LAURENT Bernard, Léon

Par Daniel Grason

Né le 11 septembre 1921 à Ronquerolles, commune d’Agnetz (Seine-et-Oise, Oise), fusillé par condamnation le 17 avril 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier boulanger-pâtissier ; communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS) appelée après la guerre Les Bataillons de la jeunesse.

Fils de Gaëtan, ouvrier d’usine, et de Marcelle, secrétaire en 1936 du Comité mondial des femmes contre la guerre, Bernard Laurent apprit le métier de boulanger-pâtissier, adhéra aux Jeunesses communistes en 1937. Il demeurait 4 place de la Porte-de-Bagnolet à Paris (XXe arr.). Pendant la guerre, il participa à une manifestation le 14 juillet 1941 sur le boulevard Saint-Michel, arrêté par la police française, il fut relâché.
À bicyclette, le 6 septembre 1941 vers 23 heures, il tira un coup de feu sur le sous-officier allemand Blasius Hoffmann à l’angle des rues La Fontaine et des Perchamps à Paris (XVIe arr.), mais ne l’atteignit pas et prit la fuite. Début janvier 1942, le commissariat d’Auteuil reçut une lettre anonyme demandant « de surveiller Bernard Laurent [...] ce dernier étant un personnage dangereux [...] je me fais un devoir de le signaler est très actif au marché noir autre fait plus grave cet homme se livre au trafic d’armes » avec « une bande importante ». L’auteur de la lettre donnait comme adresse le 2 rue Bastien-Lepage (XVIe arr.), pas très loin des rues La Fontaine et des Perchamps où eut lieu la tentative d’assassinat de Blasisus Hoffmann.
La police surveilla Bernard Laurent. Il fut interpellé le 26 février 1942 et interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police. Il reconnut sur photographie André Kirschen de l’OS.
Apprenant son arrestation, sa mère écrivit le 2 mars au commissaire de la BS2 : « Nous ne pouvons pas croire ni mon mari non plus à l’accusation qui pèse sur lui. Ayez la bonté [...] de lui transmettre toute notre tendresse, excusez de malheureux parents dans l’angoisse ». Elle fut autorisée à apporter à son fils du linge à la prison de la Santé.
Bernard Laurent fut jugé du 7 au 14 avril 1942, en compagnie de vingt-six autres combattants à la Maison de la Chimie, 28 rue Saint-Dominique (VIIe arr.). Les Allemands voulaient donner un grand retentissement à ce procès. La presse collaborationniste, les actualités cinématographiques étaient présentes. Les résistants furent représentés comme des « terroristes à la solde de Moscou ». Le 14 avril 1942 le tribunal militaire allemand prononça vingt-cinq condamnations à mort dont celle de Bernard Laurent pour « action de franc-tireur ». Le journal collaborationniste Le Matin titra « 25 condamnations à mort au procès des terroristes ».
Bernard Laurent écrivit une dernière lettre à ses parents, à sa sœur et à Lucien, le mari de cette dernière « Pour toute ma famille et amis que chacun ne me regrette pas et m’oublie le plus tôt possible. J’espère que l’avenir vous donnera des jours meilleurs que ceux vécus jusqu’ici ».
Il a été fusillé le 17 avril 1942 au Mont-Valérien, puis inhumé à Ivry puis au cimetière d’Agnetz. La mention « Mort pour la France » fut portée sur son acte de naissance le 2 novembre 1961.
Son nom fut gravé sur le monument aux morts de la commune et sur une stèle commémorative à Boulincourt-Agnetz. Sur une plaque dans la salle de la Maison de la Chimie où siégea le tribunal militaire allemand, fut écrit : « En ce lieu, ont été jugés du 7 au 14 avril 1942 par un tribunal militaire nazi, siégeant à la Maison de la Chimie réquisitionnée, 27 combattants membres des premiers groupes de résistance armée (OS – FTPF), livrés à l’occupant par la police de Vichy »

Dernière lettre de Bernard LAURENT

Paris, vendredi 17 avril 1942, 13 heures
Petits parents adorés, sœur chérie, cher Lucien
Et toute la famille et amis chers
C’est fini, à 5 heures nous devons être exécutés, moi et 23 autres camarades.
Ma vie bien courte va se terminer bien tristement, mais c’est pour vous que j’adore que je suis bien triste. On devra vous remettre outre mon pardessus, mon pull-over et mes gants dans lesquels tu retrouveras une partie de la fleur que tu m’as envoyé et que j’ai tant embrassé, ma plaque d’identité, mon briquet, ma pipe et d’autres petites choses déposées par moi au bureau. Votre peine, va, je le regrette être immense et je veux que vous me pardonniez cette douleur.
Ma petite sœur par son petit gars ou fille vous donnera une suprême consolation, car je ne veux que votre peine soit longue, oubliez-moi vite, moi qui vous ai donné que du tourment, je vais en mourrant réparé les fautes commises et cependant j’aurai voulu autrement racheter mes fautes. Maintenant il est trop tard, et je n’ai qu’un regret n’avoir pu avant ma disparition vous serrez sur mon cœur aussi tendrement que je l’aurai voulu afin de vous montrer que votre gars malgré son mauvais caractère, vous aimez plus que tout au monde et aurait voulu avoir la joie de vous chérir dans vos vieux jours, et de vous donner des petits enfants forts et charmants, afin que la joie vienne en vous. Pour cela je compte sur ma grande Mone du petit de laquelle j’aurai voulu être un bon tonton. La chance a pour moi mal tourné et ces joies me seront toutes refusées, je le regrette, mais ma peine est minime à comparer avec la vôtre et c’est pour cela que je veux que vous n’éprouvez qu’une peine la
plus petite possible, ce que je vous demande est dur, cependant c’est mon désir. Papa soit sur que ton gars n’a jamais failli au chemin que lui avais montré et que son honnêteté est toujours restée intacte, ne blâme pas ma mort, car les actes que j’ai commis sont aujourd’hui payés.
Maman chérie, à toi et à mon papa, que vous dire d’autre que mon amour profond est sans relâche et que je vous vouais malgré que parfois mes sautes d’humeur vous ai chagriné, mais je n’en étais pas entièrement responsable, car chacun a là-bas ses petits soucis.
à ma grande sœur chérie et à Lucien je demande que le plus tôt possible
vous donniez à mes petits Pa et Man adorés une consolation. Je voudrais si cela est possible être enterré auprès de vous dans le même caveau. Peut-être pourrez-vous le faire. Pour toute ma famille et amis que chacun ne me regrette pas et m’oublie le plus tôt possible.
J’espère que l’avenir vous donnera des jours meilleurs que ceux vécus jusqu’ici.
Je suis en train de manger les dernières bonnes choses de mon colis et ce
qui reste sera partagé entre les copains.
Mes 21 ans que j’aurai voulu passé parmi vous seront plus vite fêtés.
Je vais terminer, je vous étreint tendrement comme je le faisais lorsque j’étais auprès de vous et bientôt je n’aurai plus rien à penser, et votre pensée sera la dernière que mon cœur criera au dernier moment, encore des baisers de toute ma tendresse, des étreintes de tout mon cœur et j’en termine tous bien-aimés.
Votre gars qui pense à vous jusqu’au bout.
Bernard

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145684, notice LAURENT Bernard, Léon par Daniel Grason, version mise en ligne le 19 mars 2013, dernière modification le 10 septembre 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BA 2117, 77W 1826. – DAVCC, Caen, Boîte 5 (Notes Thomas Pouty). – J.-M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes, op. cit. – André Rossel-Kirschen, Le procès de la Maison de la Chimie (7 au 14 avril 1942), L’Harmattan, 2002. – S. Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit.Le Matin, 15 avril 1942. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Agnetz. — Dernière lettre et photos sur [http://oise.pcf.fr/111399].

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