LEMBERGER Jean [LEMBERGER Icek, Jean]

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 7 juin 1924 à Skierniewice (Pologne), mort le 26 avril 1993 à Paris ; confectionneur ; résistant FTP-MOI ; déporté.

Jean Lemberger
Jean Lemberger

Les parents de Jean Lemberger, militants communistes, durent en 1936 fuir la Pologne. Avec leurs quatre enfants, il s’installèrent dans le XIXe arrondissement de Paris en 1936. Plus tard, ils vinrent habiter 2 rue des Immeubles-Industriels près de la Nation où la famille se lança dans la confection. Jean Lemberger partaient avec d’autres jeunes dont les frères Marcel et Simon Rajman qui habitaient la même rue en camping dans la vallée de Chevreuse. En juin 1940 au moment de l’exode, sans famille en province, la famille Lemberger comme beaucoup de familles juives ne quitta pas Paris.
Les deux frères de Jean, Nathan et Serge furent arrêtés et internés à Beaune-la-Rolande. Jean Lemberger fut arrêté le 20 août 1941 et conduit à Drancy d’où il sortit au bout de trois mois. En juillet 1942, la famille Lemberger quitta la rue des Immeubles-Industriels pour le 6, rue Neuve-des-Boulets (XIe arr.). Il entra peu après au 2e détachement FTP-MOI, il participa notamment à une action en compagnie de Raymond Kojisky, celui-ci lança une grenade contre un garage allemand rue de Cambronne (XVe arr.). Le 20 avril 1943, à la suite d’une dénonciation la 3e section des Renseignements généraux et des policiers du commissariat de Puteaux interpellèrent soixante-trois militants de la Main d’Œuvre Immigrée (MOI). Son père absent du domicile échappa à l’arrestation.
Après une journée au dépôt, il a été remis à la BS2 où il a été violemment interrogé à plusieurs reprises. Remis aux allemands, il a été incarcéré à la prison de Fresnes. Un groupe de cinquante-six hommes quitta la prison le 11 juillet 1943 pour la gare de l’Est, vingt-trois étaient FTP et cinq membres de l’Armée secrètes. Tous furent dirigés vers le camp de Natzweiler et classé « NN » Nuit et Brouillard (destinés à disparaître). Matricule 4484. Le 20 octobre 1943, trois juifs dont Jean Lemberger furent transférés à Auschwitz en Pologne, le matricule 172 448 lui sera gravé sur le bras gauche. Il sera ensuite envoyé à Flossenburg en Allemagne où il arriva le 13 février 1945, il fut libéré le 23 avril 1945. Son frère Serge revint de déportation mais Nathan y mourut en 1943.
Jean Lemberger témoigna le 28 mai 1945 devant la commission d’épuration de la police : « J’ai été détenu pendant douze jours à la salle 36. […] Pendant mon séjour aux BS, j’ai été frappé par [trois] inspecteurs que je reconnais formellement sur les photographies que nous me présentez. Mais ceux qui m’ont torturé avec le plus de raffinement sont les inspecteurs Jean B… et Gaston Barrachin, ce dernier m’a frappé une dizaine de fois jusqu’à évanouissement .
Il mit en cause deux autres inspecteurs, l’un lui avait « porté un coup de pied dans les reins, j’ai uriné le sang pendant près de deux mois ». Un autre lui a « déboité les deux épaules en me tordant les bras. […] Je porte plainte contre ces inspecteurs et notamment contre ceux qui m’ont frappé et contre ceux qui se sont rendus coupables de vol à mon préjudice ». L’un des tortionnaires l’inspecteur principal Gaston Barrachin a été condamné à mort et fusillé. Quant à la dénonciatrice elle fut identifiée après la Libération, il s’agissait d’une très jeune fille Lucienne Goldfard qui habitait rue des Immeubles-Industriels. Ses parents juifs avaient été arrêtés et internés à Drancy, le commissaire de la BS1 Fernand David lui fit croire que si elle aidait la police, ses parents seraient libérés. Elle collabora, quant à ses parents ils moururent à Auschwitz (Pologne). Lors du coup de filet de la BS1, il y eut trois jeunes rescapés des camps de la mort Henri Krasucki, Paulette Sliwka et Jean Lemberger qui voulaient lui faire un mauvais sort. Adam Rayski, responsable de la sous-section juive du PCF s’y opposa et demanda qu’elle soit livrée à la police. Lucienne bénéficiait de protections, elle fut arrêtée, puis libérée. Elle devint plus tard « Katia la rouquine », elle commença une autre carrière, et a été propriétaire de maisons de passe.
Les parents de Jean Lemberger partirent en Pologne pour construire le socialisme. Jean Lemberger interviendra auprès de l’ambassadeur de France en Pologne pour les faire revenir. En association avec Simon Rajman, frère de Marcel Rajman, il s’installa dans la confection et quitta le parti communiste en 1956.
Jean Lemberger témoigna sur son engagement dans les FTP-MOI en 1985 dans le film de Mosco Boucault, Les terroristes à la retraite diffusé sur Antenne 2. Désenchanté il portait un regard amer sur son engagement communiste, il estimait que « le communisme est la plus grande escroquerie de tous les temps ».
Jean Lemberger a été homologué au titre de la Résistance intérieure française et Déporté, interné résistant, il avait été décoré Officier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance et décoré de la Médaille militaire. Il mourut le 26 avril 1993 à Paris, ses obsèques se déroulèrent le 29 avril au cimetière parisien de Bagneux (Seine, Hauts-de-Seine). L’Humanité du 30 avril annonça sa mort.
Dans le discours qu’il prononça le 27 janvier 2005 lors de l’inauguration de la nouvelle exposition au pavillon français du musée mémorial Auschwitz-Birkenau, Jacques Chirac, président de la République française, mentionna le nom de Jean Lemberger qui incarna « cette génération de militants pour qui le parti communiste fut plus qu’un engagement, ce fut le choix d’une vie ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145127, notice LEMBERGER Jean [LEMBERGER Icek, Jean] par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 9 décembre 2016, dernière modification le 19 mars 2022.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Jean Lemberger
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SOURCES : Arch. PPo. KB 10, KB 25, 77W 3114, répertoire n° 591. – Bureau Résistance GR 16 P 360482. – Gérard Israël, Heureux comme Dieu en France, Robert Laffont, 1975. – Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Denoël, 1986. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’occupation, Éd. Perrin, 2001. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Laetitia Giovannetti, Itinéraire de résistants étrangers communistes depuis la Libération, Mémoire de maitrise, Paris I, 2003-2004 (sous la direction de Michel Dreyfus). – « “Katia la Rouquine”, de l’Occupation à l’affaire Elf », par Karl Laske, Libération du 6 avril 1999. – Fiche Arolsen parcours concentrationnaire communiqué par Didier Alvarez.
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo.

Photographies : Arch. PPo. (D.R.)

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