Par Anysia L’hôtellier
Né le 21 décembre 1902 à Mèze (Hérault), mort le 7 mai 1985 à Châtenay–Malabry (Hauts-de-Seine) ; artiste-peintre, graveur, critique d’art ; militant communiste ; résistant ; syndicaliste.
Fils unique d’un père instituteur et d’une mère directrice d’école primaire, Jean Milhau entra à l’école des Beaux-arts de Montpellier en 1920. Là-bas, il côtoya Germaine Richier, Gabriel Couderc, Camille Descossy, Georges Dezeuze et Gaston Poulain. En 1924, il exposa au Salon d’Automne de Paris. Dans les années 1920, il réalisa des illustrations pour la revue littéraire de Montpellier L’Âne d’or dans laquelle écrivaient Valéry Larbaud, André Fraigneau, Paul Valéry ou encore Jean Cocteau. Parallèlement à ses activités artistiques, il mena des études de droit et obtint en 1927 une licence de droit. Il décrocha ensuite un poste dans l’administration au sein des services fiscaux de l’Enregistrement. Mais Jean Milhau décida très vite de démissionner pour se consacrer entièrement à la peinture. Avec notamment les artistes Jacques Arnaud, Camille Descossy et Georges Dezeuze, Jean Milhau appartenait au groupe des peintres montpelliérains Frédéric Bazille, fondé vers 1937.
En 1939, après la signature des accords de Munich, Jean Milhau adhéra au Parti communiste français. Il s’engagea dès 1940 dans la Résistance dans le Midi de la France. En 1941, il fut nommé par le ministère de l’Éducation nationale inspecteur délégué à la protection des sites et monuments historiques pour l’Hérault et le Gard. Arrêté le 23 décembre 1942 par la police française, il fut destitué de ce poste. À partir de sa mise en liberté surveillée en avril 1943, il entra en clandestinité et s’engagea au sein du Front national, formation politique liée aux Francs-tireurs et partisans, d’abord dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales (il resta dans ce département du printemps à l’automne 1943 et aida Charles Robert dans sa tâche de structuration du Front national) puis dans l’Aveyron où il participa à la libération de Rodez. Par la suite, il devint responsable départemental du Front national pour l’Hérault jusqu’à l’automne 1945. Il fut réintégré à son poste d’inspecteur délégué à la protection des sites et monuments historiques en 1952.
Avec ses amis peintres Jean Amblard, André Fougeron, Ernest Pignon, Boris Taslitzky et Marc Saint-Saëns, Jean Milhau mit en œuvre ses convictions d’artiste engagé. De 1946 à 1952, il fut le rédacteur en chef de la revue Arts de France, lancée en 1945, soutenue par le Parti communiste. Le comité de rédaction était composé d’André Fougeron, Jacques Gaucheron, André Gracès, Anatole Kopp, René Lacôte, Jean-Francis Laglenne, Marie-Anne Lansiaux, Jean Lurçat, Jean Marcenac, Jeanne Modigliani, Jean Picart Ledoux, Jean-Pierre (Roland Piétri) et Boris Taslitzky. C’est dans les pages de cette revue que Jean Milhau lança pour la première fois en 1948 l’expression de « Nouveau réalisme » pour baptiser le nouveau mouvement artistique soutenu par le PCF : « Un courant se dessine qui, sans renier les acquis de la culture et de la technique moderne, nie la primauté des recherches formelles, préconise le retour à la réalité objective et au sujet, et met l’accent sur le contenu social de toute réalité ». Aux côtés de Jean Milhau, les peintres tels que André Fougeron, Boris Taslitzky, Jean Amblard, Jean Vénitien, Gérard Singer ou encore Mireille Miailhe animèrent ce réalisme socialiste à la française entre 1947 et 1954. En 1949, grâce à l’intervention de Jean Cassou, conservateur du Musée national d’art moderne, l’État acheta une toile de Jean Milhau. En 1947, il devint sociétaire du Salon d’Automne. Lors du vernissage du Salon d’Automne en novembre 1951, sept toiles, dont celle que présentait Jean Milhau, furent décrochées par la police sur ordre du sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts (M. Cornu), et avec l’approbation du ministre de l’Éducation nationale et du Préfet de police. Intitulée Maurice Thorez va bien, la toile de Jean Milhau représentait des acheteurs souriants de l’Humanité-dimanche groupés autour d’un vendeur qui leur tendait le journal avec le portrait de Thorez convalescent en première page. Ces évènements firent grand bruit et suscitèrent de nombreuses protestations.
Cofondateur de l’Union des arts plastiques, il en devint le président de 1974 à 1982. Avec Jean-Pierre Jouffroy et Ladislas Kijno, Jean Milhau fut à l’origine de la création de la Sécurité sociale pour les peintres et sculpteurs. En mai 1968, avec Jean-Pierre Jouffroy, il réunit entre 100 et 300 peintres parisiens avec l’objectif de bâtir ensemble un cahier de doléances. Toutes ces discussions portèrent leurs fruits puisqu’en 1975, le régime de Sécurité sociale, qui jusqu’ici ne concernait que certaines catégories de créateurs, fit l’objet d’une étude. Elle aboutit à la loi du 31 décembre 1975 relative à la Sécurité sociale des artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques (mise en application au 1er janvier 1977).
Jean Milhau faisait partie du groupe d’artistes « Montpellier-Sète » fondé en 1964 dans la continuité du groupe Frédéric Bazille. Ce groupe, formé autour de l’artiste François Desnoyer, rassembla des artistes comme Gabriel Couderc, Georges Dezeuze, Albert Dubout, Camille Descossy, Pierre Fournel, Jean Fusaro, Jean Hugo, Lucien Puyuelo, Gérard Calvet et Elie Sarthou. Ce qui liait ces artistes, n’était pas tant leur esthétique mais leur attachement au Midi de la France. Le Musée Paul Valéry de Sète et le Musée Fabre de Montpellier notamment possèdent de nombreuses œuvres de ce mouvement.
Jean Milhau épousa Antoinette Gillet. Elle fut avocate puis haut fonctionnaire au ministère de la Défense, révoquée en 1940, réintégrée en 1944. Elle devint membre du PCF en 1947 à la suite de l’éviction des ministres communistes. Jean et Antoinette Milhau eurent trois enfants : Jacques Milhau, né en 1929, puis des jumeaux nés en 1933, Denis Milhau, conservateur, puis conservateur en chef du musée des Augustins de Toulouse de 1963 à 1994, et Marie-Thérèse Milhau (voir Marie-Thérèse Goutmann). Jacques Milhau et Marie-Thérèse Goutmann furent tous deux membres du comité central du PCF. Jean Milhau fut membre du PCF de 1939 à la fin de sa vie.
Par Anysia L’hôtellier
SOURCES : Catalogue de l’exposition Jean Milhau, Musée Paul Valéry de Sète, 1960, 7 p. — Lucie Fougeron, « Le Réalisme socialiste dans les arts plastiques en France (1947–1954) », Sociétés et représentations, n° 15, décembre 2002, pp. 195- 214. — Gérard Calvet, « Le groupe Montpellier Sète, ses peintres, et la diversité de ses tendances », Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, Bulletin, n° 42, 2011, pp. 27-37. — Informations fournies par sa fille, Marie-Thérèse Goutmann. — Note d’André Balent.