GÄRTNER Abraham

Par Daniel Grason

Né le 1er avril 1908 à Sambor (Pologne, Union soviétique, Ukraine), fusillé comme otage le 21 février 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; confectionneur.

Abraham Gärtner était marié à Anna, née Jager le 10 mai 1910 en Pologne, et le couple habitait 13 rue Bachelet à Paris (XVIIIe arr.).
Abraham Gärtner fut arrêté le 16 novembre 1940, et interné à la caserne des Tourelles (XXe arr.). Dans un rapport du 1er février 1941, un inspecteur des Renseignements généraux le signalait comme « sioniste, socialiste révolutionnaire ». Il réfuta cette accusation et déclara qu’il y avait confusion avec son frère, adhérent à un mouvement sioniste, qui était parti en 1938 aux États-Unis. Le lieutenant Theodor Dannecker, chef du service des affaires juives en France, ordonna sa libération le 28 juillet 1941.
En 1937 fut créée au sein des Renseignements généraux une Section spéciale de recherche (SSR) chargée de la surveillance politique des étrangers dans le département de la Seine. Il y eut plusieurs « rayons », « espagnol », « russe », « italien », « allemands », « polonais »... Rompant avec le principe de la nationalité, fut créé en octobre 1941 un « rayon juif », chargé de surveiller les étrangers comme les Français. Les Allemands étant à Paris, il n’était plus question de les surveiller. La direction du « rayon juif » fut confiée à son ex-responsable, Louis Sadosky, qui n’eut qu’un objectif : donner satisfaction à ses chefs. Chargé d’arrêter des Juifs, il ne faillit pas, il établit un fichier des « Juifs suspects », et n’hésita pas à falsifier les rapports des inspecteurs qu’il eut sous ses ordres. Lui-même se vantait d’avoir fait fusiller entre soixante et quatre-vingts personnes.
Des inspecteurs de la 3e section des Renseignements généraux se présentèrent à nouveau au domicile d’Abraham Gärtner le 22 août 1941, et la perquisition se révéla infructueuse. Dans le rapport, Louis Sadosky écrivit : « Suspect du point de vue politique. Militant sioniste et socialiste révolutionnaire, agitateur politique, dangereux pour l’ordre public. » Abraham Gärtner fut immédiatement interné au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis).
Dans la nuit du 5 au 6 février 1942, une sentinelle allemande fut très grièvement blessée à Tours (Indre-et-Loire). S’y ajoutait l’attentat commis à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) le 4 février 1942 contre des militaires allemands. En représailles, les Allemands décidèrent de fusiller ou de déporter cinquante otages ; ils désignèrent quatorze otages à exécuter au Mont-Valérien dont treize Juifs internés au camp de Drancy : Szmul Balbin, Abraham Gärtner, Léon Jolles, Josef Kape, Max Kawer, Mordka Korzuch, Towja Lipka, Samuel Marhaim, Aron Miller, Jankiel Minsky, Israël Rubin, Lejbus Wajnberg et Israël Wirtheim, ainsi que Henri Debray militant communiste interné à à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.).
Abraham Gärtner fut passé par les armes le samedi 21 février 1942 au Mont-Valérien avec les treize autres otages. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le lundi 23 février 1942, division 39, ligne 2, n° 32, puis transféré le 1er octobre 1947 à Bagneux (Seine, Hauts-de-Seine).

Sa femme Anna témoigna après la Libération devant la commission d’épuration de la police. Elle déclara : « Je certifie que mon mari n’a jamais fait de politique et n’a jamais adhéré à un groupement d’obédience communiste, par contre son frère Samuel, en Amérique depuis 1938, était affilié au mouvement sioniste. »
Une commission rogatoire examinait l’activité de l’inspecteur Louis Sadosky. Abraham Gärtner avait été arrêté le 16 novembre 1940, interné à la caserne des Tourelles, il fut « libéré sur ordre du lieutenant Dannecker le 28 juillet 1941 et interné à nouveau trois semaines après au camp de Drancy le 22 août 1941. » Dans les Archives centrales des Renseignements généraux, un rapport daté du 1er février 1941 indiquait qu’il était « sioniste, socialiste révolutionnaire ». Abraham Gärtner avait réfuté ces allégations en déclarant qu’il y avait erreur, et que c’était son frère qui était membre de ces organisations ; mais Louis Sadosky avait écrit à son sujet en août 1941 : « Militant socialiste et révolutionnaire, agitateur politique, dangereux pour l’ordre public », ce qui était manifestement faux.

Le nom d’Abraham Gärtner figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, et sur la stèle commémorative érigée par la Société Transylvanie dans le cimetière parisien de Bagneux.

L’abbé Franz Stock évoque les 13 Juifs exécutés le 21 février 1942 dans son Journal de guerre :

« Samedi 21.2.42
14 exécutions.
Venu me prendre à 8h pour le Cherche-Midi, 14 otages doivent être exécutés à 11 heures : 13 juifs, d’origine germano-polonaises, du camp de Drancy ; un Français de la Santé.
....
Un jeune juif me dit : "Ils peuvent bien nous tuer mais d’autres se lèveront, il est impossible d’exterminer la race juive." Certains juifs étaient pieux, récitaient des psaumes, l’un s’est entouré de son châle de prière en soie, il voulait être enterré avec. Question : aucun rabbin ne vient ? Les 14 doivent être enterrés lundi seulement. Le seront à Ivry. »

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144832, notice GÄRTNER Abraham par Daniel Grason, version mise en ligne le 8 février 2013, dernière modification le 24 janvier 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo, BA 2439, KB 95, 77 W 5360-293795. — DAVCC, Caen, otage B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). — Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. — Serge Klarsfeld, Le livre des otages. — Site Internet Mémoire des Hommes. — Site Internet CDJC. — MémorialGenWeb. — Archives de la ville de Suresnes consultées par l’équipe du Mémorial du Mont-Valérien. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 66. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

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