules], version mise en ligne le 24 novembre 2012, dernière modification le 10 mars 2020.
Jules Zirnheld en 1923
Jules Zirnheld à son bureau en 1937.
Clichés fournis par la famille.

OEUVRE : Articles de l’Employé, de Syndicalisme. — Cinquante années de syndicalisme chrétien, Paris, 1937.

SOURCES : M. Turmann, Le Syndicalisme chrétien en France, Paris, 1929. — R. P. Stéphane et J. Piat, Jules Zirnheld, président de la CFTC, Paris, 1948. — M. Launay, La CFTC, origines et développement 1919-1940, Paris, 1986. Voir l’inventaire de son fonds personnel en ligne. — Notes de Béatrice Letellier, fille de Yvonne Zirnheld, décembre 2019.

ICONOGRAPHIE : R. P. Stéphane et J. Piat, op. cit.

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