FUKS Natan

Par Daniel Grason

Né le 6 août 1899 à Varsovie (Pologne), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; coupeur maroquinier.

Né dans une famille juive polonaise, Nathan Fuks arriva en France en août 1931 avec des papiers en règle, mais il fit l’objet d’un refus de séjour, puis d’un arrêté d’expulsion, en date du 23 novembre 1932, qui lui fut notifié le 21 décembre. Il obtint un sursis renouvelable qui se terminait le 23 septembre 1941. Il logeait depuis octobre 1938 dans une chambre au 80 bis boulevard de Belleville (XXe arr.). Il exerça son métier de coupeur maroquinier à la fabrique de chaussures Arounicik, rue des Archives (IIIe arr.), et à la maison Rabinovtich, rue Pelleport (XXe arr.)
Le 7 septembre 1939, au début des hostilités, il contracta un engagement volontaire. Les autorités militaires le déclarèrent « apte », mais il ne fut pas incorporé. Sans travail, Nathan Fuks se fit homme de peine, transportant des marchandises pour le compte de particuliers. Du 15 juillet au 20 août 1941, il travailla comme manœuvre dans l’entreprise de bois Morineau, à Beuvraigne, près de Roye (Somme).
Il ne s’occupait pas de politique, et pendant ses heures de loisirs il retrouvait ses compatriotes au café Lenoël, à quelques numéros de chez lui, sur le boulevard de Belleville. En août 1941, les autorités d’occupation demandèrent à la police française d’effectuer une enquête sur lui. Une visite domiciliaire fut effectuée, en sa présence, sans résultat, et rien ne fut relevé sur son compte. Nathan Fuks fut arrêté le 12 septembre 1941 « en raison de sa situation administrative et de ses occupations non définies », et interné au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis).
En 1937 fut créée au sein des Renseignements généraux une Section spéciale de recherche (SSR) chargée de la surveillance politique des étrangers dans le département de la Seine. Il y eut plusieurs « rayons », « espagnol », « russe », « italien », « allemand », « polonais »... Rompant avec le principe de la nationalité, fut créé en octobre 1941 un « rayon juif », chargé de surveiller les étrangers comme les Français. Les Allemands étant à Paris, il n’était plus question de les surveiller. La direction du « rayon juif » fut confiée à son ex-responsable, le brigadier-chef Louis Sadosky, qui n’eut qu’un objectif, donner satisfaction à ses chefs de la direction des Renseignements généraux.
Chargé d’arrêter des Juifs, il ne faillit pas, et établit un fichier des « Juifs suspects ». Il n’hésita pas à falsifier les rapports des inspecteurs qu’il eut sous ses ordres. Lui-même se vantait d’avoir fait fusiller entre soixante et quatre-vingts personnes. L’inspecteur des Renseignements généraux chargé de l’enquête de voisinage indiquait : « Aucune remarque du point de vue politique, bons renseignements au domicile. » Louis Sadosky écrivit quelques lignes sur Nathan Fuks : « Personnage douteux, susceptible de constituer un élément trouble au bon moral de la nation. »
Le 14 décembre 1941, le général Von Stülpnagel faisait paraître un « Avis » : « Ces dernières semaines, des attentats à la dynamite et au revolver ont à nouveau été commis contre des membres de l’Armée allemande. Ces attentats ont pour auteur des éléments, parfois même jeunes, à la solde des Anglo-Saxons, des Juifs et des Bolcheviks et agissant selon les mots d’ordre infâmes de ceux-ci. Des soldats allemands ont été assassinés dans le dos et blessés. En aucun cas, les assassins n’ont été arrêtés. »
Nathan Fuks fut désigné comme otage et exécuté le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien. Après la Libération, la mention « Mort pour la France » ne fut pas accordée à Nathan Fuks par le ministère des Anciens Combattants du fait de sa nationalité étrangère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144831, notice FUKS Natan par Daniel Grason, version mise en ligne le 8 février 2013, dernière modification le 31 juillet 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo, BA 2439, KB 95, 77W 35. – DAVCC, Caen, otage B VIII dossier 2 (Notes Delphine Leneveu, Thomas Pouty). – Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. – Serge Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit. – Site Internet Mémoire des Hommes.

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