CALEWAERT ou CALUWAERT ou CALLEWAERT Louis.

Par Jean Neuville - Jean-Paul Mahoux

Né à Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers) en 1843. Ouvrier sculpteur sur pierre, maître sculpteur puis ornemaniste, militant de l’Association internationale du travail (AIT), délégué au Conseil général de l’AIT, fondateur et dirigeant d’une boulangerie coopérative socialiste, militant progressiste lié au mouvement socialiste et à l’Association libérale à Anvers.

Avec l’orfèvre Jacob Labaer*, le métallurgiste Frans Bochem et surtout le cordonnier Philip Coenen*, Louis Calewaert ou Caluwaert ou Callewaert fonde le 18 mars 1867 la Ligue ouvrière, Volksverbond ou Volksbond (ligue du peuple), présidée aussitôt par Coenen. En octobre 1868, il participe à la création de De Werker, organe de la Ligue, appelé à devenir le principal journal socialiste anversois du XIXe siècle. Le but poursuivi par la Volksverbond est l’émancipation de la classe ouvrière par la conquête de ses droits politiques. Il est probable qu’à l’instar de son mentor, Philip Coenen, Louis Calewaert participe à l’action ouvrière en faveur du suffrage universel en 1866-1867. D’après ses adversaires, les motivations politiques de Calewaert sont dues davantage à un anticléricalisme virulent et à des tendances républicaines qu’à de réelles convictions socialistes. Cette position le rend alors plus proche d’un mouvement tel que le Werkmansverbond (ligue du travailleur) qui est influencé par le libéral progressiste, Victor Arnould.

Suite aux contacts noués avec les internationalistes bruxellois, Eugène Steens* et Laurent Verrycken, le Volksverbond s’affilie en mars 1868 à l’Association internationale des travailleurs (AIT) dont elle devient la section anversoise. Louis Calewaert est correspondant et délégué de sa section au Conseil général de l’AIT en Belgique, dont la création est décidée lors du Congrès belge du 25 décembre 1868. À ce titre, il est cosignataire des adresses du Conseil général parmi lesquelles l’adresse du 25 avril 1869 contre les accusations visant l’AIT et les visites domiciliaires après les événements de Seraing et du Borinage, l’adresse du 13 avril 1869 aux ouvriers de Seraing et des environs sur la conduite à tenir par les compagnons de Seraing que « la soldatesque a sabré et embroché » et les invitant à s’affilier à l’AIT. À la suite de cette adresse, Louis Calewaert, tout comme les autres signataires, est l’objet d’une enquête judiciaire en mai 1869. Il déclare alors avoir signé « ne varietur » l’adresse et n’y trouver qu’un simple appel à l’organisation ouvrière. Cette affaire a pour conséquence qu’une surveillance accrue des membres du Conseil général de l’AIT.

De la participation de Louis Calewaert à l’Internationale, il faut retenir son rôle dans l’adhésion des métallurgistes gantois à l’AIT et son engagement en faveur de l’extension des sociétés de consommation. Intervenant en août et septembre 1871 aux meetings de solidarité avec les métallurgistes en grève à Newcastle (Grande-Bretagne), Calewaert propose d’adjoindre une société de prévoyance à la société de résistance des métallurgistes anversois. À Liège, le 10 avril 1871, lors du Congrès des sociétés de consommation affiliées à l’AIT, il prône la fédération de ces sociétés et la création d’un entrepôt à charge de la section anversoise. En cela, il rejoint la nouvelle conception de Coenen : la priorité de l’action économique sur l’action politique. Louis Calewaert, alors très proche de Coenen, compense le manque de participation de celui-ci à l’AIT au niveau fédéral. Il contribue également à l’exclusion de Jak Rademacher*, fondateur de Het vrij volk (le peuple libre), et adversaire de Coenen dans la section anversoise.

Louis Calewaert participe à la plupart des Congrès belges de l’AIT mais n’est guère présent lors des réunions internationales. Bien qu’il se prononce pour le maintien du Conseil général lors du Congrès extraordinaire de juillet 1872, il détache de l’Internationale déjà en crise qu’il quitte d’ailleurs cette année-là. En 1876, proposition lui est faite de la réintégrer. Il refuse, en accusant les internationalistes de faire preuve d’autoritarisme.

Les années 1880 marquent un changement ou un retour aux valeurs ayant motivé l’engagement de Louis Calewaert dans le mouvement ouvrier. En septembre 1880, il fait partie des trente-huit fondateurs de la boulangerie coopérative, De Vrije bakkers (les boulangers libres), qui s’installe à Borgerhout dans les faubourgs d’Anvers mais surtout dans le même bâtiment que le journal, De Werker, qui absorbera plus tard la nouvelle coopérative. Le but de De Vrije bakkers est de propager les idées socialistes en suivant l’exemple de la coopérative gantoise Vooruit (en avant). Calewaert est un des principaux artisans du développement de la boulangerie anversoise dont il est commissaire d’administration de 1886 à 1893. Il demande notamment trois mois de crédit aux fournisseurs afin de permettre à la société d’occuper un immeuble plus vaste. Néanmoins, à l’inverse de Coenen, seules son appartenance au mouvement coopératif et son amitié avec le socialiste Constant Goetschalck* semblent le rattacher la section anversoise du Parti ouvrier belge (POB) alors en construction. D’ouvrier sculpteur, Calewaert devient maître sculpteur qui occupe trois ouvriers, tailleurs de pierre.

Dès 1880, Louis Calewaert se rapproche de l’Association libérale d’Anvers à l’occasion des meetings en faveur de l’obtention du suffrage universel. Avec les anversois Eduard Van Ryswijck et Desguin, il fait partie des 550 délégués au premier Congrès libéral progressiste réuni à Bruxelles les 29 et 30 mai 1887. Régulièrement mis en cause dans De Werker et soupçonné de vouloir se présenter aux élections communales sur la liste libérale, il est protégé de l’exclusion par Goetschalk, administrateur des Vrije bakkers et rédacteur en chef de De Werker. En hiver 1892, le conflit jusqu’alors latent éclate à la faveur de la grève de ses trois ouvriers, provoquée par une diminution de salaire. Suite au veto de Goetschalk, opposé à la publication des griefs des ouvriers de Louis Calewaert dans De Werker, le journal Vooruit publie un article incriminant le maitre sculpteur. L’affaire est portée devant l’assemblée de la coopérative qui force Constant Goetschalk à publier un communiqué des grévistes dans De Werker. Bien qu’une menace d’exclusion pèse sur Calewaert, ce dernier reste à la direction de la boulangerie anversoise jusqu’en 1900.

Devenu ornemaniste indépendant, Louis Calewaert fait partie des personnalités qui soudent l’alliance entre les socialistes et l’Association démocratique regroupant les libéraux progressistes anversois. Candidat malchanceux de l’Association aux élections communales de 1893, il se présente sur la liste socialiste aux élections provinciales de mai 1894. Selon Le Peuple, il demeure un des propagandistes les plus assidus de la pensée progressiste. Il est l’artisan du report des voix socialistes au bénéfice des candidats progressistes au second tour du scrutin électoral de mai 1894.

Louis Calewaert quitte définitivement les rangs socialistes lorsqu’il abandonne De Vrije bakkers pour fonder l’éphémère coopérative, Eendracht (unité), puis rejoindre la coopérative libérale, Help-u-zelve (aide-toi toi-même), constituée en septembre 1887 mais réellement active au début du XXe siècle. Help-u-zelve est une des plus importantes réalisations en matière de coopération. Son développement grandissant explique en partie les difficultés des Vrije bakkers dans les années 1900. On ne trouve plus de trace de Louis Calewaert après la constitution de la coopérative libérale. Ses démêlés avec De Werker et la protection de Goetschalk ont pesé assez lourdement sur la désunion qui règne au sein du mouvement ouvrier anversois des années 1890. Elle aboutit même à une scission du groupe socialiste de 1892 à 1896, avec la fondation d’un journal concurrent à De Werker, De Wacht.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144690, notice CALEWAERT ou CALUWAERT ou CALLEWAERT Louis. par Jean Neuville - Jean-Paul Mahoux, version mise en ligne le 5 février 2013, dernière modification le 6 janvier 2021.

Par Jean Neuville - Jean-Paul Mahoux

SOURCES : AMSAB, biografisch material, 93/120 – BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, t. 2, Bruxelles, 1907, p. 195, 511 – BERTRAND L., Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes – Les idées – Les faits, t. 2, Bruxelles, 1903, p. 398-402, 413-422 – SERWY V., La coopération en Belgique, t. II : La formation de la coopération 1880-1914, Bruxelles, 1942, p. 8, 54 ; t. IV : La vie coopérative – Dictionnaire biographique, Bruxelles, 1952, p. 108 – Chauffés au rouge : histoire de la Centrale des métallurgistes de Belgique, Gand, 1990, p.126-127 – VAN LAAR A., Geschiedenis van de arbeidersbeweging te Antwerpen en omliggende, Antwerpen, 1926, p. 43 (icono), 47, 65, 114, 124, 127, 131, 374, 483 (icono), 486 – OUKHOW C., Documents relatifs à l’histoire de la Première Internationale en Wallonie, Louvain-Paris, 1967 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 47) – WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie Internationale (1866-1880), delen I-III, Leuven-Paris, 1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60) – FREYMOND J. (dir.), La Première Internationale. Recueil de documents, 4 vol., Genève, 1962-1971 – DEVREESE D., Documents relatifs aux militants belges de l’Association internationale des travailleurs, Louvain-Paris, 1986 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 79).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable