MÉNABÉ Pierre, Roger, Agricol

Par Claude Béziers, Alain Dalançon

Né le 18 août 1924 à Ponçins (Loire), mort le 6 septembre 2003 à Grimaud (Var) ; professeur de lettres classiques ; militant de la FEN et du SNES dans l’académie de Dijon, secrétaire de la section académique (1968-1978) ; militant du PSU puis du PCF.

ICONOGRAPHIE : P. Ménabé au congrès du SNES de 1973 en discussion avec les militants EE-FUO (Joëlle Corboz) © IRHSES
ICONOGRAPHIE : P. Ménabé au congrès du SNES de 1973 en discussion avec les militants EE-FUO (Joëlle Corboz) © IRHSES

Fils unique d’instituteurs originaires du Vaucluse, Pierre Ménabé perdit son père dans sa petite enfance et fut élevé par sa mère. Celle-ci avait été influencée par le courant pacifiste, peut-être par le parti de Marceau Pivert, ce qui eut sans doute une importance pour les engagements ultérieurs de son fils. Il fit ses études secondaires au lycée de Saint-Etienne (Loire), où il eut Georges Simondon pour condisciple, et commença des études de lettres à la faculté de Lyon, à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il n’avait alors pas d’engagement politique. Il connut en 1946 une étudiante en lettres, Antoinette Veyrenche, née le 17 janvier 1923 à Aurillac (Cantal), fille d’un dactylographe. Ils se marièrent en août 1947 à Lyon (IIIe arr.) et eurent un fils, Jacques.

Antoinette réussit au concours du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges et fut nommée professeur certifiée à Aurillac puis fut mutée en Saône-et-Loire, département situé alors dans l’académie de Lyon. De son côté, Pierre Ménabé échoua au concours et occupa un poste de secrétaire à mi-temps au lycée Ampère à Lyon puis les fonctions de maître-auxiliaire avant de devenir adjoint d’enseignement. Le couple décida de partir en coopération en Egypte en 1951-1953 avec la promesse pour lui d’une titularisation comme certifié au retour. Ils y découvrirent les activités des militants nationalistes égyptiens. A cette époque, Nasser chassa le roi Farouk du pouvoir au cours de l’été 1952 et proclama la république en 1953. Ces années furent très instructives pour eux et les amenèrent à lutter sans discontinuer ensuite contre les guerres d’Algérie et du Vietnam.

A leur retour en France, ils furent nommés au lycée de Louhans (Saône-et-Loire), puis en 1961 à Chalon (Saône-et-Loire), Pierre Ménabé au lycée de garçons, et Antoinette au lycée de jeunes filles Pontus de Thiard. Le couple milita dès lors activement au Syndicat national de l’enseignement secondaire, chacun dans la section de son établissement (S1). Pierre avait été un temps attiré par « les Amis de Ecole émancipée » de Robert Chéramy* et raconta par la suite avoir partagé cette orientation avec Edouard Patard*, devenu militant « Unité et action » comme lui, avec lequel il garda toujours une certaine complicité.

En même temps, il adhéra au Parti socialiste unifié, à sa création en 1961, après avoir été militant de la Nouvelle Gauche, et devint le secrétaire de la fédération de Saône-et-Loire. Son épouse avait suivi le même parcours. Aux élections municipales de mars 1964, face au refus d’union de la gauche par la liste SFIO-radicaux-centristes conduite par Georges Nouelle et Roger Lagrange, Ménabé fut troisième de la liste d’union PCF-PSU-autres démocrates.

Dans le département de Saône-et-Loire, marqué par une forte industrialisation, la mémoire des luttes ouvrières se transmettait, y compris chez les enseignants et, dans le SNES, le courant « B » (futur « Unité et Action ») y était très largement majoritaire. Ménabé fut donc élu au bureau départemental à partir de 1955 puis devint secrétaire de la section (S2) en 1964 et la même année secrétaire de la section départementale de la FEN où pourtant la section du Syndicat national des instituteurs restait à majorité autonome. Il figura dès lors sur la « liste B » aux élections à la commission administrative nationale en 1962, puis fut élu suppléant en 1964 et 1966. La fusion du SNES classique et moderne et du Syndicat national de l’enseignement technique, conclue en 1966, avait été effective en Saône-et-Loire depuis plusieurs années, ce qui permit à Pierre Ménabé et Pierre Chanis (militant de la Convention des institutions républicaines et du Syndicat national de l’enseignement technique) d’affirmer le courant U-A dans la section académique (S3) face à la majorité « autonome » conduite par Michel Jovignot (SNES) et Albert Meillier* (SNET). Les résultats des élections permirent à ces deux militants de siéger au bureau du S3 et à Pierre Ménabé d’en être le secrétaire adjoint en 1967, après avoir été réélu suppléant à la première CA nationale élue au collège unique.

En mai-juin 1968, les responsables « autonomes » furent dépassés par les événements. A la rentrée, Ménabé dirigea une équipe de cogestion du S3 avec Jovignot (secrétaire adjoint) et Chanis (secrétaire administratif), et écrivit son premier éditorial dans Dijon-Snes, « Les fruits de mai », où il exposait les résultats de l’action.

Aux élections de mai 1969, le courant « Unité et Action » devint majoritaire dans l’académie et Ménabé fut élu titulaire à la CA nationale où il siégea jusqu’en 1979. La collaboration se poursuivit un temps avec Jovignot mais, le courant UID (« Unité, indépendance et démocratie ») s’effondrant, celui-ci préféra devenir permanent de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale.

Cependant, à cette époque, la majorité U-A était fragile dans l’académie. Un groupe relativement important et très actif de militants trotskistes lambertistes de « l’Ecole émancipée-Front unique ouvrier » (en 1969, 10,2 % des exprimés contre 6,11 % au plan national ; en 1971, 9,6 % contre 5,85 % au plan national) multipliait ses attaques très vives voire les provocations contre les dirigeants du SNES et tout particulièrement contre Pierre Ménabé. Celui-ci, militant inlassable de l’union de la gauche puis du « programme commun », qui adhéra d’ailleurs au Parti communiste français en février 1971, les combattit avec une grande fermeté, souvent de façon véhémente.

Professeur de lettres classiques, ayant la volonté de convaincre, ses longues envolées oratoires, son goût pour la métaphore et la provocation le conduisirent parfois à des propos excessifs que les minoritaires s’employaient à prendre au pied de la lettre.

Pour mieux s’occuper de ses responsabilités syndicales près du rectorat, le couple Ménabé obtint sa mutation à Dijon (Côte d’Or), tous deux au lycée Monchapet.

A l’époque, le S3 ne disposait pas de local propre. C’était dans la maison du couple Chanis, à Chalon, que se gérait l’activité matérielle (ronéotage et expédition des circulaires en particulier). Quant à l’appartement du couple Ménabé, c’était le lieu des réunions de travail. Leur activité inlassable et leur implication parfois excessive au service individuel des syndiqués poussèrent Albert Majewski, secrétaire adjoint, à abandonner ses responsabilités et à choisir de devenir chef d’établissement. Antoinette, tout en n’apparaissant pas en première ligne, jouait en fait un rôle tout à fait éminent dans le travail commun. Leur dévouement, au-delà de ce que des militants plus jeunes souhaitaient accepter, aboutit à une situation de crise dans le S3.

En 1975, une nouvelle équipe, rajeunie et renouvelée, commença à se mettre en place, avec Jean-Marie Maillard – qui accéda par la suite à des responsabilités nationales — et Claude Béziers, dans un secrétariat général collectif. Le couple Ménabé dut s’adapter à cette situation nouvelle et continua à participer à ce secrétariat collectif jusqu’à la retraite. Mais, à la demande de la direction nationale, Pierre ne fut plus candidat sur la liste à la CA nationale en 1979.

En 1983, il prit sa retraite ; le couple abandonna sa vie dijonnaise et toute activité militante, sans cependant renier ses engagements, pour se retirer à Grimaud (Var). Pierre Ménabé confirma ainsi son amour du midi, connu lors de ses vacances avec sa mère qui avait sans doute joué un rôle dans son choix de devenir professeur de lettres classiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145781, notice MÉNABÉ Pierre, Roger, Agricol par Claude Béziers, Alain Dalançon, version mise en ligne le 27 mars 2013, dernière modification le 27 août 2022.

Par Claude Béziers, Alain Dalançon

ICONOGRAPHIE : P. Ménabé au congrès du SNES de 1973 en discussion avec les militants EE-FUO (Joëlle Corboz) © IRHSES
ICONOGRAPHIE : P. Ménabé au congrès du SNES de 1973 en discussion avec les militants EE-FUO (Joëlle Corboz) © IRHSES

SOURCES : Arch. Nat., 581AP/105. — Arch. IRHSES. — Arch. SNES Dijon. — Témoignages oraux. — Notes de Jacques Girault

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