QUEFFEULOU Jean [dit Fredo]

Par Daniel Grason

Né le 3 février 1913 à Ploézal (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ajusteur-monteur ; résistant FTPF du détachement Kléber.

Dernière lettre avec deux lignes caviardées (censurées) par l’administration allemande.
Memorial du Mont-Valérien

Jean Queffeulou était le fils d’Olivier, Marie Queffelou, maçon, né en 1882, et de Marie Hélary, commerçante, née en 1885. Pupille de la Nation, il fut adopté par jugement du tribunal d’instance de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) du 10 février 1921. Il fit son service militaire dans la marine à Brest (Finistère). Le 11 juillet 1934, il fut condamné à treize mois de prison pour coups et blessures. Il épousa le 22 janvier 1938 à la mairie du XIXe arrondissement de Paris Antonia Langermano, née en ItaliUe. Le couple habita 62 rue Riquet (XIXe arr.), puis 43 rue Ordener (XVIIIe arr.). Après avoir travaillé à Saint-Brieuc, Jean Queffeulou devint ouvrier monteur aux ateliers de la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP), aux ateliers du dépôt, 117 avenue Michelet à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis).
En 1939, lors de la déclaration de guerre, il fut mobilisé, puis reprit son poste. Avec deux autres ouvriers de l’atelier, Jean Poiré et Pierre Cosnard, il fit partie des FTP, détachement Kléber dirigé par Jean Gross – neuf combattants au total. Le 9 mars 1943 vers 22 heures, Jean Queffeulou était dans le groupe qui jeta un engin incendiaire contre un garage réquisitionné par les Allemands au 5 rue Paul-Bert à Saint-Ouen. Les dégâts furent qualifiés d’insignifiants par la police française.
Le 12 juin 1943, la police municipale interpella Jean Gross dans les couloirs de la station de métro Gare-de-l’Est. Il était porteur d’un revolver à barillet, d’une grenade Mills et de documents sur l’activité des FTP. Des inspecteurs des Brigades spéciales (BS) interpellèrent Jean Poiré et Jean Queffeulou vers 18 heures, alors qu’ils sortaient des ateliers de l’avenue Michelet. Deux inspecteurs perquisitionnèrent le domicile de Jean Queffeulou sans succès. Lui-même fut interrogé dans les locaux des BS à la préfecture de police.
Sa femme multiplia les démarches auprès du commissariat de la Goutte-d’Or (XVIIIe arr.) et de la préfecture de police pour savoir où il était détenu, en vain. Jean Queffeulou fut livré à la Sipo-SD, probablement torturé. Incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 24 juin 1943, il fut jugé le 1er octobre suivant par le tribunal du Gross Paris, qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour activité de franc-tireur, il a été fusillé le 6 octobre 1943 à 16 h 51 au Mont-Valérien.
Antonia Queffeulou témoigna en 1945 devant la commission d’épuration de la police : elle ignorait si son mari avait été maltraité lors de son interrogatoire par les BS. Elle révéla que les deux inspecteurs chargés de la perquisition s’étaient « particulièrement bien conduits » à son égard. Ils lui conseillèrent de brûler des papiers et documents compromettants qu’elle pourrait trouver, puis ils partirent.
Elle relata une visite déplacée d’un autre inspecteur : il « est venu un matin en me déclarant [que mon mari] avait été condamné à vingt ans de travaux forcés. M’étant mise à pleurer, [B.] a voulu me consoler et a tenté de m’embrasser. De plus il s’est vanté d’avoir fait fusiller vingt-huit patriotes ».
Le corps de Jean Queffeulou fut restitué le 10 octobre 1947, puis inhumé au cimetière de Saint-Brieuc. Sur la sépulture figure une plaque sur laquelle est gravée cette épitaphe : « À notre camarade Jean Queffelou – Paris le 6 octobre 1943 – à l’âge de trente ans – fusillé par les Allemands ». Son nom figure sur la La cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien à Suresnes « À la mémoire des victimes du nazisme fusillés au Mont-Valérien le 6 octobre 1943 » au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), là où il fut un temps inhumé. Une plaque commémorative dédiée « À nos Camarades Morts pour la Liberté » fut apposée à l’entrée des ateliers de l’avenue Michelet : neuf noms, dont quatre résistants, parmi lesquels Pierre Cosnard et Jean Queffeulou.

Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord

Dernière lettre
"Paris, le 6 octobre 1943
Chers parents chéris,
Nous avons été jugés le 1er octobre, condamnés à mort, le jugement a été confirmé ce matin et nous serons exécutés cet après-midi à quatre heures. Je suis d’un courage sans précédent dans ma vie [passage censuré] et je pense que mon sacrifice n’aura pas été vain. J’ai été élevé chrétiennement. Je vais mourir en chrétien. Maintenant, petite maman chérie, et papa, soyez aussi courageux que moi.
J’aurais pu mourir à la guerre, je meurs pour la France, c’est le seul honneur qui m’était réservé.
Maintenant, j’ai vu Antoinette à la prison. Je veux que vous lui pardonniez, elle fait pour moi tout ce qu’elle a pu. [...] Soyez fort, c’était la femme de ma vie.
Que Dieu vous protège et qu’il m’accepte, c’est tout ce que je demande.
Petite maman et petit papa, avec tous mes plus doux baisers.
A Dieu et vive la France.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145740, notice QUEFFEULOU Jean [dit Fredo] par Daniel Grason, version mise en ligne le 22 mars 2013, dernière modification le 3 novembre 2022.

Par Daniel Grason

Dernière lettre avec deux lignes caviardées (censurées) par l’administration allemande.
Memorial du Mont-Valérien

SOURCES : Arch. PPo., BA 1748, PCF Carton 8 militants arrêtés par la police française, Carton 14 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, KB 6, KB 77, KB 103, 1W 0666. – Arch. mun., Saint-Ouen. – Arch. Dép. Côtes-d’Armor 1043W3. – DAVCC, Caen, Boîte 5 / B VIII 4, Liste S 1744-310/43 (Notes Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty). – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011 (Notes Alain Prigent, Serge Tilly). – Site Internet Mémoire des Hommes. – État civil, Ploézal. — Note de Jean-Pierre Ravery.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 186 cliché du 15 juin 1943.

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