THIERRET Paul, Robert, Léon

Par Daniel Grason

Né le 1er janvier 1909 à Paris (XIIe arr.), fusillé après condamnation le 21 octobre 1942 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; mécanicien, ajusteur-outilleur ; militant communiste ; résistant au sein des FTPF.

Fils de Félicité Roubert, qui le reconnut le 9 janvier 1909 ou 1910, et de Léon Thierret, qui fit de même le 11 octobre 1910, Paul Thierret fut légitimé par le mariage de ses parents le 18 août 1917. Il milita au sixième rayon de la quatrième entente des Jeunesses communistes et travaillait comme mécanicien chez Hispano-Suiza à Bois-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine). Il épousa le 6 octobre 1932 Simone Arrois à la mairie du XXe arrondissement de Paris ; le couple, sans enfant, demeurait 1 square Delormel à Paris (XIVe arr.).
Arrêté une première fois en 1940 pour distribution de tracts communistes, Paul Thierret fut condamné par le tribunal militaire de Périgueux (Dordogne) à un an de prison, cinq cents francs d’amende et dix ans d’interdiction de séjour pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.
Il fut en 1942 responsable Francs-tireurs et partisans (FTP), chef de la région 151, plus spécialement chargé du recrutement et de l’action armée. Il était considéré par les Renseignements généraux (RG) comme l’un des membres les plus importants du Parti communiste clandestin de la région parisienne. Le 20 avril 1942, il fut repéré s’entretenant avec un militant communiste à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), puis une seconde fois alors que les RG filaient France Bloch-Sérazin.
Le 16 mai 1942, des inspecteurs tambourinèrent à la porte de l’appartement de la belle-sœur de Paul Thierret, 84 avenue Aristide-Briand à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), criant « Télégramme ! ». Paul Thierret était dans le logement. Les policiers tentèrent de l’arrêter, tirèrent... mais il réussit à leur échapper. Sa femme, qui était présente, fut interpellée et conduite dans les locaux des Brigades spéciales (BS) à la préfecture de police.
Les BS traquaient depuis plusieurs semaines des résistants. Entre le 27 mars et le 15 mai, soixante-huit d’entre eux furent repérés, arrêtés. Paul Thierret, aperçu par des policiers dans la matinée du 18 mai à Asnières, fut interpellé place Voltaire.
Interrogé dans les locaux des BS, battu, torturé, il fut ensuite livré aux Allemands. Il fut condamné à mort le 30 septembre 1942 par le tribunal du Gross Paris, qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Il fut passé par les armes le 21 octobre 1942 à 16 h 39 au stand de tir du ministère de l’Air. Son inhumation eut lieu au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Son nom est gravé sur la plaque du ministère de la Défense à Paris XVème
Aristide Chenuil, résistant, ex-brigadiste en Espagne républicaine, arrêté le même jour, témoigna après la Libération devant la commission d’épuration de la police. Il déclara : « Écroué au Dépôt j’ai pu entrer en contact avec lui. Il avait un œil entièrement bouché d’où s’écoulait un filet de pus. Il avait également le corps couvert de traces de coups de nerf de bœuf. Il m’a [...] déclaré qu’il avait été mis dans cet état par les inspecteurs qui l’avaient arrêté. En effet, au cours de l’interrogatoire les inspecteurs lui avaient dit de se tourner la face contre le mur et Thierret leur a répondu ``Non, je veux voir en face vos gueules d’assassins’’. C’est à ce moment qu’un des inspecteurs lui a porté plusieurs coups de matraque au visage, dont l’un lui avait fait sortir l’œil de l’orbite. C’est lui-même qui l’a remis en place. »
Sa femme, Simone Thierret, le retrouva au Dépôt : « Il avait été roué de coups de nerf de bœuf de la tête aux pieds pendant des heures. Les coups qu’il a subis ont entraîné la perte de l’œil droit par écrasement du nerf optique. » Elle déposa plainte contre les inspecteurs qui avaient arrêté son mari et pour les vols qu’ils avaient commis à son domicile.

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Dernière lettre
 
Octobre 1942
A ma, femme chérie,
A ma famille, à mes amis,
Je fus amené à la Brigade. Spéciale où je subis un premier interrogatoire, mais ne répondis rien. Je fus enchaîné et gardé par trois agents, isolé dans une pièce.
Le lendemain, nouvel interrogatoire avec menace de punitions, un de ceux qui avaient été arrêtés ayant dit que je lui avais remis un revolver. Je répondis que c’était du roman-feuilleton, et je fus ramené à ma salle avec la promesse que l’on me ferait bien parler. Entre temps,j’avais aperçu ma femme que l’on conduisait à-l’anthropométrie. -
Le lendemain 20 mai, j’étais conduit au dépôt. L’on revenait m’y reprendre le vendredi 22 mai pour la scène la plus terrible que j’ai eue à subir. En effet, de deux -heures à cinq heures, trois policiers se relayèrent pour me. frapper à deux à la fois. C’est au cours de cette séance qu’un coup de matraque me fit sauter l’oeil droit. Malgré tout, pas un mot ne sortit de mes lèvres, il fallut que l’on m’emporte. Ils me jetèrent dans une -salle où, je ne sais comment, je passais la nuit. J’étais un mois après encore tout noir, du cou aux mollets, à la suite’-des coups reçus ; je ne sais combien de fois je m’évanouis.
Je quittais le dépôt (où J’avais eu à la fois la joie et la peine de voir ma femme chérie non encore relâchée) le 10 juin, pour la Santé, où je suis depuis cette date. Je devais subir les 11 et 17juin, puis le 14 juillet, l’interrogatoire par les Allemands. Ce ne fut pas pire que ce que j’avais eu à subir par les Français. .Eux, au moins, ils ont l’excuse de se défendre, mais que dire des policiers français ?
Le véritable supplice, c’est que du 10 juin an 1er octobre, j’ai eu jour. et nuit les mains liées derrière le dos ; si vous voulez ajouter combien j’étais meurtri dans ma chair (sous les coups, mes fesses avaient .tellement enflé que. mon pantalon a craqué), il m’était presque impossible de me coucher. Seul, sans nouvelles, sans rien et. le ventre vide, j’ai pourtant tenu le coup...
Il y a dix-huit condamnations à mort sur vingt-quatre.
Depuis le procès fini., ils nous ont enlevé, les menottes et’ l’on nous prête des livres et surtout grâce à vous j’ai des colis. Je vous en dis mille fois merci. Nous n’attendons plus maintenant qu’une prochaine après-midi où, vers seize heures, nous mourrons très courageusement. .
A ma femme chérie, à ma famille, à mes camarades, tous, adieu.
A tous je vous confie, ma femme, aimez-la, aidez-la, .je l’aime tant. -
Paul

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145478, notice THIERRET Paul, Robert, Léon par Daniel Grason, version mise en ligne le 10 mars 2013, dernière modification le 12 avril 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo., BA 2299, PCF carton 12 rapports sur l’activité communiste, KB 6, KB 8, KB 21, KB 72. – DAVCC, Caen, Boîte 5 / B VIII 3, Liste S 1744-545/42 (Notes Thomas Pouty). – Mémorial GenWeb. – État civil, Paris (XIIe arr.).

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