DUTET Marcel, François [dit Dupuy]

Par Daniel Grason

Né le 20 avril 1903 à Lyon (IIe arr.), fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; employé de commerce, permanent du Parti communiste, employé de mairie ; militant communiste ; résistant FTPF, responsable militaire de la région P 3.

Fils de Philippe, artiste, et d’Élise, née Swert, Marcel Dutet épousa Jeanne, née Lamy, le 2 août 1927 à Paris (XVe arr.). Le couple habita 20 rue du Faubourg-Saint-Denis (Xe arr.). Il se remaria le 7 septembre 1940 avec Feige Wolf à Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis), le couple s’installa dans la ville au 86 rue André-Theuriet.
Il travailla comme employé de commerce à la maison Braunschwig au 7 rue d’Athènes (IXe arr.), était membre de la CGTU des employés de la Région parisienne. Il adhéra au Parti communiste en 1935, et devint permanent au siège, 120 rue La Fayette à Paris (IXe arr.), membre du rayon du Xe arrondissement de la région Paris Ville et de la section locale d’Aulnay-sous-Bois. Il fit l’objet d’une interpellation le 30 avril 1935 alors qu’il distribuait des tracts du Parti communiste, rue du Faubourg-Saint-Denis, un simple contrôle d’identité sans suite. Il assuma la responsabilité du secrétariat du député communiste du Bas-Rhin, Alfred Daul.
Pendant la guerre, il entra dans la clandestinité, il devint responsable militaire de la région P 3. Il travaillait avec les responsables de trois détachements FTP : Kléber, Carré et Marceau. Marcel Dutet, matricule 3100, participa notamment le 21 mai 1943 vers 23 h 50 à des actes de sabotage aux Chantiers navals franco-belges, quai d’Argenteuil à Villeneuve-la-Garenne (Seine, Hauts-de-Seine). Six FTP armés bâillonnèrent les deux gardiens du chantier, déposèrent des explosifs dans deux vedettes et des produits inflammables dans des magasins de matériel, provoquant d’importants dégâts matériels à des vedettes lance-torpilles destinées aux occupants et un début d’incendie dans les ateliers.
André Prot était dans un réseau de renseignements en Roumanie qui travaillait, selon la police française, au profit de l’Union soviétique ; il fut arrêté. Sur l’un de ses carnets, figurait le nom de Marcel Dutet. Des inspecteurs de la BS2 l’arrêtèrent le 19 juin 1943 à son domicile illégal 18 impasse des Deux-Néthes à Paris (XVIIIe arr.). Des documents concernant son activité furent saisis sur lui, dans son logement les policiers saisirent deux clés d’éclisses servant à déboulonner les rails, un tract dénonçant Jean Hérold, dit Hérold-Paquis, collaborateur chroniqueur à « Radio Paris », une soixantaine d’exemplaires du « Code d’honneur du Franc-tireur et partisan français ». Sa belle-sœur, Simone Dutet, qui recrutait des FTP, fut également interpellée.
Il fut interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, et reconnut qu’il organisait des collectes d’argent et de denrées pour les FTP. Responsable militaire de la région P 3, il réorganisait les détachements.
Incarcéré à Fresnes, livré aux occupants, il comparut le 1er octobre 1943 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour « activité de franc-tireur », il fut passé par les armes le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien et fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Marcel Dutet figure sur la stèle « À la mémoire des victimes du nazisme fusillées au Mont-Valérien le 6 octobre 1943 » au cimetière d’Ivry-sur-Seine. Son nom fut gravé sur le monument aux morts d’Aulnay-sous-Bois et sur la plaque commémorative dans le hall de la mairie dédiée aux « Employés communaux morts pour la France ».
Le ministère des Anciens combattants lui attribua la mention « Mort pour la France », Marcel Dutet a été homologué FFI et Interné résistant.

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Dernières lettres
 
Vendredi 1er octobre 1943
Chers papa et mamans
 
Enfin je peux, vous donner de mes nouvelles je suis en bonne santé et le moral est bon, Ie matin a eu lieu notre jugement. Je suis condamné à la peine capitale avec toute la bande. Nous sommes autorisés à déposer un recours eu grâce.
Je vous confie ma chère femme et ma petite fille. J’ai une grande confiance en ma femme ; que Janine l’écoute comme si c’était moi.
Ne rougissez jamais de moi, j’ai toujours agi selon ma conscience et fait tout mon devoir ; on rien à me reprocher.
Je suis autorisé à recevoir, des visites, mais je ne sais pas les heures. Malheureusement Fanny pourra pas venir, elle doit être partie rejoindre ses
sœurs ? Charlot pourra m’amener Janine.
A bientôt donc votre visite.
Bon courage ! Je vous embrasse tous bien tendrement .
Votre fils Marcel
 
*
Fresnes, lundi 4 octobre 1943’
Cher Charlot,
Chers tous, .
J’espère que vous avez accueilli avec courage ma dernière lettre. Pour ma part, j’ai toujours bon espoir, étant donné que l’on m’a autorisé
à déposer un recours en grâce.
Si cependant je devais-payer de ma vie, que Fanny refasse la sienne. Elle est encore jeune et mérite de trouver le bonheur.
Que Janine continue ses études jusqu’au Brevet (minimum) et qu’elle s’inspire de ma vie comme je me suis inspiré de celle de mon père. Qu’elle suive les conseils de Fanny en qui j’ai toute confiance et admiration. . . . •,.
Ne pleurez pas. Soyez fiers !
On ramasse le courrier.
Bons baisers affectueux à vous tous.
Marcel
 
Mercredi 6 octobre 1943
Ma petite fille chérie,
Excuse ton papa de te quitter si jeune. J’aurais voulu t’aider longtemps encore.., hélas,, la guerre est venue ! ! J’ai fait mon devoir, comme beaucoup.. mais je pars avec sérénité. Je te laisse à Fanny. Aie confiance en elle, elle ne veut que ton bonheur., Entendez-vous bien toutes les deux.
Je n’ai jamais voulu assombrir tes années de jeunesse en te parlant de ta pauvre maman. Ce n’est pas que je ne l’aimais pas, au contraire, c’était seulement pour toi. .
Maintenant, tu es grande ou presque Pense à ton papa qui t’aime, et suis son exemple, si dur que son devoir.
Continue tes études jusqu’au Brevet . Apprend un bon métier. Choisis un compagnon honnête., Sois toujours sincère avec toi-même et les autres.,Ne te laisse jamais envahir par la haine. Fanny te dira le reste.
J’aurais voulu t’embrasser encore une dernière fois, je le fais ici par la pensée
Ton papa Marcel
Vive la France !
 
Mercredi .6 octobre 1943
Chers papa et maman,
Cher Charlot,
Hier nous avons changé de cellule Vous recevrez mes effets ; à ce moment je ne serai plus. Nous avons eu, ce matin, confirmation du jugement. L’exécution doit avoir lieu cet après-midi à quatre heures. Nous mourrons tous héroïquement, sans défaillance.
Pardonnez-moi mes erreurs. Je n’ai jamais agi par méchanceté. Merci pour, tout ce que vous avez fait pour moi.
Je vous embrasse de toutes mes forces
Votre fils et frère,
Marcel
Vive la France !

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145836, notice DUTET Marcel, François [dit Dupuy] par Daniel Grason, version mise en ligne le 29 mars 2013, dernière modification le 3 janvier 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo., BA 1748, BA 1798, BA 2299, PCF Carton 8 militants arrêtés par la police française, Carton 14 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, KB 95, 77W 335. – DAVCC, Caen, Boîte 5 B VIII dossier 4 (Notes Thomas Pouty). – SHD, Caen AC 21 P 178418. – Bureau Résistance GR 16 P 205799. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Lyon (IIe arr.).

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