SIEGLER Thiébaut [SIEGLER Théo dit]

Par Jacques Girault, Léon Strauss, Jacques Ungerer

Né le 19 juin 1923 à Keskastel (Bas-Rhin), mort le 26 mars 2013 à Goersdorf (Bas-Rhin) ; instituteur en Haute-Savoie, puis dans le Bas-Rhin ; résistant en Haute-Savoie ; secrétaire général de la section départementale du SNI, puis du SNI-PEGC du Bas-Rhin de 1951 à 1978, membre du bureau national du SNI de 1953 à 1978, membre de la commission administrative fédérale de la FEN de 1966 à 1978.

Fils d’un ouvrier dans l’usine chimique Solvay, Théo Siegler vécut son enfance à Sarralbe (Moselle). Il entra en 1938 à l’École normale d’instituteurs de Strasbourg (Bas-Rhin) qui recevait les élèves-maîtres protestants des trois départements de l’Académie de Strasbourg, où persistait le statut confessionnel de l’enseignement public. En octobre 1939, à la suite de l’évacuation de Strasbourg, il retrouva cette école transférée à Périgueux (Dordogne). Après la défaite de la France en 1940, comme 22 normaliens de sa promotion sur 32, il refusa le rapatriement en Moselle ou en Alsace germanisées et nazifiées et termina sa scolarité en Périgord. Il fut ensuite nommé instituteur en Haute-Savoie à Evian, puis à Morzine. Il participa à la Résistance et fut blessé. Revenu dans le Bas-Rhin en juillet 1945, il fut nommé à l’école de garçons protestante de Brumath, dont il devint plus tard le directeur. Il y resta durant toute sa carrière après avoir obtenu l’interconfessionnalisation de l’ensemble des écoles primaires de la commune. Inscrit à la Faculté des Lettres de Strasbourg, il obtint trois certificats de la licence d’allemand. Il épousa Marthe Pulfermuller, institutrice : le couple eut trois fils.

Militant du Syndicat national des instituteurs du Bas-Rhin (alors minoritaire face au SGEN-CFTC), il fut désigné comme délégué des jeunes en février 1950 et prit immédiatement position pour une priorité absolue à l’apprentissage du français et contre la réintroduction de l’enseignement de l’allemand à l’école primaire. Le 7 juin 1951, il fut élu au comité départemental du SNI. Dès le 4 octobre 1951, à la suite du départ de Jacques Lienhard, qui désirait se consacrer à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, Théo Siegler fut élu à l’unanimité secrétaire général de la section départementale du SNI, qui comptait alors 1 200 membres. À la fin de l’année, il fut élu, en qualité de suppléant de Frédéric Mathis, au Conseil départemental du Premier Degré. À la fin de 1953, il fut élu au bureau national du SNI, où il demeura jusqu’à son départ à la retraite. En novembre 1958, il fut élu suppléant au Conseil d’enseignement du Premier Degré et en 1961 il fut élu également suppléant à la Commission administrative paritaire centrale. En 1966, il fut élu au Conseil de l’enseignement général et technique et au Conseil supérieur de l’Éducation nationale.

La lutte régionale prioritaire du SNI restait l’opposition au retour au programme régional d’avant-guerre qui prévoyait l’enseignement de l’allemand à partir du cours élémentaire, réclamé par le MRP et le PCF depuis 1946. Siegler fut un des principaux militants de cette lutte avec Jules Senger du Haut-Rhin. Lors de la réunion du conseil national du SNI le 11 octobre 1951, il dénonça la menace de la réintroduction de l’allemand à l’école primaire car le bilinguisme était voulu par la droite et par l’église catholique qui entendaient maintenir le statut scolaire particulier. Lors du congrès du SNI, le 18 juillet, il estima que « confessionnalisme et bilinguisme sont les deux aspects du particularisme » qu’il fallait combattre. Au congrès national de 1952, Siegler rappela que l’avenir des enfants d’Alsace se situait en France. Leur promotion professionnelle supposait la maîtrise du français, ce qui serait gêné par l’apprentissage d’une seconde langue. Lors du congrès national de la FEN (17-19 novembre 1952), il défendit une motion semblable des deux sections alsaciennes, qui fut adoptée à la quasi unanimité par le congrès. Malgré cette opposition, le décret Marie du 19 décembre 1952 créa un enseignement facultatif de la langue allemande dans les deux dernières années de la scolarité obligatoire. Le refus des instituteurs obligea l’administration à recruter de jeunes auxiliaires. En même temps, Siegler appela les adhérents du SNI à demander à profiter des circulaires rectorales qui les autorisaient à demander la dispense de l’enseignement de la religion. Au conseil national du SNI, le 7 décembre 1955, il signala avec soulagement que le PCF, dans sa campagne électorale, ne parlait plus de l’enseignement de l’allemand en Alsace.

En 19e position sur les vingt candidats de la liste « Pour un syndicalisme indépendant et constructif », il fut élu au bureau national le 26 décembre 1953 en douzième position sur les 14 élus. Il en resta membre jusqu’à sa retraite et y joua un rôle très actif, présent pratiquement toutes les semaines à Paris malgré la longueur du voyage. Guy Georges, secrétaire de la section de Haute-Marne de 1964 à 1970, reprenait comme lui le train à la Gare de l’Est : les deux « non permanents » du BN prirent l’habitude de prolonger les discussions syndicales de la journée autour de dîners communs en attendant le départ. En janvier 1956, il fut nommé membre des commissions de l’action laïque, des jeunes, de la propagande, de la culture populaire et des finances. Il fut aussi désigné comme secrétaire de la commission sociale et corporative et responsable des questions d’Alsace et de Lorraine. En décembre 1957, le bureau national le confirma comme secrétaire des commissions laïque et des finances et le désigna responsable de la nouvelle commission d’Alsace et de Lorraine. Lors du congrès national du SNI à Strasbourg, en juillet 1960, il assura la préparation matérielle du congrès et présida la séance inaugurale. À partir de 1961, il signa régulièrement les motions d’orientation « Pour un syndicalisme indépendant, réaliste et constructif ». Il présida pour la première fois la réunion du conseil national le 12 avril 1962. Il conserva longtemps ses différentes responsabilités nationales au SNI. Selon le témoignage d’André Henry, Denis Forestier, puis Pierre Desvalois lui proposèrent de rejoindre à Paris le secrétariat permanent du SNI : il refusa chaque fois pour des raisons familiales, mais surtout parce qu’il entendait donner la priorité au combat contre le statut local. De plus, il fut membre de la commission administrative de la Fédération de l’Éducation nationale de novembre 1952 à 1978. En 1966, il fut élu au conseil de l’enseignement général et technique, au conseil supérieur de l’Éducation nationale et à leurs sections disciplinaires.

À Strasbourg, il prit la parole le 28 février 1956 à une réunion publique du "Comité de Vigilance et d’Action populaire" appuyé par la PCF, la Ligue des Droits de l’Homme et la Fédération des Œuvres laïques. Ce mouvement voulait défendre la République contre les factieux, lutter contre la démoralisation du régime et opposer un barrage au poujadisme. La crise de mai 1958 créa des remous dans la section départementale : la plupart des syndiqués ne firent pas grève le 30 mai, mais cela n’empêcha pas la croissance des effectifs et des suffrages du SNI, dont le congrès national se tint à Strasbourg en 1960 : en 1961, les élections aux Commissions paritaires lui donnèrent pour la première fois la majorité dans le département au moment où Théo Siegler combattait avec acharnement les interventions de l’évêque coadjuteur Elchinger pour la consolidation du statut confessionnel de l’école et animait la campagne laïque contre la loi Debré. En 1967, le SNI emporta tous les sièges du Conseil départemental, alors que les sièges féminins allaient jusque là au SGEN. Sa tendance « Unité Indépendance et Démocratie », était prépondérante : en 1967, la liste UID pour le Bureau national obtint 90,86 % des voix dans le Bas-Rhin. À partir du 21 mai 1968, Théo Siegler, en coordination quotidienne avec le SGEN, dirigea le mouvement gréviste des instituteurs à Strasbourg. Dans les années 1970, le SNI resta largement majoritaire dans le Bas-Rhin (sauf chez les PEGC, dont une large fraction se rallia au Syndicat national des collèges). En 1973, il tenta de s’opposer à l’extension de l’expérience de l’Inspecteur général Holderith d’enseignement de l’allemand dès l’âge de 9 ans, prélude à sa généralisation. Il fit voter par l’assemblée générale départementale du SNI du 5 décembre 1973 une motion demandant aux instituteurs de ne plus remplir la rubrique « religion » ou « confession » figurant sur les formulaires officiels. Ce refus devait être interprété comme la volonté de demander à l’administration de faire abstraction désormais aussi bien de l’étiquette confessionnelle des candidats que de celle attachée aux postes déclarés vacants. En 1974, le décret du 3 septembre et l’arrêté rectoral du 9 septembre lui permit de célébrer la première modification du statut local de l’enseignement du premier degré depuis 1936 : l’une des deux heures de religion devenait optionnelle pour les élèves et était placée en dehors des 26 heures hebdomadaires réglementaires, mais surtout l’obligation d’enseigner la religion disparaissait pour les maîtres. En 1977, la tension avec la tendance « Unité et Action » représentée par Edel grandit, d’autant que Georges Marchais semblait disposé à faire des concessions à la hiérarchie catholique sur la question scolaire, mais 83 % des votants (par correspondance) se prononcèrent pour le rapport départemental du bureau UID. Il évoqua cette situation dans sa dernière intervention dans un congrès national du SNI à Nancy en 1978 : « Comment ne pas s’inquiéter des péripéties du récent pèlerinage de Georges Marchais dans le diocèse de Mgr Elchinger ? Nos camarades de l’Ouest, comme ceux de l’Est, sont réellement fondés à demander des comptes devant les contorsions inutiles destinées à repêcher quelques poissons rouges dans un bénitier… ».

Théo Siegler quitta ses fonctions syndicales et André Kopp fut élu au secrétariat général départemental du SNI-PEGC le 21 juin 1978. Après son départ à la retraite, à la demande de Guy Georges, Siegler suivit un certain temps les problèmes des mutuelles d’assurances, membres du Comité de coordination des œuvres mutuelles et coopératives de l’Éducation nationale. Il présida la Fédération Générale des Retraités du Bas-Rhin et représenta la FEN au Conseil économique et social d’Alsace jusqu’en 1990. Il fonda en 1981 le comité départemental du Bas-Rhin de la Jeunesse au plein air qu’il présida jusqu’en 1993. « Intransigeant défenseur de la laïcité », comme le caractérisa André Henry lors de son départ de la CA de la FEN, il avait fait donner à la rue où il habitait à Brumath, le nom de Jean Macé.

En 1995, Théo Siegler témoigna sur les luttes laïques en Alsace dans le cadre du séminaire sur l’histoire du syndicalisme enseignant organisé par le centre fédéral de la FEN et l’Université de Paris I.

Il restait cependant attaché à sa religion protestante et eut des obsèques religieuses.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145890, notice SIEGLER Thiébaut [SIEGLER Théo dit] par Jacques Girault, Léon Strauss, Jacques Ungerer, version mise en ligne le 4 avril 2013, dernière modification le 25 mars 2021.

Par Jacques Girault, Léon Strauss, Jacques Ungerer

SOURCES : Arch. Dép. Bas-Rhin, 544 D11. — Presse syndicale nationale. — Bulletin départemental du SNI (puis SNI-PEGC) du Bas-Rhin, 1945-1978. — François Igersheim , Les Carrefours des Tilleuls. Jeune Alsace Résistante, Strasbourg 2008, p 19, n. 22. — Françoise Ollivier-Utard (dir.), Instits, profs et syndicats en Alsace, 1918-2000, Strasbourg, 2008. — Jean-Marie Gillig, Bilinguisme et religion à l’école. La question scolaire en Alsace de 1918 à nos jours, Strasbourg, 2012 — Dernières Nouvelles d’Alsace, 31 mars 2013. — Luc Bentz, Théo Siegler, « Intransigeant défenseur de la laïcité au cœur du pays d’Alsace », Centre Henri Aigueperse, UNSA Éducation, 29 mars 2013. — Note de Françoise Olivier-Utard.

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