Par Michel Dreyfus
Né le 29 mai 1902 à Paris (XIVe arr.), mort le 5 juillet 1976 à Paris (XIIIe arr.) ; ajusteur mécanicien ; secrétaire de la Fédération CGT des Métaux.
Membre du IVe rayon communiste de Paris, Marcel Roy signa, en octobre 1925, la Lettre des 250 qui manifestait auprès de l’Internationale communiste le désaccord de nombreux militants avec la politique de « bolchevisation » du Parti communiste français. Avec Georges Briard, il avait fait de sa cellule un véritable foyer oppositionnel. À partir de novembre 1927, il fut membre du premier comité de rédaction de la revue Contre le courant animée notamment par Magdeleine Paz et Maurice Paz. La participation de M. Roy à ce groupement entraîna son exclusion du PC.
Durant près de deux ans Contre le courant, qui aurait tiré à environ 2 000 exemplaires, constitua la principale tribune de l’opposition trotskyste, critiquant la politique suivie par l’Internationale communiste ainsi que celle de sa section française et prônant un redressement du parti. Mais des divergences survenues tant pour des motifs personnels entre Paz et Trotsky que pour des raisons politiques mirent fin à cette collaboration et Contre le courant, après avoir refusé de se rallier au nouvel organe de l’Opposition de gauche en France, la Vérité, reconnu par Trotsky, cessa sa parution en octobre 1929. Dans son dernier numéro, M. Roy adressa une lettre ouverte à Trotsky dans laquelle il écrivait notamment : « Vous dites ralliement autour de la Vérité. Alors je pose la question : autour de qui, autour de quoi ? Quelle est la tradition, la politique organisationnelle de l’initiative ? Pour ma part, je n’aperçois qu’une fraction de plus, qu’un journal de plus et cela, camarade Trotsky, c’est votre œuvre. Un pas en avant dites-vous ? Non un recul. » Contre le courant fut alors remplacé par Le Libérateur, « journal communiste de l’opposition » à partir de novembre 1929, mais qui ne parut que quelques mois jusqu’en mars 1930. M. Roy appartint à son comité de rédaction et y tint la rubrique syndicale.
Dès octobre 1929, peut-être avant, M. Roy faisait partie avec Albert Lemire et Prudhomme de l’association ouvrière de production (AOIP). En octobre 1929 eut lieu une grève à l’AOIP au cours de laquelle des divergences apparurent entre M. Roy, H. Méric, Prudhomme et les militants communistes. M. Roy militait alors à l’Union des syndicats unitaires des travailleurs de la Métallurgie de la région parisienne. Il participa au congrès minoritaire parisien en décembre 1930. Dans les différentes réunions, il dénonçait le manque de discussions démocratiques. Il représentait la minorité hostile au PC et lors d’une réunion de l’Union en novembre 1931, A. Costes l’accusa d’être responsable de la crise du recrutement.
Dès les premiers mois de 1930, M. Roy participa au Comité pour l’indépendance du syndicalisme qui, autour de Maurice Chambelland et Pierre Monatte, publia à partir de la fin 1929 Le Cri du peuple, « hebdomadaire syndicaliste révolutionnaire ». Dans le n° 26 (16 avril 1930), on trouvait son nom parmi la phalange de « 300 volontaires qui pendant quelques mois, chaque semaine, versent régulièrement 5 F pour sauver et soutenir Le Cri ». Le 4 octobre 1931, M. Roy participa à la conférence de la minorité syndicale unitaire organisée à la Bourse du Travail par le Comité pour l’indépendance du syndicalisme où furent recherchées les modalités d’une fusion CGTU/CGT lors du prochain congrès de la CGTU (VIe, 8-14 novembre 1931). À l’issue des débats au cours desquels Roy intervint, une résolution fut votée qui exhortait la CGTU de demander à la CA de la CGT de recevoir une délégation afin de préciser d’un commun accord les conditions dans lesquelles pourrait s’opérer la fusion simultanée des organismes syndicaux parallèles ainsi que les garanties qui devraient nécessairement accompagner cette fusion », vœux qui, on le sait, ne furent pas suivis d’effet.
Sans doute peu de temps après, Marcel Roy rejoignit la Fédération confédérée des Métaux (FCM). En 1933, il entra à la commission exécutive de cette fédération (voir Couveigne). En 1935, il était secrétaire adjoint de la Chambre syndicale des ouvriers en instruments de précision. Il intervint longuement la même année au XIIe congrès de la FCM (22-23 septembre 1935) et prononça un ample discours sur la crise et le « Plan » de la CGT. Après avoir rappelé les étapes de son militantisme antérieur, il se prononça en faveur du Plan et des nationalisations tout en se demandant comment serait concrètement réalisé le Plan : par la violence ou la collaboration avec les organismes de l’État ? Il appela le congrès à se prononcer sur ce point en rappelant que tout était question de rapport de force. Seule la classe ouvrière organisée dans le cadre d’un mouvement syndical unique et alliée mais « non soumise » à la SFIO qu’il qualifiait de « parti prolétarien » rendrait possible l’application du Plan. Ce mouvement syndical unique pourrait combattre le fascisme — danger majeur — dans le cadre de la lutte pour le Plan qui favoriserait sa mobilisation. Dans ces conditions, le Plan était acceptable « à condition de renfermer en son sein suffisamment de dynamisme pour ne pas être seulement un plan de rénovation sociale ». Lemire qui intervint après M. Roy à la même tribune fut nettement plus critique vis-à-vis du Plan.
À l’occasion du débat sur l’unité qui se déroula lors du congrès confédéral de la CGT du 24 au 27 septembre 1935, M. Roy défendit vigoureusement l’union avec les unitaires et une fois encore évoqua son itinéraire syndical : « Malgré mon jeune âge, je suis un de ceux qui ont connu la scission syndicale et qui, en étant à la CGT unitaire, ont toujours bataillé pour reconstruire la vieille maison syndicale dans notre pays. » Et d’évoquer son soutien à la motion Paris-État-Rive droite, le comité des 22, etc. Pour lui, la fusion syndicale devait se faire au plus vite. Il reprochait au bureau confédéral de ne pas apprécier à leur juste valeur les concessions des unitaires : « Je me demande si un être humain peut faire des concessions supplémentaires à celles que les unitaires viennent de faire pour la réalisation de l’unité syndicale. » Cependant il pensait qu’à l’avenir les ex-unitaires tenteraient « de fausser le jeu de la démocratie syndicale ».
Malgré ces prises de position, Roy se montra très attaché à la défense des thèses ex-confédérées, une fois l’unité réalisée. Secrétaire de la Fédération des Métaux avec Léon Chevalme, Ambroise Croizat et Raymond Semat après le Comité national interfédéral de mars 1936, il tenta d’imposer le principe de l’incompatibilité entre mandat syndical et électif. Il s’opposa violemment à Poirot, ex-unitaire parisien et se défendit contre les accusations portées contre lui de n’avoir pas été, lors des négociations avec le patronat en juin 1936 « un militant fermement défenseur des ouvriers ». Lors de l’élection du secrétariat, les ex-confédérés firent de la réélection de Roy, une question de principe et Semat dut s’adresser aux ex-unitaires : « Je vous demande d’accepter la liste complète que l’on vous a donnée, notre camarade Roy compris. » Roy fut réélu aux côtés de Semat, Jean Borne, Chevalme et André Vrigneaud, Croizat étant secrétaire général. Il faisait partie du Conseil national économique (14e section professionnelle — sous-section de la chaudronnerie, fonderie, construction métallique, mécanique et électrique).
À partir d’octobre 1936, Marcel Roy fut un des principaux rédacteurs de Syndicats, « hebdomadaire du monde du travail », en compagnie de René Belin, Georges Dumoulin, André Delmas, René Bard, Pierre Vigne (voir ces noms), etc. En avril 1938, M. Roy s’y affirma en faveur du pacifisme intégral en écrivant « qu’approuver la défense nationale en régime capitaliste consiste à voler au secours de son propre ennemi en se faisant le sergent recruteur du bétail humain pour le compte de son propre impérialisme ». Au lendemain de l’Anschluss, il appartint au Comité syndical d’action contre la guerre (CSACG) — voir Georges Maupioux.
Lors du congrès fédéral de décembre 1938, les discussions furent à nouveau très vives entre Roy et les ex-unitaires. Roy défendit sa collaboration au journal Syndicats : « Je suis un militant discipliné et je le resterai. Mais ma collaboration au journal Syndicats sur des problèmes que je considère comme importants, essentiels même pour notre mouvement syndical, je la continuerai. » Roy estimait que « dans la direction de la Fédération, il y a un régime qui n’est pas démocratique » et il s’opposa au projet de Jean-Pierre Timbaud qui souhaitait augmenter la représentation de la région parisienne dans les instances fédérales car « ce serait une démocratie qui étoufferait la démocratie ». Aux accusations de munichois portées contre lui, Roy répondit : « Je n’oublierai jamais l’attitude de Merrheim pendant la guerre, son pacifisme et sa volonté d’arrêter coûte que coûte les conflits dont il ne peut rien sortir de bon pour l’humanité. » Le 10 mai 1939, dans le droit fil de cette déclaration, Roy soutint que la négociation valait mieux que la guerre. Malgré ses divergences avec les ex-unitaires, Roy demeura, après bien des négociations de coulisse, au secrétariat de la Fédération des Métaux.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Roy suivit l’itinéraire de René Belin et participa sans réserve au syndicalisme collaborateur. Avec Aimé Rey, entre autres, il fit partie du comité de rédaction qui publia L’Atelier à partir du 7 décembre 1940 et fut un des créateurs du Centre syndicaliste de propagande (CSP) en avril 1941. Peu après le CSP s’étant rattaché au Rassemblement national populaire de M. Déat, Marcel Roy devint membre du Conseil national et du conseil supérieur de la Charte du travail en étant partisan de son application rapide. Il collabora à une Circulaire intérieure d’information et à Droit social (1941). Il fut également délégué ouvrier au conseil consultatif paritaire constitué auprès du comité d’organisation de l’industrie et du commerce de l’automobile et du cycle et appartint à la commission d’hygiène industrielle, instituée auprès du secrétariat d’État au Travail, le 1er décembre 1941. Au Conseil national, il siégea à la commission d’étude des questions de jeunesse, 5 au 12 mars 1942 (il fut l’un des deux secrétaires). Il fit partie du comité de rédaction de L’Atelier jusqu’en janvier 1942 avant d’être remplacé par Georges Albertini. En juin 1942, il accepta d’être membre du Comité d’information ouvrière et sociale (CIOS) à sa création et, en octobre 1943, du « Comité syndical de coordination » avec Savoie. Se présentant toujours comme secrétaire de la Fédération des Métaux jusqu’en 1944, il justifia la politique de la présence syndicale dans les organismes de l’État dans les articles et interviews qu’il donna à L’Atelier, au Rouge et bleu, au Travail.
Le 18 octobre 1944, il fut exclu à vie de toutes les organisations syndicales. Il fut ensuite proche de La Revue syndicaliste publiée à partir de 1949 par René Belin à qui il donna au moins un article en 1953.
Par Michel Dreyfus
SOURCES : Arch. Nat. F7/13783, 13785. — Arch. PPo. 306. — J. Pluet-Despatins, La presse trotskyste en France de 1926 à 1968, MSH/PU Grenoble, 1978. — L. Trotsky, Le mouvement communiste en France. Textes présentés par P. Broué, Éd. de Minuit, 1967. — Le Libérateur, 1929-1930. — J. Rabaut, Tout est possible, les gauchistes français 1929-1944, Denoël-Gonthier, 1974. — Le Cri du peuple, 1928-1931. — A. Audit, Les Fédérations confédérées et unitaires des métaux, lieux d’émission d’analyses socio-économiques (1922-1935), MM, Paris I, 1986. — XIIe congrès de la FCM, 22-23 septembre 1935. — M.-F. Rogliano, « L’anti-communisme dans la CGT : Syndicats », Le Mouvement social, n° 87, avril-juin 1974. — D. Durrleman, « L’Atelier, hebdomadaire du travail français : des syndicalistes dans la collaboration, 1940-1944 », Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, n° 14, 1975. — P. Ory, Les collaborateurs,1940-1945, Le Seuil, 1976. — J. Julliard, « La Charte du travail » in Le gouvernement de Vichy et la Révolution nationale, 1940-1942, colloque organisé par la FNSP, 6-7 mars 1976. — M. Dreyfus, « Syndicats nous voilà ! Le syndicalisme vichyssois à travers un journal, Au Travail », Vichy 1940-1944. Archives de guerre d’A. Tasca, Feltrinelli-CNRS, 1986, pp. 93-111. — Au Travail, passim. — Le Rouge et le bleu, passim. — L’Atelier, passim. — La Revue syndicaliste, n° 18, 1953. — G. Lefranc, Histoire du mouvement syndical, op. cit. — Notes de J.-L. Pinol.