BRISSAC Henri, Jacob

Né et mort à Paris, 16 novembre 1826-16 mai 1906 ; journaliste socialiste ; condamné en mai 1872 aux travaux forcés pour la sympathie qu’il témoigna à la Commune de Paris, il passa six ans en Nouvelle-Calédonie.

Né de parents étrangers (Mayer et Fanny Lévin), il ne satisfit pas à la loi sur le recrutement et, de ce fait, fut considéré peut-être comme étranger ; il protestait d’ailleurs contre cette allégation. Henri Brissac se lança dans le journalisme politique sous la Deuxième République. Il fit paraître le 25 février 1850 l’unique numéro du Ralliement des socialistes (8 p. in-4), dont il était le rédacteur-gérant. D’inspiration fouriériste marquée, cette feuille appelait les électeurs à voter pour Deflotte, Vidal et Carnot, les trois candidats désignés par le Comité démocratique socialiste. Il résidait alors 35, rue de Trévise (IIe arr., maintenant IXe). En décembre 1851, il s’opposa au coup d’État. Opposant au Second Empire, il fut contraint à l’exil en 1859.

En 1870, il habitait à Paris, 52, rue du Roi-de-Sicile (IVe arr.), il était marié et père d’un enfant. On le dépeignait « homme de petite taille, au front très découvert, aux cheveux longs et grisonnants ». Homme de lettres, il fut, à l’automne 1870, rédacteur au Combat : il dénonçait la misère du peuple, méconnue par le gouvernement (18 septembre 1870) ; il demandait l’égalité devant le service militaire (21 septembre 1870) et disait sa croyance dans la rénovation politique et sociale de la France à partir des souffrances endurées (22 décembre 1870). Le 29 décembre 1870, il écrivit un article rendant hommage à Wilhelm Liebknecht, ajoutant que les frontières n’avaient « pas plus de raison d’être que les bornes des anciennes provinces françaises, brisées par la Révolution. [...] Les Républicains de tous les pays sont de la même patrie. Les hommes sont liés, non par la communauté du territoire, mais par celle des idées. »
En février 1871, il était passé au Vengeur et y disait son rêve d’un avenir meilleur pour la France et l’Allemagne : « Le socialisme [...] donnera le bien-être à tous » (4 février 1871).

Après le 18 mars 1871, il s’exprima dans La Commune ; les insurgés, dit-il, veulent « la République, la destruction des privilèges et des monopoles, l’émancipation intellectuelle et économique des prolétaires, l’instruction laïque obligatoire, l’anéantissement de la féodalité industrielle et bancocrate. »

Le 15 avril, il fut nommé secrétaire de la commission exécutive, puis du Comité de Salut public qui la remplaça et dont on lui imputa tous les actes ; il s’était retiré du journal la Commune (voir sa lettre du 11 avril à O. Delimal, publiée le 12 dans le Vengeur). Il quitta son bureau de l’Hôtel de Ville le 24 mai, se cacha jusqu’au 8 juin dans un hôtel de la rue des Messageries (Xe arr.), puis rentra chez lui et y fut arrêté le 20 ; on l’emmena au dépôt de la Préfecture, de là à Versailles — Orangerie et Chantiers — ensuite à Cherbourg. Revenu à Versailles pour y être présenté au 5e conseil de guerre, il se lia d’amitié avec Élisée Reclus et Edmond Goupil.

Condamné aux travaux forcés le 24 mai 1872, il passa quatre mois au bagne de Toulon, puis, fin mars 1873, fut transporté à l’île Nou par la Loire avec, pour compagnons, des escarpes ; il s’était fait un ennemi du commandant du bateau et subit 150 jours de persécutions, pour se voir jeté en cellule avec une double chaîne à son arrivée au bagne ; on avait écrit en face de son nom : « journaliste enragé, homme très dangereux ; bon à fusiller. » Il fut accouplé à un forçat qui le battait, et obligé deux fois par semaine d’assister le bourreau.
En 1877 encore, s’il déplorait la guerre civile, il en rejetait la responsabilité sur l’assemblée monarchique. Sa femme était institutrice à Varsovie et donnait des leçons chez le docteur Ludelski, médecin du consulat général de France, qui recommanda Henri Brissac à la clémence du gouvernement. Amnistié en 1879, il rentra par la Creuse et se fit libraire.

Il collabora à la presse socialiste et publia une dizaine de brochures. Dans Le Parti ouvrier du 6 novembre 1889, il écrivait : « Il faut vaincre l’Église, il faut terrasser les monopoles, il faudra supprimer les frontières ».
Il fut présenté aux Batignolles (Paris, XVIIe arr.) par la FTS en 1893 et obtint 2,98 % des voix.
Il signa en janvier 1898 la première pétition dreyfusarde.
Il devait mourir à Paris en 1906, à l’âge de 79 ans (mais il est indiqué 83 ans sur l’acte de décès, et 84 ans dans L’Humanité). Il était alors adhérent du Parti socialiste SFIO, au groupe des Épinettes (XVIIe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145061, notice BRISSAC Henri, Jacob, version mise en ligne le 20 février 2013, dernière modification le 23 novembre 2022.

ŒUVRE : Les Femmes, Paris, librairie phalanstérienne, 1847. — Le Banquet, poème, Paris, 1855. — Souvenirs de prison et de bagne, Paris, Derveaux, 1880. — Résumé populaire du socialisme, Paris, Oriol, 1883. — Le Chant des peuples, Paris, Oriol, 1885. — Travail et Prolétariat, Paris, bureaux de la Revue socialiste, 1886. — Quand j’étais au bagne, poésies, Paris. Derveaux, 1887. — Leurs arguments anticollectivistes, Paris, Librairie de la Revue socialiste, 1896. — La Société collectiviste, sans date, Paris, C. Gourdineau. Des articles du Vengeur, de la Commune, du Combat ; un article du Citoyen, du 19 mars 1882, où il dénombre et classe judicieusement les causes de la Commune ; un article de la Revue socialiste, n° 115, juillet 1894, intitulé « Le bagne de Toulon après la Commune ».

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/769 et H colonies 128. — Arch. Min. Guerre, 5e conseil. — Arch. PPo., B a/469. — Le Vengeur, 12 avril 1871. — Gazette des Tribunaux, 25 mai 1872. — Les Révolutions du XIXe siècle. 1848 (catalogue), Paris, EDHIS, s. d. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. — L’Aurore, 15 janvier 1898. — L’Humanité, 18 mai 1906. — État civil de Paris. — Notes de R. Skoutelsky et de J. Chuzeville.

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