DOORNIK Jan, Luis, Guillaume [Pseudonyme : Marcel Millot]

Par Daniel Grason, Annie Pennetier

Né le 26 juin 1905 à Paris (XVIe arr.), fusillé le 29 août 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; officier de l’armée néerlandaise ; résistant fondateur du réseau de renseignements Nemrod ; Compagnon de la Libération.

Avis de condamnation
Avis de condamnation

Jan Doornik était le fils de Joannes Doornik, 25 ans, sans profession déclarée et de son épouse Amalia Marie Christine Schön, 25 ans, sans profession, domiciliés avenue Victor Hugo Paris (XVIe arr). Il commença ses études en France avant de les poursuivre en Suisse. Il se maria à Germaine Pally le 18 novembre 1933 à Paris (XVIIe arr.). L’invasion allemande le surprit en Belgique où il se trouvait pour affaires ; il résidait alors 42 place du Sablan à Wavre en Wallonie (Belgique). De nationalité néerlandaise, devant l’impossibilité de rejoindre La Haye il décida de gagner la France et arriva à pied à Paris vers le 20 mai 1940. Voulant s’engager pour combattre l’armée allemande, il se présenta à l’attaché militaire néerlandais qui lui conseilla d’attendre une convocation. Le 18 juin 1940, Jan Doornik s’embarqua à Bordeaux pour Cardiff au Pays de Galles (Grande-Bretagne) où il s’engagea dans un corps néerlandais. Il se mit en rapport avec des officiers des Forces françaises libres (FFL) et avec le soutien du général de Gaulle, il obtint de l’État néerlandais l’autorisation de s’engager dans les FFL, qu’il intégra avec le grade de lieutenant. Lors d’une expédition de reconnaissance sur les côtes françaises, il réussit à ramener son unité alors que les officiers étaient tués ; cette action lui valut une nomination d’officier. Volontaire pour une mission en France occupée, fin septembre 1940, il débarqua à Plogoff (Finistère) sous le pseudonyme de Marcel Millot pour reconnaître les installations de la Kriegsmarine sur la côte bretonne. Il n’arriva pas à rembarquer pour l’Angleterre afin de transmettre ses informations à Londres. À la fin du mois d’octobre, son frère Yves le fit passer en zone libre et ils créèrent une nouvelle filiale à Vichy (Allier). Après avoir échoué à franchir la frontière espagnole pour rejoindre Gibraltar, il rejoignit Vichy pour accueillir le lieutenant Maurice Barlier envoyé de Londres pour le seconder.
Pour dissimuler son activité, il aurait ouvert une maison de commerce à Neuilly-sur-Seine (Seine, Hauts-de-Seine). La direction des Renseignements généraux fut chargée de mener une enquête pour retrouver la maison de commerce Coopé-Mildé qui était prétendument située à Neuilly-sur-Seine ; le 29 octobre 1941, les services policiers indiquaient dans une note que les recherches étaient infructueuses.
Avec Maurice Barlier, il mit sur pied l’un des premiers réseaux de renseignements en France, Nemrod qui réussit le 25 décembre 1940, depuis Nantes (Loire-Atlantique), à établir la première liaison radio avec la France libre. Le 22 décembre, le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves dit Châteauvieux, chef du 2e Bureau de l’état-major de la France libre, avait débarqué sur les côtes bretonnes et pris la direction des opérations. Jan Doornik, par l’intermédiaire de son frère, rencontra pour la première fois Honoré d’Estienne d’Orves à Paris dans un café de Montparnasse le 4 janvier 1941.
À la suite de la trahison du radiotélégraphiste du réseau Georges Marty qui était en réalité un agent de l’Abwehr du nom d’Alfred Gaessler, Honoré d’Estienne d’Orves fut arrêté le 21 janvier 1941 à Nantes avec d’autres membres du réseau qui se préparaient à embarquer pour l’Angleterre. Jan Doornik arriva à Nantes ; devant le désastre, il partit pour Plogoff, où une centaine de soldats allemands prirent d’assaut la ferme où il se trouvait et le capturèrent le 3 février 1941. Il fut incarcéré à Angers (Maine-et-Loire) le 5 février, puis à Berlin où il retrouva Maurice Barlier et Honoré d’Estienne d’Orves. Les trois prisonniers furent ramenés fin février à la prison du Cherche-Midi à Paris (VIe arr.), puis à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Tous comparurent devant la cour martiale du Gross Paris qui siégea rue Saint-Dominique du 13 au 25 mai 1941. Honoré d’Estienne d’Orves prit sur lui toute la responsabilité de l’activité du réseau.
Les juges reconnurent avant de prononcer leur verdict que : « Le tribunal se trouvait devant une tâche lourde. Il fallait juger des hommes et des femmes qui s’étaient manifestés comme des personnes de mérite, d’une grande fermeté de caractère et qui n’ont agi que par amour de leur Patrie. » Tous les trois furent condamnés à mort le 26 mai, avec de surcroît pour Jan Doornik une détention de trois ans en forteresse. Il lança à la cour : « Monsieur le Président, devrai-je exécuter ma peine avant ou après ma mort ? » La cour martiale signa leur recours en grâce adressé à Hitler auquel s’associa le conseiller allemand Keyser, mais en vain. Jan Doornik fut passé par les armes, à l’aube du 29 août 1941 au Mont-Valérien en compagnie d’Honoré d’Estienne d’Orves et de Maurice Barlier.
Le 30 août 1941, un « Avis » signé par le commandement militaire allemand en France paraissait en une des journaux collaborationnistes Le Petit Parisien et Le Matin :
« 1. Le lieutenant de Vaisseau Henri-Louis Honoré, comte d’Estienne d’Orves, Français, né le 5 juin 1901 à Verrières. 2. L’agent commercial Maurice-Charles-Émile Barlier, Français, né le 9 septembre 1905 à Saint-Dié. 3. Le commerçant Jan-Louis Guilleaume Doornik, Hollandais, né le 26 juin 1905, à Paris ont été condamnés à mort pour espionnage. Ils ont été fusillés aujourd’hui. Paris, le 29 août 1941. »
Jan Doornik fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 29 août 1941 division 47, ligne 2, n° 79. Après la Libération, il fut transféré au cimetière du Père-Lachaise et il fut honoré à titre posthume ; le général de Gaulle le nomma Compagnon de la Libération par décret du 7 mars 1945, la mention Mort pour la France lui fut attribuée le 30 août 1949 ; il reçut la Croix de la Résistance (Pays-Bas), la Croix de guerre et fut fait lieutenant des Forces françaises libres (FFL) et Special Operations Executive (SOE) britannique. Son nom figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, à Orry-la-Ville (Oise) sur les plaques commémoratives des victimes et des résistants néerlandais, sur le mémorial de la prison du Cherche-Midi de Paris, installé à l’entrée du cimetière de Créteil (Val-de-Marne) après la destruction de la prison, et une plaque lui rend hommage à Marseille (Bouches-du-Rhône) sur le cours Honoré-d’Estienne-d’Orves.

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145117, notice DOORNIK Jan, Luis, Guillaume [Pseudonyme : Marcel Millot] par Daniel Grason, Annie Pennetier, version mise en ligne le 21 février 2013, dernière modification le 27 septembre 2022.

Par Daniel Grason, Annie Pennetier

Avis de condamnation
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SOURCES : Arch. PPo., 77W 98. — DAVCC Caen, B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty). — Le Petit Parisien, Le Matin, 30 août 1941. — 1061 Compagnons. Histoire des Compagnons de la Libération, Éd. Perrin, 2000. — F. Marcot, B. Leroux, C. Levisse-Touzé (sous la dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Éd. R. Laffont, 2006. — Vladimir Touplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Site internet ordredelaliberation.fr. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.— État civil.

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