GERMA Lucien [Pseudonyme de résistant : Robert]

Par Marc Giovaninetti

Né le 11 août 1921 à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), mort le 19 mars 1976 à Créteil (Val-de-Marne) ; typographe ; militant communiste ; résistant des Jeunesses communistes, déporté à Mauthausen ; secrétaire de la fédération UJRF de la Seine, membre du bureau national de l’UJRF ; gérant de l’Avant-Garde, administrateur de Regards, directeur des ventes de l’Humanité.

Aîné des fils, troisième des cinq enfants de Pierre Germa, ouvrier horticulteur (lui-même né à Vitry en 1886), et de Blanche née Petitmangin, ouvrière blanchisseuse, Lucien Germa, comme après lui ses cadets Daniel puis Michel s’engagea de bonne heure dans l’action militante aux Jeunesses communistes. Le père, gazé durant la guerre, mourut en 1933, et ses enfants devinrent pupilles de la nation, bénéficiant aussi de l’encadrement social de la municipalité de Vitry, communiste depuis 1925, tandis que leur mère occupait un emploi communal aux bains-douches. La famille habitait un modeste pavillon au 7 voie Broca, non loin du fort d’Ivry.

Une fois titulaire du CEP, Lucien Germa apprit le métier d’ouvrier typographe dans un atelier d’imprimerie à Vitry. Il était déjà avant la guerre un des animateurs des Jeunesses communistes à Vitry, auxquelles il avait adhéré vers l’âge de quinze ans. Avec l’Occupation, il participa à plusieurs actions clandestines de propagande des JC dans sa ville. Il fut arrêté une première fois le 4 septembre 1940 après qu’une perquisition eut découvert des tracts à son domicile. Détenu pendant quatre mois à la prison militaire du Cherche-Midi à Paris, condamné à une forte amende, il fut relâché le 8 janvier 1941 grâce à une souscription des habitants de son quartier. Il reprit au sein du groupe de Raymond Jeannot son activité clandestine, qui se durcit après l’invasion de l’URSS par l’armée hitlérienne.

À l’été 1941, Albert Ouzoulias le cite parmi les responsables de la direction de l’interrégion parisienne des JC, avec Jean Compagnon, René Despouy, Maurice Berlemont et quelques autres (les deux premiers furent fusillés). Il était alors désigné sous le pseudonyme de Robert. Il s’occupait notamment de recruter des militants sûrs pour les premiers « bataillons de la jeunesse » qui se constituaient, et d’installer des imprimeries clandestines, rue des Tournelles ou rue de Turenne, où étaient publiés l’Avant-Garde clandestine et les tracts de propagande des JC. Il participa aussi au sabotage de l’usine des « isolants » de Vitry. Son frère Daniel Germa fut arrêté à la première manifestation organisée par les JC le 14 juillet 1941 place de la République. Il fut déporté à Auschwitz où il mourut entre décembre 1942 et mars 1943. Lucien était l’un des principaux organisateurs et cadres de cette manifestation, puis de celles qui allaient suivre au cours de l’été, sur les marchés des communes de banlieue de son ressort, Ivry, Vitry, Choisy, et à Paris même, notamment celle du 13 août sur les Grands boulevards qui tourna mal et à l’issue de laquelle deux militants furent fusillés. Activement recherché, Lucien Germa fut arrêté le 27 août par la police française, porteur d’un stencil destiné à un prochain tirage de tracts, en compagnie de deux camarades, André Collin et Louis Proudhon, à un rendez-vous qui avait été révélé par l’arrestation précédente d’un autre militant.

D’abord interné à la Santé, puis à Fresnes, torturé, il fut jugé le 21 novembre avec cinq autres accusés. L’un fut acquitté, mais les quatre autres lourdement condamnés pour « propagation de mots d’ordre de la IIIe Internationale », à des peines de travaux forcés allant de trois à quinze ans. Pour Lucien Germa, ce fut dix ans. Incarcéré à Fontevrault, puis dans la nouvelle prison de Blois en octobre 1943, il fut déplacé à Compiègne en février 1944, comme nombre d’autres détenus communistes, et déporté en Allemagne sous le label « nuit et brouillard » dans un convoi à destination du camp de Neue-Bremme près de Sarrebruck ; de là, à Mauthausen en Autriche, où il arriva le 26 mars 1944. Il y côtoya de nombreux autres militants communistes éminents et expérimentés, et clandestinement organisés à l’intérieur du camp. Affecté au « kommando extérieur » du camp de Linz III en mai, il survécut à de très durs sévices, sur lesquels il ne s’exprimait jamais après la guerre, mais dont il garda d’importantes séquelles. Ses mains, notamment, restèrent déformées après avoir été piétinées dans la neige par des bottes allemandes. Libéré un an plus tard, le 5 mai 1945, il fut rapatrié le 20 de ce mois.

Rentré à Vitry, il y reprit son activité militante au sein des Jeunesses communistes qui se transformaient en Union des Jeunesses républicaines de France au congrès de Pâques 1945. D’abord responsable local et fédéral pour la Seine-Sud, il intégra la direction de la nouvelle fédération de la Seine des JC, créée en 1946, en tant que secrétaire administratif. Il y militait notamment aux côtés de Paul Laurent et Louis Baillot. À partir du 2e congrès de l’UJRF, en mai 1948 à Lyon, il fut promu à des responsabilités nationales, d’abord comme membre de la commission nationale financière, puis au comité national au 3e congrès en décembre 1950 à Gennevilliers, enfin parmi les vingt-six membres d’un bureau national pléthorique au 4e congrès en mai 1953 à Montreuil, quand Guy Ducoloné prit la tête de l’organisation. Aux élections municipales qui suivirent la Libération, il fut également élu au conseil municipal de sa commune, sur la liste de Lucien Français qui allait rester maire jusqu’en 1957.

En septembre 1945, Lucien Germa épousa une active militante communiste vitriote d’origine espagnole, Maria de Los Angelos Matéos, plus communément appelée Ginette Matéos, avec qui il avait milité dans la clandestinité en 1940-1941, et qui avait comme lui subi la déportation en Allemagne. Le couple eut un fils, Daniel, né en 1947. Son passé de résistant valut à Lucien Germa la reconnaissance de « déporté politique » et de « combattant volontaire de la Résistance ». Il fut aussi parmi les fondateurs de l’ANACR, de la FNDIRP, et de l’Amicale des anciens déportés de Mauthausen.

Compte tenu de sa formation initiale, Lucien Germa ne tarda pas à se spécialiser dans la gestion de la presse communiste, et d’abord de l’Avant-Garde, le journal des JC, puis de l’UJRF (qui reprit son appellation communiste en 1956). Il en fut l’administrateur pendant plusieurs années, au début des années 1950. Mais sa santé précaire, consécutivement à ses années d’internement et de déportation, l’obligeait occasionnellement à passer la main à son second, Maurice Lubczanski. En 1955, âgé de trente-trois ans, il ne renouvela pas ses fonctions dans l’organisation de jeunesse.

Il devint alors directeur administratif du mensuel Regards, une revue communiste qui siégeait au 5 faubourg Poissonnière et présentait essentiellement des reportages à base de photographies. Regards cessa de paraître à la fin de l’année 1960. Lucien Germa s’attacha alors à l’équipe qui éditait l’organe central du PCF, l’Humanité, en tant que directeur des ventes.

En 1959, après avoir divorcé, Lucien Germa s’était remarié avec Rolande Sirot, une militante originaire de Bagnolet, qui travaillait à Paris pour une mutualité agricole. Le ménage se fixa alors à Ivry. Un fils, Pierre, était né avant la légitimation de leur union, et le couple eut encore une fille, Corinne, née en 1960. À Ivry, Lucien Germa fut un des principaux animateurs de la cellule Suzanne Martorell (une des victimes de la manifestation de Charonne en février 1962).

Plusieurs mois avant sa disparition prématurée, déjà rongé par la maladie, Lucien Germa quittait le journal entouré de la considération générale, pour rejoindre le secrétariat de Georges Gosnat, le trésorier de son parti. Il fut alors affecté à la gestion de l’imprimerie Selis, implantée dans la ville à municipalité communiste de Dammarie-lès-Lys en Seine-et-Marne, qui éditait plusieurs hebdomadaires du Parti communiste. Il s’y rendait quotidiennement en voiture. Lucien Germa mourut à l’âge de cinquante-cinq ans, toujours affecté par les sévices subis pendant la guerre, mais emporté par un cancer. Bien qu’il présentât l’aspect d’un homme bien constitué, il était titulaire d’une carte de GIG (grand invalide de guerre), atteint notamment d’une sclérose pulmonaire (qui provoqua un début de tuberculose) et de polyarthralgie, du dos particulièrement. L’origine de ces maux lui valut la reconnaissance de « mort pour la France » par le secrétariat d’État aux Anciens combattants.

Le journal auquel il avait longtemps travaillé lui consacra un hommage ému en publiant sa photo à sa Une. Ses obsèques à Ivry rassemblèrent de nombreux militants, parmi lesquels les membres du bureau politique responsables de l’organe communiste, Roland Leroy et Étienne Fajon, et le trésorier du parti Georges Gosnat, député de la circonscription. Parmi les éloges funèbres, celui du secrétaire départemental Maurice Zellner salua particulièrement son courage, sa modestie et sa fermeté militante et professionnelle. Son nom fut gravé parmi une centaine d’autres sur le pilier gauche de la porte de la prison du Cherche-Midi, remontée en guise de monument commémoratif à Créteil. Michel Germa, son plus jeune frère, poursuivit pendant de longues années une carrière politique au sein du même parti, qui le mena à présider le conseil général du Val-de-Marne de 1976 à 2001.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article145959, notice GERMA Lucien [Pseudonyme de résistant : Robert] par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 9 avril 2013, dernière modification le 17 décembre 2016.

Par Marc Giovaninetti

SOURCES : Archives du PCF, fonds Raymond Guyot. ― Archives privées de la famille Germa. ― L’Avant-Garde, n° 189, 12 mai 1948, n° 323, 3 janvier 1951, n° 443, 27 mai 1953, n° 465, 25 novembre 1953. ― L’Humanité, 20 mars 1976, « Lucien Germa, notre camarade » ; 10 mai 2007 (article nécrologique de Louis Baillot). ― Le Travailleur, hebdomadaire de la fédération du Val-de-Marne du PCF, mars 1976. ― Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la Jeunesse. Les jeunes dans la Résistance, Éd. sociales, 1969. ― Brochure La Résistance à Vitry, Mairie de Vitry, 1992. ― Site internet du Mémorial de la prison du Cherche-Midi à Créteil. ― Site internet de Monument-Mauthausen. ― Témoignages de Maurice Lubczanski (2004), René Roy (2012). ― Entretien avec Corinne Germa (2013). ― État civil de Vitry-sur-Seine.

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