STANDAERT Camille, Joseph. [Belgique]

Par Jean-Paul Mahoux

Ninove (pr. Flandre orientale, arr. Alost-Aalst), 9 novembre 1838 − Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 1899. Gantier, employé, militant syndical, dirigeant mutuelliste, membre des Solidaires, militant de l’Association internationale des travailleurs, dirigeant coopératif, cofondateur du Parti ouvrier belge, administrateur délégué de la Maison du Peuple de Bruxelles, conseiller communal de Bruxelles.

Camille Standaert perd son père à l’âge de neuf ans. Il travaille pendant six ans dans une filature puis reprend ses études primaires. Il devient apprenti gantier puis coupeur de gants indépendant à Bruxelles. Il travaille à façon pour des magasins mais aussi pour une clientèle privée. C’est ainsi qu’il devient électeur censitaire. Il habite en 1887 rue de l’Escalier, à la même adresse que Désiré Brismée.

Fondateur de l’Association professionnelle des gantiers, Camille Standaert est également trésorier de leur mutuelle pendant vingt ans. Il adhère à l’Association générale ouvrière (AGO) et devient administrateur de la coopérative Les Ateliers réunis, restaurants populaires, créée par la loge, Les Amis philanthropes.

À son arrivée à Bruxelles vers 1858 (?), Camille Standaert fait la connaissance de Désiré Brismée dont il devient l’ami intime, et adhère aux Solidaires − il est violemment anticlérical − et à l’association Le Peuple. C’est elle qui constitue la première section de l’Association internationale des travailleurs (AIT) en Belgique en 1865. Il en devient, un temps, le trésorier. Il le redeviendra après les bouleversements de 1869-1871 − Guillaume Bruno et Charles Maetens ont été, entretemps, trésoriers régional et national − . Membre du Conseil général belge de l’AIT dès 1868, il est correspondant pour les sections boraines (pr. Hainaut) de Eugies, Genly et La Bouverie. Il participe à la campagne de meetings en 1869. Il signe les adresses du Conseil général et figure, à ce titre, parmi les inculpés de la procédure entamée contre la direction de l’AIT, abandonnée le 29 juillet 1871, faute de preuve.

Camille Standaert participe, en 1873, aux tentatives de fédérer les associations ouvrières bruxelloises. Il a rompu avec l’Association générale ouvrière qu’il a pourtant représenté au Congrès de l’AIT en 1868, mais elle est devenue une adversaire irréductible du courant socialiste qui s’est imposé à l’AIT. Il est donc en porte-à-faux avec l’Association des gantiers, restée à l’Association générale ouvrière. Standaert participe au Congrès de l’AIT à Anvers en août 1873. Sollicité par Fidèle Cornet, il participe aux tentatives de soutien financier aux grévistes du bassin du Centre (pr. Hainaut). Il est toujours en contact avec la section de Jemappes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons) de l’AIT. Le 2 novembre, Camille Standaert propose de diminuer les cotisations afin d’attirer les membres mais ces dernières, élevées, sont nécessaires pour les divers niveaux d’organisation, local, régional, national, international, ce qui n’existe plus. Désiré Brismée insiste pour le maintien de cotisations élevées, ne fût-ce que pour rembourser les dettes de l’Internationale (à son égard). Le Congrès national de Bruxelles, les 25 et 26 décembre 1873, décide de la disparition du journal L’Internationale et du transfert du Conseil fédéral à Verviers, où le journal, Le Mirabeau, devient son organe.

Le 28 juin 1874, la section bruxelloise de l’AIT désigne ses principaux dirigeants, Camille Standaert, Guillaume Brasseur, Désiré Brismée, Laurent Verrycken et César De Paepe*, pour qu’ils préparent un rapport sur les services public. La lecture de ce rapport qui sera présenté par C. De Paepe lors du Congrès international de l’AIT de septembre, et sa discussion prennent plusieurs séances en juin, juillet. C’est à cette époque que Camille Standaert donne sa démission de membre du Comité (lassitude), mais elle est refusée. Il siège au bureau du Congrès international de l’AIT, le 7 septembre, puis préside plusieurs séances.

C’est le chant du cygne de l’AIT en Belgique. Camille Standaert intervient très régulièrement dans les diverses réunions mais sur des questions de gestion et d’organisation, de procédure et pas de fond ou de doctrine. Il préside de nombreuses réunions et meetings, y compris en province. Dès ce moment, l’AIT végète à Bruxelles. Elle recouvre pratiquement les Solidaires et pas plus, soit une trentaine de personnes actives. En juin 1875, il déclare que les Solidaires comptent 260 membres dont une centaine en ordre de cotisations, les épouses y comprises. Les rapports de police les confondent alors que leurs activités sont bien distinctes. En septembre 1876, il représente, seul, Bruxelles au Congrès national de l’AIT à Anvers.

Il semble bien que Camille Standaert se soit toujours positionné sur une ligne sociale-démocrate, se méfiant des appels à la révolution, mais, durant cette période, il défend l’autonomie des fédérations (voir la réunion du 12 juillet 1875) où il critique les Gantois qui proposent un programme au Congrès de Jemappes, qui n’a pas fait l’objet de discussions locales. Ce type d’attitude, partagée, explique pourquoi les Gantois ont été de l’avant en créant le parti socialiste flamand en 1877.

Le 10 février 1880, aux funérailles de Jeanne Costaguja, compagne de Désiré Brismée, c’est Camille Standaert qui prononce le discours au nom de l’Internationale. Le 31 mai, il préside le meeting du Comité central pour l’obtention du suffrage universel (SU) auquel assistent quelques 300 personnes. Le 4 juillet, il représente les Solidaires au Congrès préparatoire de la manifestation nationale en faveur du SU. Lors d’un meeting des ouvriers doreurs sur bois organisé le 26 juillet 1880, il encourage la participation à la manifestation « qui sera pacifique afin de montrer que nous sommes dignes d’obtenir ce que nous demandons. Mais si on refuse, nous agirons et tous les moyens nous seront bons pour faire réussir notre mouvement ». Malgré quelques incidents en fin de parcours, la manifestation du 15 août 1880 qui détonne dans le concert d’activités patriotiques du Cinquantenaire du pays, n’a aucune conséquence politique.

Camille Standaert est un des plus assidus de l’Internationale mais le rapprochement avec les socialistes révolutionnaires et les anarchistes en 1880-1881 ne lui convient guère. Il prend quelque distance avec le mouvement. En revanche, ses activités aux Solidaires et au sein de la Libre pensée ne faiblissent pas. Il assiste activement au Congrès de la libre pensée à Bruxelles les 31 août et 1er septembre 1880.

Camille Standaert figure parmi les fondateurs de la Ligue ouvrière de Bruxelles en février 1884. Il siège à son Comité et y assume la fonction de trésorier, belle continuité dans ce type de responsabilité depuis son adhésion aux Solidaires. Il est appelé à devenir administrateur délégué de la coopérative La Maison du Peuple, de Bruxelles, de 1887 à 1890, puis à nouveau lors du retrait de Jean Volders, de 1893 à 1900. C’est lui qui prononce l’hommage de la coopérative lors des funérailles du « tribun des Marolles ». Standaert est élu conseiller communal de Bruxelles en 1895. Il y siègera jusqu’à sa mort.

Camille Standaert apparaît sinon comme un dirigeant du mouvement socialiste naissant à Bruxelles, mais comme une cheville ouvrière, modeste, mais indispensable. La continuité de son engagement (quarante ans) est remarquable.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144719, notice STANDAERT Camille, Joseph. [Belgique] par Jean-Paul Mahoux, version mise en ligne le 5 février 2013, dernière modification le 9 novembre 2023.

Par Jean-Paul Mahoux

SOURCES : BERTRAND L., Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes - Les idées - Les faits, t. 2, Bruxelles, 1903, p. 283 (icono), p. 310 et sv. − WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie Internationale (1866-1880), delen I-III, Leuven-Paris, 1970-1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable