PAWLOWSKI Henri [PAWLOWSKI Hersz, dit] [Pseudonyme dans la Résistance : Gaston]

Par Gérard Soufflet

Né le 7 juin 1923 à Kalisz (Pologne), mort sous la torture le 13 novembre 1943 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) ; combattant du deuxième détachement des FTP-MOI parisiens (détachement juif), chef militaire des FTP-MOI polonais de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire).

Henri Pawlowski
Henri Pawlowski

Hersz Pawlowski naquit dans la communauté juive de Kalisz, en Pologne, le 7 juin 1923, de Kaufmann Pawlowski (né à Konin le 2 avril 1892) et de Chaja Margulies (née à Kalisz le 1er juin 1897).
En 1926, la famille émigra vers la France et s’installa à Metz (Moselle) où un frère de Kaufmann exerçait le métier de tailleur. C’est là que, pour faciliter son intégration, l’enfant prit désormais le prénom d’Henri. Bientôt ses parents se séparèrent et Kaufmann se remaria avec Raca Jachimowicz, née à Dzialoszyn le 17 octobre 1900. Jacqueline, demi-sœur d’Henri, naquit le 20 juillet 1933. La famille recomposée s’installa finalement à Hayange et y géra un commerce au 98 de la rue Foch, à l’enseigne du « Tailleur parisien ». Les affaires prospéraient vite et Kaufmann fit venir deux de ses sœurs de Pologne ; installées d’abord à Hayange, Ewa et Esther Pawlowski partirent faire leur vie à Paris. Henri grandit ainsi dans un milieu familial vaste et chaleureux ; à la maison on parlait le yiddish, lui s’exprimait indifféremment en français et en allemand et possédait quelques rudiments de polonais. À l’instar de la majorité de l’émigration juive polonaise, la famille fut résolument engagée à gauche ; Kaufmann était proche du Bund et ses sœurs étaient attirées par le mouvement communiste. Tous avaient le pressant désir de se fixer dans cette France qui rayonnait alors du prestige des Lumières, de sa Grande Révolution et de la réhabilitation de Dreyfus.
La guerre venue, Kaufmann, Raca et leurs deux enfants durent quitter la Lorraine avant son annexion par l’Allemagne nazie ; fin mai 1940, ils rejoignirent Ewa, déjà réfugiée dans le département de la Sarthe, à Vibraye, où ils louaient une maison appartenant au maire de la commune, Aristide Gasnier. Sous son apparente protection, ils menèrent d’abord une vie sans histoire, Henri servant à l’occasion d’interprète dans les échanges du maire avec les occupants. En octobre 1942, la police allemande procéda à la rafle des Juifs du département ; la belle-mère d’Henri, Raca, fut la première arrêtée le 9 octobre ; le 12, le maire Gasnier livra la petite Jacqueline qu’il avait d’abord recueillie. Détenues quelques jours au camp de transit de Mulsanne (Sarthe) puis à celui de Drancy, elles furent toutes deux déportées vers Auschwitz par le convoi 42, le 6 novembre 1942, et immédiatement assassinées.
Précédemment, la mère d’Henri Pawlowski, Chaja Pawlowski, née Margulies, avait été arrêtée à Lunéville et déportée par le convoi 11 du 27 juillet 1942. Échappés à la rafle, Henri et son père allèrent chercher refuge à Paris. Henri y resta, sous la protection de son oncle Maurice Condat, le mari d’Esther Pawlowski, artisan menuisier communiste du XXe arrondissement. Kaufmann gagna la Zone sud et s’installa à Nice ; il y fut arrêté par les Allemands le 22 novembre 1943 et envoyé lui aussi à la mort, à Auschwitz, par le convoi 64 du 7 décembre 1943.
Dans le Paris de l’hiver 1942-1943, révolté par le sort fait aux siens, Henri Pawlowski entra en contact avec la résistance juive, avec ces jeunes, échappés, comme lui, des rafles de 1942, qui formaient le deuxième détachement de l’organisation de lutte armée de la Main-d’œuvre immigrée en région parisienne, alors dirigée par Missak Manouchian. Henri Pawlowski, qui portait la fausse identité de Pierson Henri, Jean, André, catholique, né à Metz le 7 juin 1923, prit en sus le nom de guerre de « Gaston ». Au départ, il mena son action clandestine au service du deuxième détachement sous le couvert d’un travail légal dans un centre d’apprentissage de la mécanique, situé dans le XIIe arrondissement. Lorsque la direction du centre l’informa qu’il était désigné pour partir en Allemagne, il devint partisan permanent et c’est sous sa direction que se déroula, le 19 juillet 1943 à Vanves, la dernière opération du détachement juif à Paris : le grenadage, à la prise de service du matin, de la garnison du Parc des expositions de la porte de Versailles, qui servait alors de dépôt de matériel militaire allemand. Affaibli par de nombreuses arrestations, le détachement juif fut en effet dissous en août 1943 et l’effectif restant fut versé dans les autres détachements parisiens ou bien envoyé en province. Ainsi « Gaston » passa quelque temps au sein du quatrième détachement, ou détachement des dérailleurs, mais, début septembre, la direction centrale de la MOI décida de le mettre à disposition de sa section polonaise ; celle-ci, qui agissait principalement dans les colonies polonaises des bassins miniers, l’envoya en tant que responsable militaire FTP-MOI dans le bassin de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire.
Un responsable politique y était déjà présent, Wladyslaw Kudla ; des groupes de propagandistes fonctionnaient chez les mineurs polonais, mais l’action militaire était balbutiante et « Gaston » dut structurer une organisation FTP-MOI, capable de saboter efficacement les voies d’écoulement du charbon extrait des mines locales. Il porta une nouvelle identité, celle de Henri Piroi, né le 7 juin 1919 à Toulouse, sous laquelle il loua un petit logement dans un quartier résidentiel. Le premier groupe de combat qu’il constitua entra immédiatement en action et procéda à deux sabotages de la voie ferrée Montchanin – Paray-le-Monial traversant le bassin minier, les 24 et 26 septembre 1943 (déboulonnage des rails). En raison d’une mésentente avec l’organisation FTP française, les FTP-MOI polonais se virent brutalement assignés un autre objectif : le sabotage de la ligne de chemin de fer Nevers-Chagny, éloignée du bassin minier d’une quarantaine de kilomètres. Le déraillement d’un train de permissionnaires allemands leur fut attribué dans ce secteur dans les premiers jours d’octobre, mais le changement fut fatal car, pour atteindre commodément le nouvel objectif, le groupe dut s’équiper de bons vélos. Des vols à main armée furent commis imprudemment les 28 septembre et 2 octobre ; reconnu et immobilisé par l’un des propriétaires, un membre du groupe fut arrêté par les gendarmes de la brigade de Montceau-les-Mines, qui obtinrent rapidement des informations. Le 7 octobre 1943, se retrouvèrent sous les verrous Henri Pawlowski et trois membres du groupe armé : Alojzy Smolarz, Jan Kuchta et Stanislaw Szewczyk. Les perquisitions furent sans appel puisqu’on retrouva les vélos volés et, dans le logement de « Gaston », des explosifs, des munitions et des instructions de sabotage. Le 8 octobre, Jozef Szewczyk, père de Stanislaw, fut arrêté pour recel.
L’affaire fut transmise au juge d’instruction d’Autun qui fit incarcérer les cinq hommes dans la prison de la ville ; ils y furent maltraités par la police française. Le 9 novembre 1943, la police allemande les transféra à Chalon-sur-Saône, entre les mains de Hans Krüger, chef local de la Sipo-SD. Si tous furent là encore torturés, le sort réservé à Henri Pawlowski se distingua en cruauté. Il mourut entre les mains de ses bourreaux le 13 novembre 1943, sans leur révéler sa vraie identité. Ses quatre compagnons furent déportés vers le camp de Buchenwald, où trois trouvèrent la mort ; seul Jan Kuchta survécut et se fit rapatrier en Pologne.
D’abord inhumé à Chalon sous l’identité d’Henri Pierson, le corps d’Henri Pawlowski rejoignit le tombeau familial le 25 octobre 1949, dans le carré juif du cimetière parisien de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144722, notice PAWLOWSKI Henri [PAWLOWSKI Hersz, dit] [Pseudonyme dans la Résistance : Gaston] par Gérard Soufflet, version mise en ligne le 5 février 2013, dernière modification le 7 décembre 2020.

Par Gérard Soufflet

Henri Pawlowski
Henri Pawlowski
Henri Pawlowski, photographie fournie par le professeur Marcel Jozefowicz
Henri Pawlowski, photographie fournie par le professeur Marcel Jozefowicz

SOURCES : Arch. Dép. Saône-et-Loire. – Service historique de la Défense, Vincennes. – DAVCC, Caen. – Mémorial de la Shoah. – David Diamant, Combattants, héros et martyrs de la Résistance, Éd. Renouveau, 1984. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989. – Abraham Lissner, Un franc-tireur juif raconte, chez l’auteur, 1977. – Arsène Tchakarian, Les franc-tireurs de l’Affiche rouge, Paris, Messidor/Éd. Sociales, 1986. – Karine Macarez, Shoah en Sarthe, Cheminements, 2006. – Roland Tatreaux, Hans Krüger, chef de la Sipo-SD à Chalon-sur-Saône 1943-1944, chez l’auteur, 2012. – Gérard Soufflet, « La mémoire effacée de la résistance polonaise dans le bassin montcellien », revue la Physiophile no 157, Montceau-les-Mines, décembre 2012. – Site Internet d’Yves Moreau. – Biographie familiale de Marcel Jozefowicz. – États civils, Metz, Hayange et Chalon-sur-Saône.

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