DOYEN Nicolas. [Belgique]

Par Jean Puissant

Lambermont (aujourd’hui commune de Verviers, pr Liège, arr. Verviers), 25 septembre 1831 − Molenbeek (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 15 février 1897. Ouvrier mécanicien, délégué de l’Association des mécaniciens de Bruxelles, probable membre de l’Association internationale des travailleurs, militant syndical, cofondateur de la Ligue ouvrière de Molenbeek, conseiller communal du Parti ouvrier belge à Molenbeek.

Nicolas Doyen représente l’Association des mécaniciens de Bruxelles à diverses réunions tendant à créer une fédération des sociétés de résistance sous la houlette de l’Association internationale des travailleurs (AIT), puis à la création de la Chambre du travail. Il en présente le règlement proposé le 13 décembre 1874 à la Maison du Cygne située à la Grand-Place de Bruxelles. Il en est un des acteurs les plus actifs en 1875. Le 21 juin, il est chargé, avec Poirier et Lefèvre, d’un rapport sur l’attitude à avoir par rapport aux élections prudhommales. En décembre, il est chargé avec d’autres de l’organisation d’une fête de « fraternité-solidarité » avec les victimes de la catastrophe minière de l’Agrappe à Frameries (pr. Hainaut, arr. Mons). Il est sans doute membre de l’AIT.

En 1884, Nicolas Doyen est un des fondateurs de la Ligue ouvrière de Molenbeek. C’est en raison de son expérience de militant qu’il est choisi par la Ligue comme candidat ouvrier, aux côtés de Adolphe Vandenhouten, sur la liste libérale aux élections communales à Molenbeek où il habite rue de Ribeaucourt au n° 186. Il est donc un des premiers conseillers ouvriers élus dans le pays. Doyen prend part activement aux réunions du conseil communal et des sections Travaux publics, Police, Contentieux et Salubrité publique. Demandant à plusieurs reprises qu’on excuse son ignorance, il intervient, avec pertinence, sur tout, comme un (faux) naïf, avec une assiduité sans faille, que les autorités communales salueront lors de ses funérailles.

Nicolas Doyen, devenu représentant du POB, se déclare d’entrée de jeu républicain. Ainsi il ne prête serment au roi et aux lois du peuple belge que pour respecter la règle : tous ne le font ou pas avec la même vigueur. Laïc, il refuse de voter le budget de la fabrique d’église « parce qu’athée, il n’avait pas à s’immiscer dans les affaire d’une religion quelle qu’elle soit ». Il refuse également de voter l’adoption de l’enseignement religieux dans les écoles communales conformément à la loi de 1884, révoquant la loi libérale de 1879, défendue par le collège échevinal, pour continuer à bénéficier des avantages prévus par la législation. Mais c’est surtout de l’hygiène dans le domaine public (qualité de l’alimentation, collecte des immondices, création de bains publics…), du logement − il s’indigne des autorisations données à la création de nouveaux « bataillons carré » en intérieur d’ilot et impose qu’il y ait une latrine par maison en 1892 −, que Doyen traite régulièrement. Il revendique, sans succès, l’introduction d’un minimum de salaire dans les adjudications publiques. Il obtient le vote de motions en faveur du suffrage universel (SU), de l’organisation du référendum sur le SU malgré l’interdiction de la tutelle, de l’amnistie en faveur d’ouvriers condamnés à la suite des événements de 1886, de 1891 et de 1893. Partisan de la réduction des dépenses de la commune (il s’oppose à la construction de la nouvelle maison communale, à certains subsides), il propose néanmoins de nouvelles dépenses en faveur de l’enseignement communal. Il trouve le plus souvent appui chez l’ancien internationaliste Vandenhouten, devenu conseiller libéral.

Durant son premier mandat, Nicolas Doyen se conduit en unique membre de l’opposition à une majorité à laquelle il appartient. L’homogénéité du conseil communal, entièrement libéral, le lui permet. Il y trouve parfois des alliés comme lors du vote sur l’amnistie en 1886 où le collège est mis en minorité. Son élection, avec Thomas Van Hemelryck comme candidat POB, sur une liste d’union avec le parti libéral, lui donne les coudées plus franches lors du mandat suivant (1891-1895). Mais dès 1892, la rivalité entre les deux forces politiques accentue les tensions au sein du conseil. Il est réélu en 1895 cette fois sur la liste autonome du POB qui arrive en deuxième position (voir Thomas Van Hemelryck) et obtient dix sièges. Cette liste de vingt-sept candidats comprend quinze ouvriers en activité dont cinq mécaniciens, les plus nombreux, au moins trois anciens ouvriers dont deux « patrons », Évariste Pierron et Mitchell*. Neuf sont nés dans la commune, sept dans d’autres communes bruxelloises, sept en Flandre, quatre en Wallonie. Dix ne sont plus électeurs (moins de trente ans), alors qu’ils ont voté aux législatives l’année précédente. Doyen, lui, qui disposait de deux voix, n’en a plus qu’une. Il paye alors 13,65 francs d’impôt, ce qui indiquerait qu’il serait toujours locataire.

Nicolas Doyen est à l’origine de deux associations : « La Soupe populaire » qui assure la cantine scolaire d’enfants défavorisés et « La Feuille d’étain » qui envoie ces mêmes enfants en colonie de vacances.

Lors du décès de Nicolas Doyen, les hommages du bourgmestre Hollevoet qui salue « son dévouement, son assiduité, la conscience avec laquelle il a rempli son mandat », de l’échevin Hanssens, qui souligne son attachement « à défendre les intérêts de la classe à laquelle il appartenait » et plus précisément « l’amélioration du sort de l’enfant pauvre », ne sont pas de circonstance. Doyen a onze enfants dont dix vivent toujours lors de son décès. Son fils, Hubert, est un des fondateurs de la Ligue ouvrière de Bruxelles. Sur proposition du conseiller ouvrier socialiste Paindavaine*, lithographe, le conseil communal, unanime, décide de donner son nom à une nouvelle artère de la commune.

L’exemple de Nicolas Doyen, comme ceux de Joseph Baeck, Évariste Pierron et d’autres, permet de rappeler que si une grande partie des migrants, non qualifiés, qui trouvent du travail dans cette commune industrieuse, provient du Pajottenland tout proche et des Flandres, d’autres, qualifiés, viennent de Wallonie, construisant tant la croissance quantitative que l’identité particulière de l’agglomération bruxelloise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144271, notice DOYEN Nicolas. [Belgique] par Jean Puissant, version mise en ligne le 21 janvier 2013, dernière modification le 4 avril 2024.

Par Jean Puissant

SOURCE : PUISSANT J., La politique communale du POB. Son application dans trois communes bruxelloises : Bruxelles, Molenbeek, Schaerbeek, mémoire de licence ULB, Bruxelles, 1965.

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