VAUGHAN Ernest, Joseph, Richard.

Par Jean Puissant

Saint-Germain-en-Laye (département des Yvelines, France), 10 janvier 1841 − Paris, 21 janvier 1929. Directeur d’usine textile, condamné pour sympathie avec la Commune de 1871, exilé à Bruxelles, personnalité ayant un magister d’influence sur le pré-socialisme à Bruxelles.

Apprenti tapissier vers l’âge de onze ans, Ernest Vaughan devient, en 1861, directeur d’usine textile dans les environs de Rouen (département de la Seine maritime, France), à la suite de son mariage avec la fille d’un propriétaire d’usine. Dans ses Souvenirs sans regrets publiés en 1907, il se définit : à l’époque, « J’étais fervent admirateur de Proudhon, mutuelliste convaincu et abstentionniste féroce (en matière politique) ».

Ernest Vaughan s’affilie à l’Internationale en 1867, parrainé par le typographe, Émile Aubry. De plus, il y fait adhérer ses ouvriers « avec toutes les peines du monde », précise-t-il. Devenu adjoint au maire de Darnétal, il est arrêté pour avoir été assesseur à une réunion non déclarée de soutien à la Commune de Paris le 24 avril 1871. Libéré provisoire en juillet, il se réfugie à Bruxelles dès le 20 septembre. Il y précède Gustave Mondet et Émile Aubry qui l’a recommandé à ses amis bruxellois. En novembre, Vaughan est condamné par défaut à deux ans de prison.

Pour subvenir aux besoins de sa famille qui compte quatre enfants, Ernest Vaughan exerce divers métiers, voyageur de commerce, marchand de charbon dans le quartier de La Putterie, toujours à Bruxelles, où il emploie Feuillet, un communard, et comptable. Mais, en novembre 1872, ses affaires ne tournent pas rond et on le retrouve dans des entreprises de presse, préfiguration de son avenir à son retour en France. Vaughan est employé à La vie moderne en 1873, à La Gazette de Hollande de Edouard Glaser de Willebrord* avec Adolphe Tabarant* en 1875-1876, au Moniteur industriel belge créé par Jules Meeus en 1876. En 1878, il est rédacteur du Mot pour rire avec Tabarant. Il crée La Bombe, avec Tabarant et Guillaume Poteau*, communard qui a introduit la chromolithographie à Bruxelles, et ensuite La Trique avec Louis Bertrand et Bodart en octobre 1879.

Comme tous les réfugiés, avec les difficultés financières dont témoigne le parcours professionnel, Ernest Vaughan change souvent de logement à Bruxelles, à Ixelles et Saint-Gilles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale). Surveillé par la police, il témoigne de prudence. En juillet 1875, il nie ainsi être l’auteur de certains textes parus dans La Gazette de Hollande. Menacé, il renvoie à son propriétaire gérant. Il ne prend pas la parole dans les assemblées politiques, sauf à une assemblée du Parti socialiste brabançon, remise par défaut de public le 30 mars 1878. Ernest Vaughan refuse de prendre la parole lors d’une conférence « car il craint des poursuites, vu sa qualité d’étranger » mais « devant un nombre si restreint de membres, il consent à développer sa pensée », devant donc un indicateur qui doit lui être familier. Il « croit que les moyens pacifiques n’amèneront aucun bon résultat. Le droit de suffrage a été obtenu en France à la suite de revendications énergiques. Il en sera de même en Belgique. » Bien vu ! Vaughan est normalement actif dans les associations de réfugiés français comme Le Prêt mutuel, L’Égalité, La Société fraternelle, La Société de prévoyance contre les expulsions en mars 1877. Il s’y prononce contre les amnisties individuelles et en faveur d’une loi d’amnistie générale en France le 18 janvier 1879.

Ernest Vaughan est également présent à des réunions de l’Association internationale des travailleurs (AIT), du Parti socialiste brabançon, surtout dans la dernière partie de son séjour, mais reste muet. Il adhère au Cercle démocratique en 1879. Il est très assidu aux réunions des Solidaires, association rationaliste d’enterrements civils, berceau de la social-démocratie à Bruxelles, à laquelle il est rapidement admis. Le 3 avril 1876, il est élu au comité de propagande. Un policier rapporte qu’ « Il (Vaughan) propose de rééditer le curé Meslier. » Le 8 mai, il se prononce en faveur de la crémation « qui serait un bienfait pour l’humanité (du point de vue hygiénique) et la ruine du catholicisme ». Il donne une conférence dans le cadre des leçons publiques organisées par les Solidaires et la Chambre du travail. Sa présence régulière dans les rapports de police en 1879-1880 montre qu’il n’est pas indifférent à la bataille politique qui se déroule à Bruxelles entre « évolutionnistes » « et « radicaux ». Il est proche des premiers, de Louis Bertrand en particulier, dont il est un des témoins de mariage en septembre 1879. Dans son Histoire de la démocratie et du socialisme depuis 1830 (vol. 2, p.48), ce dernier le qualifie d’« incomparable Vaughan, la plus belle nature d’homme que je connaisse ». Sa dernière mention dans les rapports de police date du 24 août 1880.

De retour à Paris, Ernest Vaughan dirige divers organes de presse, fonde, avec Georges Clémenceau, L’Aurore qui publiera le J’accuse d’Émile Zola, avant de prendre la direction d’un hôpital. La création de L’Aurore en 1897 est d’ailleurs soutenue financièrement par plusieurs belges bruxellois : Georges Defuisseaux, Ferdinand Fléchet, Paul Janson, Georges Lorand, Émile Maton et Edmond Picard.
En 1927, Vaughan écrit à Louis Bertrand pour le remercier de l’envoi de ses Souvenirs d’un meneur socialiste et l’en féliciter. Avec Gustave Bazin, Ernest Vaughan fait partie sans doute de ces personnalités exilées à Bruxelles qui auront joué un rôle non négligeable, d’un point de vue intellectuel, dans l’affirmation d’un courant social-démocrate à l’origine du Parti ouvrier belge (POB).

À consulter également Voir également VAUGHAN Ernest, dans Site Web : maitron.fr

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article142999, notice VAUGHAN Ernest, Joseph, Richard. par Jean Puissant, version mise en ligne le 13 novembre 2012, dernière modification le 7 septembre 2022.

Par Jean Puissant

ŒUVRE : Souvenirs sans regrets, Paris, 1907.

SOURCES : Archives générales du Royaume, Police des étrangers, n°244 270 - Institut Émile Vandevelde, archives Louis Bertrand − WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie Internationale (1866-1880), deel III, Leuven-Paris, 1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60) − BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, t 2, Bruxelles, 1906-1907 − BERTRAND L., Souvenirs d’un meneur socialiste, Bruxelles, 1927.

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