FAIDER Adolphe,Victor.

Par Jean Puissant

Liège (pr. et arr. Liège), 8 septembre 1820 – New-York (État de New-York, USA), 27 novembre 1882. Avocat, républicain démocrate.

Victor Faider, avocat issu de l’Université libre de Bruxelles (ULB - pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), participe aux activités de la Société des étudiants, où il s’est lié avec Philippe Gigot, société qui reste marquée par sa radicalité jusqu’après les convulsions de 1848. Il est membre de l’Alliance qui réunit la gauche libérale. Avec Philippe Gigot, Frédéric Breyer, étudiant en médecine à l’ULB, et Josse Gilbert, étudiant en droit, Victor Faider assiste à un meeting (un des meetings dénommés ultérieurement de « Kats »), sur la réforme politique, tenu par Perrier, le 11 août 1840. Des individus armés de bâton font vider la salle. Des bagarres éclatent, un policier est blessé et meurt quelques heures plus tard. Le Patriote belge, sous le titre La police assommante, dénonce le rôle de la police qui a engagé les « bastonneurs ». Les quatre amis sont longuement interrogés lors de l’enquête. Ce sont leurs premiers pas en démocratie.

Victor Faider signe le règlement de l’Association démocratique le 7 novembre 1847, lors de sa fondation. Il est l’avocat de Karl Marx et envoie une pétition contre les circonstances et la légitimité de son expulsion à la Chambre des représentants le 31 mars 1848. Il reste mêlé aux activités des démocrates tout au long de cette année. Il figure parmi les défenseurs de Jacques Kats* et consorts poursuivis devant le tribunal correctionnel pour « provocation à la rébellion » le 27 mai 1848, de Louis Delestrée et de Jacques Derudder, en Cour d’assises dans l’affaire dite de « Risquons tout » qui est jugée en août 1848. Il est abonné au Travailleur en décembre.

Victor Faider, en uniforme de la Garde civique, flanqué de deux ouvriers, préside le banquet démocratique du 28 janvier 1849 organisé par la Réunion fraternelle. Après avoir prévenu l’assemblée contre les provocations policières, il prononce un toast en faveur de « la République démocratique et sociale ». Il n’est pas « prévenu » dans le cadre de l’affaire du Banquet du Prado qui se déroule à Molenbeek (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) le 25 mars 1849, tandis que d’autres sont accusés d’avoir voulu changer la forme du gouvernement. Tous s’étaient pourtant réunis autour de lui pour élaborer un projet de Constitution républicaine, dont Faider en serait le rédacteur. C’est ce qu’affirme G. Mathieu. Du moins en a-t-il commandé, quelques semaines auparavant, des exemplaires à un imprimeur. Ce projet met en avant les principes suivants :

- la création d’une « république, démocratique et sociale, une et indivisible » (article 2),

- un système unicaméral avec élection au suffrage universel direct (article 4),

- « l’enseignement libre et gratuit à tous les degrés » (article 8),

- une éducation morale, professionnelle et religieuse (article 9),

- l’abolition des impôts de consommation et l’impôt direct sur les revenus selon une échelle progressive (article 14),

- le principe de solidarité entre tous qui « entraîne l’organisation par l’état d’un système d’assurances universelles à primes réduites » (article 15),

- « Le droit à la vie, par la garantie réelle du droit au travail… » (article 16),

- « L’association des travailleurs étant le seul moyen d’arriver à l’affranchissement des bras et à la fin de l’exploitation des hommes par le capital, la république aura pour mission d’organiser, développer, et protéger … les associations… » (article 17).

Le projet de constitution est repris au complet dans l’ouvrage d’Hubert Wouters (voir Sources). Nous sommes toujours dans l’épisode « 1848 », mais aussi bien au-delà. Le texte fait l’objet de discussions au sein d’un Comité central de la démocratie, notamment lors de réunions les 5 et 26 novembre 1848, présidées par Faider.

Victor Faider n’apparaît plus dans les documents publiés après le banquet de janvier 1849. Charles Houzeau*, dans une lettre à Prosper Esselens*, datée du 15 février 1849, évoque le retrait de Faider de l’action politique « à la suite d’une affaire de tribunal de commerce ». Il n’est effectivement pas inscrit au Banquet du Prado. « À ce banquet », précise Houzeau, « Faider ne paraîtra plus ou ne sera plus, en un mot, la tête apparente ». À l’issue du procès en août 1849, il y a finalement trois condamnations à mort dont celle de deux ouvriers, Mathieu Biot et Victor Laurent. Comment expliquer l’absence de poursuites contre Faider ? Parce qu’il est avocat et qu’il a un frère, magistrat du siège, ou juridiquement parce qu’il n’est pas impliqué dans d’éventuels et présumés préparatifs d’insurrection, ou encore parce qu’il n’est pas présent au Banquet du Prado à l’origine de la répression ?

Victor Faider apparaît encore le 9 mai 1856, comme éditeur d’une affiche appelant à une manifestation de soutien à la liberté de la presse, et aux propos du ministre, Charles Vilain XIIII, refusant fièrement toute entrave à cette liberté, sur la Grand-Place. L’autorisation d’affichage est refusée, ce qui n’empêche pas « environ 400 personnes », selon la police, de manifester bruyamment mais pacifiquement sa satisfaction. Ce fait permet à Michel Cordillot de situer le départ de Faider aux États-Unis après 1856. Victor Faider s’installe à Saint-Louis (État du Missouri). Il est l’un des fondateurs de « l’Union républicaine de langue française » qui publie un bulletin. Il y prononce un discours en 1870, lors du banquet commémorant l’anniversaire du 24 février 1848.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144269, notice FAIDER Adolphe,Victor. par Jean Puissant, version mise en ligne le 21 janvier 2013, dernière modification le 25 octobre 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, t. I, Bruxelles, 1906 – WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging (1831-53), delen I-II, Leuven-Paris, 1963 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 27) ; sur le projet de constitution, deel II, p. 701-707 – CORDILLOT M., La sociale en Amérique. Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis (1848-1922), Paris, 2002.

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