KALWARJA Noech

Par Daniel Grason

Né le 14 février 1893 à Wiskiski (Pologne), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; coiffeur à domicile.

Noech Kalwarja, issu d’une famille juive, était le fils d’Aron et Sprima, née Dornibule. Il demeurait 3 rue Bisson, à Paris (XXe arr.), depuis 1934. Il était arrivé en France le 22 avril 1931, muni d’un passeport visé par le consul de France à Varsovie. Une décision de refoulement fut prise à son encontre le 8 mars 1932. Il partit le 4 avril, revint trois jours plus tard, présentant un passeport polonais visé par le consul de France à Bruxelles. Au terme d’une enquête menée par l’administration française, il apparut que le visa fut obtenu de façon frauduleuse. Un arrêté d’expulsion notifié le 13 mars 1933 se transforma en autorisation à résider en France par voies de sursis mensuels renouvelables.
Inscrit dès le 4 janvier 1937 au registre des métiers, il exerça sa profession de coiffeur à domicile. Considérant la France comme sa patrie, il s’engagea pour la durée de la guerre. Incorporé au 2e Bataillon de pionniers, le 6 mai 1940, il fut libéré le 9 septembre. La loi du 27 septembre 1940, « relative à la situation des étrangers en surnombre dans l’économie nationale », le toucha directement. N’ayant guère le choix pour vivre, il passa outre.
Il fut créé au sein des Renseignements généraux, en 1937, une Section spéciale de recherche (SSR) chargée de la surveillance politique des étrangers dans le département de la Seine. Il y eut plusieurs « rayons », « espagnol », « russe », « italien », « allemands », « polonais »... Rompant avec le principe de la nationalité, fut créé en octobre 1941 un « rayon juif », chargé de surveiller les étrangers comme les Français. Les Allemands étant à Paris, il n’était plus question de les surveiller. La direction du « rayon juif » fut confiée à son ex-responsable, le brigadier-chef Louis Sadosky, nommé Inspecteur principal adjoint. Il n’eut qu’un objectif, donner satisfaction à ses chefs de la direction des Renseignements généraux. Chargé d’arrêter des Juifs, il ne faillira pas. Il établira un fichier des « Juifs suspects », et n’hésitera pas à falsifier les rapports des inspecteurs qu’il eut sous ses ordres. Lui-même se vantait d’avoir fait fusiller entre soixante et quatre-vingts personnes.
Le commissaire responsable de la SSR décida d’une rafle au restaurant Goura, 59 rue du Faubourg-du-Temple, Paris (Xe arr.), connu comme un lieu de rendez-vous de communistes juifs. Le patron, Israël Goura, était un militant actif de la sous-section juive du Parti communiste, l’un des fondateurs, en décembre 1932, de la société Arbeiter Orden (Union des travailleurs artisans et marchands forains). Le 13 juin 1941, il y eut une descente de police, à 12 h 45, à un moment de pleine activité du restaurant. Il y eut vingt-six arrestations, dont celles de Noech Kalwarja et Jacob Feldman, également fusillés. Trois femmes et deux hommes furent internés à Beaune-la-Rolande (Loiret), quatre furent déportés à Auschwitz (Pologne) et y moururent. Huit étaient des Juifs polonais, et un était Juif russe réfugié.
Une perquisition eut lieu au domicile de Noech Kalwarja, et ni tracts ni objets suspects ne furent trouvés. Un inspecteur écrivit : « Arrêté au restaurant Goura, soi-disant lieu de rendez-vous des communistes juifs, mais aucun fait ne prouve que Kalwarja est communiste. » Des appréciations que le brigadier-chef métamorphosa : « Suspect du point de vue politique, sympathisant des théories communistes et susceptible de se livrer à la propagande clandestine en faveur de la IIIe Internationale. Dangereux pour l’ordre public. »
Interné à la caserne des Tourelles (XXe arr.) le 19 août, Noech Kalwarja fut transféré au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis), réservé aux Juifs. Le 14 décembre, des soldats allemands l’emmenèrent dans une prison. Désigné comme otage, il fut passé par les armes le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien.
Après la Libération, à cause de sa nationalité étrangère, la mention « Mort pour la France » ne fut pas accordée à Noech Kalwarja.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article144857, notice KALWARJA Noech par Daniel Grason, version mise en ligne le 9 février 2013, dernière modification le 15 novembre 2020.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo, BA 2439, KB 95, 1W 0725, 77W 88. – DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes D. Leneveu, Thomas Pouty). – Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Romillat, 1992. – Serge Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet CDJC.

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