Par Georges Portalès
Né le 12 mai 1920 à Paris (XVIe arr.), mort le 27 avril 2009 à Paris ; polytechnicien ; officier de liaison du Mouvement Libération-sud ; chef national des groupes francs ; Chef des Forces Françaises de l’Intérieur ( FFI ) de la région toulousaine ; Chef de bataillon ; ingénieur chef d’entreprise ; attaché au Ministère de la Recherche et de l’Industrie ; conférencier, homme de gauche.
Les parents de Serge Asher appartenaient à un milieu aisé ;à sa naissance son père François était ingénieur et sa mère journaliste puis commissionnaire en Haute couture ; son beau-père était commerçant à l’export. Il fréquenta le lycée Louis-le-Grand à Paris. En juin 1939, il fut reçu à Polytechnique. En avril 1940, il rejoignit l’école d’officier d’artillerie de Fontainebleau. Après la défaite de la France et l’Armistice, il fut envoyé en Savoie dans un Chantier de jeunesse puis, rappelé ,en décembre 1940, à l’Ecole polytechnique, repliée à Lyon.
Serge Ravanel acheva ses études en 1942. Il croyait alors, comme une partie de la population de la zone dite libre, que le maréchal Pétain reprendrait le combat contre l’armée allemande. La poignée de main entre Pétain et Hitler, lors de l’entrevue de Montoire en octobre 1940, marqua pour Serge Ravanel son entrée en résistance.
Il rencontrera le général Cochet qui venait de créer un groupe de résistance. Dans le même temps, il distribua la presse clandestine et la revue « les temps Nouveaux » interdite par Vichy. Il rejoignit le mouvement Libération sud créé par Emmanuel d’Astier de La Vigerie dont il devint, en septembre 1942, officier de liaison et permanent attaché au Comité directeur. Serge Ravanel fut arrêté par la police française à Lyon le 15 mars 1943 en même temps que Raymond Aubrac. Les résistants libérèrent Ravanel, puis, le 24 mai 1943, un commando auquel participa Serge Ravanel libéra Raymond Aubrac. Le 21 juin 1943 Raymond Aubrac fut à nouveau arrêté avec Jean Moulin. Ils furent incarcérés à la prison du Fort Montluc à Lyon. Le 21 octobre 1943 Lucie Aubrac monta une opération qui libéra une nouvelle fois son mari : Serge Ravanel faisait partie de ce commando.
Serge Ravanel fut chargé de libérer Jean Moulin mais cette opération ne peut être menée à bien : Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon avait fait transférer Jean Moulin à Paris où il fut torturé et mourut le 8 juillet 1943 au cours de son transfert en Allemagne.
Dès mai 1943, Serge Ravanel était le chef national des Groupes francs. Arrêté une nouvelle fois le 19 octobre 1943 par la police allemande, il réussit seul son évasion. Après la mort de François Verdier, chef régional des Mouvements unis de la résistance, arrêté par la Gestapo le 13 décembre 1943 et assassiné par les nazis le 27 janvier 1944 dans la forêt de Bouconne, les résistants toulousains n’avaient plus de chef.
Une réunion clandestine eut lieu rue de l’étoile à Toulouse le 6 avril 1944, à laquelle participa Pierre Bénech, et au cours de laquelle Ravanel proposa aux résistants toulousains quelques noms pour remplacer François Verdier. Après un refus, Serge Ravanel se proposa d’occuper ce poste de responsabilité. Sa candidature fut acceptée à l’unanimité.
Ravanel regroupa toutes les forces de la résistance et incorpora aux FFI : le groupe de Libérer et Fédérer, les maquis du Lot, les groupes Veny, les FTP de tendance communiste et les guérilleros espagnols nombreux dans la région, exilés après la Retirada.
En juin 1944, à 24 ans, il fut nommé par le général Koening colonel et chef régional des FFI. Avec Jean Cassou, commissaire de la République, nommé par le général de Gaulle, Jean-Pierre Vernant*, dit Bertier, commandant des FFI de la Haute-Garonne, ils élaborèrent un plan pour libérer Toulouse.
Le 17 août Ravanel appella en renfort sur Toulouse 6 000 hommes venus des maquis de la région. Le 19 août 1944, en pleins combats, l’état major clandestin se réunit au 21 rue d’Orléans. Des accrochages eurent lieu entre les résistants et les troupes allemandes qui entamaient leur retrait. Les cheminots du Groupe Matabiau libérèrent la gare, et hissèrent le drapeau tricolore en haut de la grande horloge.. Toulouse fut libérée : 35 FFI moururent au combat. Quelques jours avant, le 17 août, les nazis avaient fait sortir 50 résistants de la prison Saint-Michel, les avaient exécutés et avaient brûlé leur corps. Leurs cendres furent déposées dans la crypte du monument de la résistance de Toulouse. Le 19 août, Jean Cassou fut grièvement blessé lors d’un accrochage ; il fut remplacé par Pierre Berteaux qui s’installa à la préfecture. Ce même jour, une escadrille de chasse FFI fut constituée avec à sa tête Marcel Doret qui harcela les troupes allemandes sur les routes de Montauban et de Narbonne. Serge Ravanel nomma le Commandant Pélissier chef des forces aériennes FFI installées à Toulouse-qui s’étaient regroupées à Toulouse.
Albert Carovis, président du Comité départemental de libération institué par le Conseil national de la résistance et chargé d’appliquer son programme, mit en place des comités de quartier. Serge Ravanel et Pierre Berteaux nommèrent le lieutenant-colonel Georges (Robert Noireau) commandant de la place pour maintenir l’ordre à Toulouse.
Serge Ravanel organisa une armée populaire FFI et créa l’école militaire de l’Espinet dont il confia la direction au lieutenant- colonel Darnault. Ces troupes FFI sous le commandement du colonel Schneider affrontèrent les forces allemandes à Autun, puis les troupes FFI du colonel Georges rejoignirent celles du général de Larminat pour libérer Royan.
Le journal FFI « VAINCRE » s’installa dans les locaux de La Dépêche rue Bayard. Serge Ravanel y publia des communiqués à l’attention des Toulousains. Les rencontres de Serge Ravanel avec le général de Gaulle à Toulouse les 16 et 17 septembre 1944 ne furent pas chaleureuses. Les résistants se sentirent humiliés par l’attitude du général à leur égard. De Gaulle avait-il voulu reprendre les choses en main face à la prétendue « République Rouge de Toulouse » ?
Le 20 septembre 1944, Serge Ravanel, alors en mission à Paris, fut victime d’un très grave accident de moto qui laissa perplexe les résistants toulousains. Une fois rétabli, il quitta définitivement Toulouse et réintégra l’armée. Il fut promu chef de bataillon.
De retour à la vie civile en 1950, il créa plusieurs entreprises. En 1981, il rejoignit Jean-Pierre Chevènement, au Ministère de la Recherche et de l’Industrie. Il prit sa retraite en 1985. Il s’impliqua alors dans de nombreuses associations qui contribuèrent à la mémoire de la Résistance. Il fut l’un des fondateurs de l’Association pour des études sur la résistance intérieure ( AERI ). Il donna de nombreuses conférences dans des lycées et collèges. Il écrivit un livre souvenir L’Esprit de Résistance et réalisa des vidéos témoignages, dans lesquelles il évoqua les valeurs portées par le Programme National de la Résistance.
Il mourut le 27 avril 2009 à l’âge de 88 ans à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris.
Une allée conduisant au Monument de la Résistance de Toulouse porte son nom ; elle fut inaugurée le 19 août 2011, en présence de son fils Jean-Luc Ravanel, par Pierre Cohen, maire socialiste de Toulouse. Un hommage de la Nation lui fut rendu aux Invalides le 5 mai 2009.
Serge Ravanel était Président d’honneur de l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance du Comité départemental de la Haute-Garonne.
Le Général de Gaulle l’avait fait en1946 Compagnon de la libération. Il fut Grand Officier de la Légion d’Honneur , croix de guerre 1939-1945 avec palme, Médaillé de la Résistance avec rosette, Médaillé des Evadés. Les Etats- Unis lui avaient décerné la Bronze Star Métal.
Marié le 6 janvier 1945 à Paris V arr. à Jeanne-Marie Barbe Poncet, il divorça le 20 juin 1950 et se remaria le 28 février 1953 à Paris IX arr. avec Ita Klejnman , née le 18 avril 1917 en Pologne. Ils eurent un fils unique Jean-Luc.
Par Georges Portalès
ŒUVRE : L’esprit de résistance, Seuil, "L’Histoire immédiate", 1995. — Les valeurs de la Résistance, entretiens avec Henri Weill, éditions Privat 2004.
SOURCES : Arch. mun. Toulouse. — Revues Résistance R4, témoignages de résistants, 12 numéros de juin 1978 à juin 1980. 1 CD-ROM « La Résistance en Haute-Garonne » par Michel Goubet et l’association Histoire de la Résistance en Haute-Garonne dans le cadre de la campagne nationale de l’AERI. ; inclus le témoignage audio-visuel de Pierre Bénech, ancien membre de l’Etat major des FFI de la région toulousaine. — DVD Vidéo-témoignage de Serge Ravanel par l’Institut National de l’Audiovisuel. — Laurent Douzou, Dictionnaire histoire de la Résistance, sous la direction de François Marcot, pages 510 et 511, édition Robert Laffont.- Etats civils Paris XVI arr. et V arr. : décret du 10 janvier 1962 l’autorisant à porter le nom de Ravanel.