PARSUIRE Dominique, Isidore, Jean. Pseudonymes de clandestinité : « Prades », « Gandhi » ; pseudonyme littéraire : « Joan D.I. »

Par André Balent

Né le 2 février 1903 à Fillols (Pyrénées-Orientales), mort le 25 mai 1981 à Montpellier (Hérault) ; instituteur dans les Pyrénées-Orientales ; militant socialiste, conseiller d’arrondissement du canton de Vinça élu le 10 octobre 1937 ; syndicaliste, militant de l’ « École moderne » ; franc-maçon ; résistant, cadre départemental de Libération-Sud, des MUR et des FFI ; artiste ; écrivain de langue française et catalane.

Perpignan, 17 décembre 1944, inauguration de la place Gabriel Péri. Des officiers FFI : de gauche à droite : André Tourné*, Joseph Balouet, Georges Delcamp*, Dominique Parsuire, Dominique Cayrol*.
Perpignan, 17 décembre 1944, inauguration de la place Gabriel Péri. Des officiers FFI : de gauche à droite : André Tourné*, Joseph Balouet, Georges Delcamp*, Dominique Parsuire, Dominique Cayrol*.
(photo Chauvin, col. André Balent).

Dominique Parsuire était le fils de Jean Parsuire, mineur de fer, et de Catherine Monceu, son épouse âgés respectivement, à sa naissance, de vingt-six et vingt ans. Initialement le patronyme était orthographié « Poursuire », mais, par décision du tribunal civil de Prades (Pyrénées-Orientales), il fut désormais transcrit « Parsuire », cette nouvelle orthographe devant être portée sur les registres de l’état civil. Dès 1923, elle figurait sur le registre matricule établi par l’administration militaire.

Il entra à l’école normale de Perpignan le 1er octobre 1920. Ce fut dans ce cadre qu’il noua des liens avec des personnes dont il fut très proche, Louis Torcatis*, en tout premier lieu. Trois élèves de sa promotion à l’école normale de Perpignan, Louis Torcatis, Antonin Pagès* et Marcel Mayneris* — qui, quoique plus âgé, fut élève maître au même moment car il avait été mobilisé en 1918-1919 — devinrent ses amis proches. L’amour de la musique — Parsuire pratiquait le piano — rassembla encore davantage Parsuire, Torcatis et Mayneris. François Roig* fut aussi de la même promotion. Plus tard, Parsuire devint l’ami proche d’un instituteur plus jeune que lui, François Montagut*.

Incorporé à Montpellier (Hérault) au 81e RI le 13 novembre 1923, Parsuire entra à l’école d’élèves officiers de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) le 26 novembre 1923, en même temps que son ami de l’école normale, Torcatis. Le 24 mai 1924, il fut nommé, ainsi que Torcatis, sous-lieutenant de réserve. Il fut affecté à Marseillle (Bouches-du-Rhône) au 12e RTS. Il fut rendu à la vie civile le 7 novembre. Il fut promu lieutenant de réserve le 21 novembre 1927.

Il se maria le 15 juillet 1925 à Llupia (Pyrénées-Orientales) avec Juliette, Marie, Victorine Brial, institutrice originaire de cette commune des Basses Aspres. Le couple eut deux filles : Line, épouse Montoussé vécut à Castelnau-le-Lez (Hérault) fut initiée à la franc-maçonnerie ; Ginette, épouse du docteur Bouchy, gastro-entérologue, fut professeur d’éducation physique et sportive et vécut à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales).
De retour du service militaire, il résida d’abord à Thuir, puis à Ponteilla et, à partir de septembre 1938, à Perpignan.

Instituteur à Ponteilla, il fut nommé en octobre 1938 à l’école des Haras à Perpignan. Mobilisé le 2 septembre 1939, il intégra le 54e RIC à Hyères (Var) deux jours plus tard. Le 31 janvier 1940, la commission de réforme de Toulon prononça son maintien en activité à la suite d’un examen cardiaque. Sa fiche du registre matricule n’indique pas la date de sa démobilisation.
Le 1er novembre 1940, il fut muté d’office à Céret (Pyrénées-Orientales). Le 1er mars 1942, D. J. Parsuire fut déclaré comme démissionnaire d’office de son poste de directeur d’école pour « menées antinationales ». Était-ce pour son appartenance à la franc-maçonnerie ou était-il déjà soupçonné d’activités résistantes ? Il réintégra l’enseignement public en 1945 après un bref passage à l’Armée. Il termina sa carrière dans l’enseignement spécial : il fut le directeur d’un centre d’enseignement de Perpignan destiné aux handicapés mentaux, l’école du docteur Simon.

Franc-maçon, Parsuire appartint à la loge perpignanaise Saint-Jean des Arts de la Régularité (Grande loge de France). Le directeur de l’école primaire supérieure de Perpignan l’aurait initié dès 1928. Nous ignorons si, comme beaucoup de maçons de gauche ayant appartenu à cette loge, il adhéra, après 1945 au Grand Orient de France (Voir Lloansi Cyprien, Olibo Jean).

Parsuire, homme de gauche et esprit critique, partageait avec quelques-uns des normaliens de sa génération une profonde détestation des régimes fascistes. Son pacifisme nourri des souvenirs douloureux de la Grande Guerre, s’il l’amena à se ranger parmi les « Munichois », ne le conduisit pas, comme certains, à adhérer, en 1940, aux idées de collaboration. Il retrouva dans la Résistance des amis —dont quelques uns comme Torcatis alors militant du PC avec qui il maintint toujours un débat amical — qui avaient pris à l’automne 1938 des positions résolument hostiles à l’expansionnisme hitlérien.

Dominique Parsuire adhérait dès 1931 à la section de Thuir de la SFIO pour laquelle il tint pendant quelque temps une chronique dans Le Cri Catalan et dont il fut le délégué au congrès fédéral du 29 octobre 1933. Dans le même temps, il participait à la vie des cercles pradéens (Voir Boix Michel, Fabre Marius) « d’Avant-garde » proposant l’unité d’action entre socialistes et communistes. Il devint l’un des rédacteurs de L’Avant-Garde dès son n° 3 (février 1932).
Après les événements de février 1934 qui renforcèrent sa conviction qu’il fallait développer l’unité d’action avec le PC, il participa aux activités du mouvement Amsterdam-Pleyel, animant ainsi, le 29 avril 1934, avec les communistes François Marty* et André Gendre* une réunion de ce mouvement à Thuir.
Il devint bientôt l’un des dirigeants les plus en vue de la SFIO des Pyrénées-Orientales, intervenant dans les débats et occupant divers postes de responsabilité. Dominique Parsuire fut réélu à la CAF par le congrès fédéral de la SFIO du 2 juin 1935 où il réaffirma ses convictions laïques et où il défendit la nécessité d’une réforme électorale avec une représentation proportionnelle intégrale et l’égalité des droits politiques pour les femmes. À celui du 8 septembre 1935, il se présenta sur la liste de la Bataille socialiste, tendance à laquelle il adhéra un temps (et par intermittence, selon les questions soumises à la discussion) mais dont il se détacha définitivement en 1938 car il désapprouvait alors ses « penchants bellicistes ». Il fut secrétaire de la commission fédérale des conflits qui exclut le député Joseph Rous* de la SFIO et suspendit Jean Canal* de ses délégations. Secrétaire de la section de Ponteilla fondée dans la dynamique du Front populaire, il fut son délégué au congrès fédéral du 26 janvier 1936 dont il assura le secrétariat. Prenant position dans le conflit qui opposait le « dissident » Joseph Rous, député sortant de Prades, il présenta un vœu —renvoyé à la CAF— de la section de Ponteilla demandant que Rous se retirât au profit de Paul Faure, secrétaire national de la SFIO afin de barrer la route au candidat de la droite, René-Victor Manaut (1891-1992), sous-secrétaire d’État à l’Intérieur (1929-1930) et député de 1919 à 1932. Au congrès fédéral du 24 mai 1936, il fut réélu à la CAF sur la base du texte de Thuir inspiré par Louis Noguères*. Mettant à profit les vacances d’été de 1936, il se rendit en Catalogne peu après le déclenchement de la guerre civile espagnole ce qui lui permit d’expliquer dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 29 octobre 1936 le fonctionnement du comité des milices antifascistes de Catalogne. Devant le conseil fédéral du 7 février 1937, il se fit le porte parole, avec Marcel Mayneris*, du texte issu de la réunion, au Boulou, des sections socialistes de la circonscription de Céret opposé à celui de la Gauche révolutionnaire défendu par Isidore Forgas* et Jean Jacquier* présent à Perpignan. Mettant à profit ses réflexions d’animateur de l’École moderne, mouvement ouvert à l’utilisation des nouvelles techniques audiovisuelles, il proposa lors de la séance du 25 février 1937 que « l’organisation de la propagande par le cinéma » fût à l’ordre du jouir du prochain congrès fédéral. La CAF de la SFIO le désigna (28 février 1938) pour remplir les fonctions de bibliothécaire archiviste de la fédération et de l’Union des techniciens socialistes. En juin 1937, il exerçait les fonctions de secrétaire fédéral adjoint administratif de la SFIO. Lors du congrès fédéral du 4 juillet 1937, il défendit le principe de la nécessité de la suppression du Sénat et de nationalisations à réaliser « d’urgence ». Sur le « problème espagnol », en fait la non intervention dans Guerre civile espagnole, il fit adopter une résolution que Jean Zyromski défendit devant le congrès national de Marseille. D’ailleurs, Parsuire soutint la motion d’orientation proposée à ce congrès par la Bataille socialiste (elle fut majoritaire à Perpignan devant celles proposées par la Gauche révolutionnaire et par Léon Blum et Paul Faure. Parsuire fut l’un des délégués des Pyrénées-Orientales à Marseille).
Dominique Parsuire fut, avec Lucien Doste*, le candidat de la SFIO dans le canton de Vinça aux élections pour le renouvellement partiel des conseils d’arrondissement. Il fallait remplacer Gipulo*, maire de Vinça, conseiller sortant qui ne voulait pas se représenter. Bien qu’étant originaire d’un village proche de Vinça, mais du canton de Prades, Parsuire, volontiers « anti-électoraliste » n’accepta de présenter que parce qu’il avait, selon Marcel Mayneris, l’assurance d’être battu. Mais il fut élu conseiller d’arrondissement de Vinça. Dès le premier tour (10 septembre) avec 589 voix (539 à son colistier socialiste Doste), il devança les communistes Gendre et Fitte, les radicaux socialistes Illes et Gallia et les candidats d’extrême droite, Cabanat et Casanobe. Au second tour, opposé à l’extrême droite, il fut élu avec 1229 voix (1286 à Doste). Ce fut le seul mandat politique que Parsuire exerça.
Au congrès fédéral du 29 mai 1938, il intervint à nouveau, cette fois sur le problème de la dissolution de la fédération de la Seine (à majorité GR), exigeant des compléments d’information et demandant pour les militants de cette tendance la possibilité de se défendre. Il fut à nouveau réélu à la CAF. L’éventualité de la participation de la France à une guerre le préoccupait et l’amenait à se prendre ses distances avec la Bataille socialiste : dans une tribune libre du Socialiste des Pyrénées-Orientales, il affirma avec force ses convictions pacifistes et son hostilité aux perspectives d’une union nationale.
Il affirma avec conviction ses choix munichois à la conférence fédérale de la SFIO (27 novembre 1938) consacrée au « Problème de la Paix ». « Pas de bellicisme dans le parti socialiste, s’écria-t-il, ajoutant que « une propagande intense en faveur de la Paix » était indispensable. "La guerre est d’essence capitaliste, détruisons d’abord le capitalisme ! ». Il réclamait, à la suite de Munich, « une conférence internationale » qui, seule, « pourrait résoudre les problèmes économiques, ethniques et territoriaux en suspens ». Lors de la préparation du congrès fédéral extraordinaire du 11 décembre 1938 qui suivit, il publia une tribune libre dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 9 décembre, intitulée « Contre la guerre » dans laquelle il exprimait avec emphase son pacifisme qui, lors de la réunion de la section de Perpignan, l’amena à voter (ainsi que Pascal Bernole*) pour la motion présentée par Maurice Deixonne* et Ludovic Zoretti* au congrès national de Montrouge. Lors de ce congrès fédéral, il réaffirma des convictions pacifistes et révolutionnaires finalement assez proches de l’ancienne GR devenue PSOP. Mais il vota pour Zoretti, munichois et futur collaborationniste, dont le texte rassembla 11 mandats contre 102 à la motion de Blum et 129 à celle de Paul Faure, elle aussi munichoise. Notons qu’en 1938, officier de réserve, il fit une période militaire à Castres (Tarn) avec Torcatis qui ne partageait pas les mêmes opinions sur l’attitude à adopter à l’égard d’Hitler.
An congrès fédéral du 21 mai 1939, il fut réélu comme titulaire à la CAF au titre de l’Union des techniciens socialistes. Toujours résolument pacifiste, il défendit dans les colonnes du Socialiste le pacifisme de la majorité du SNI, son syndicat.
Avant la Seconde Guerre mondiale, Parsuire fut aussi l’un des animateurs de la Jeunesse socialiste. Il composa l’hymne (en catalan) des JS départementales, En davant ! Cançó de la Joventut socialista catalana ou Cançó de la Joventut socialista del Rosselló, dont le refrain était : « En davant ! Visca la Revolució ! » (« En avant ! Vive la Révolution ! » ) qu’il lança à Ponteilla en 1938. Le 2 octobre 1938, il fut élu (avec Aimé Fabre* et Joseph Pons) à la commission de contrôle des JS des Pyrénées-Orientales. Il était également membre adulte du comité fédéral mixte des JS avec Marianne Rauze-Comignan*, François Ramonet, Aimé Fabre, Damien Fabre et Pascal Bernole*. En 1939, au moment de la Retirada, il hébergea momentanément des membres du gouvernement républicain espagnol.

Avant 1939, Parsuire fut un militant du syndicalisme enseignant et des mouvements éducatifs parascolaires. Après sa sortie de l’école normale, il milita avec Louis Torcatis*, Marcel Mayneris*, Robert Bazerbe*, Antonin Pagès* dans le groupe des jeunes de la Fédération unitaire de l’Enseignement animé par Michel Noé*. Adhérent de la Fédération unitaire de l’Enseignement, Parsuire soutint la majorité fédérale. Par la suite, au SNI, il soutint l’École Émancipée.
Il adhéra au groupe départemental de l’École moderne dont il devint, avec Pagès*, Torcatis* et François Montagut*, l’un des animateurs les plus assidus. Parsuire se rendit à Vence afin de rencontrer Freinet. Avec Torcatis, il publia un Recueil de chansons pour l’École gaie et réalisa plusieurs disques de chansons édités par la coopérative de l’enseignement laïque (CEL) dont Antonin Pagès fit la promotion dans L‘Éducateur prolétarien, organe de presse de la CEL.
Il était aussi correspondant du comité départemental de « Vacances pour tous, association mutuelle de tourisme populaire » créée par le SNI qu’il présenta dans un article de L’Action syndicale, le mensuel de la Bourse du Travail de Perpignan et syndicats confédérés des Pyrénées-Orientales.

Avant 1940, Parsuire, abonné à la revue catalaniste Nostra Terra, adhéra au mouvement du même nom (Voir Bassède Louis, Grau Roger) sans y militer activement.

Nous ignorons quand Parsuire entra en Résistance. Il était proche de deux socialistes qui impulsèrent la création de Libération-Sud. Il connaissait bien Jean Olibo* qu’il côtoyait dans la même loge maçonnique perpignanaise. D’autre part, il était un des familiers de Mayneris depuis l’école normale. Aussi Parsuire adhéra-t-il au mouvement Libération-Sud, constitué formellement dans les Pyrénées-Orientales le 20 février 1942.
Parallèlement il collaborait au fonctionnement de filières de passages clandestins vers l’Espagne où il avait des contacts. En effet, muté à Céret, près de la frontière, il revenait deux fois par semaine à Perpignan. Son appartement abritait occasionnellement des candidats au franchissement de la frontière (des aviateurs de la RAF en particulier). Après sa révocation, il trouva un emploi au Comptoir forestier, ce qui lui permit d’aller souvent en Vallespir : depuis Céret, il participa au fonctionnement de filières par Las Illas et le roc de Fraussa, sans doute dans le cadre du réseau Brutus où se retrouvaient beaucoup de socialistes ou sympathisants actifs par ailleurs dans les mouvements Combat ou Libération. Peu après sa révocation de l’enseignement public, le 1e mars 1942, « pour activités syndicales et menées antinationales », il rendit fréquemment visite, à Passa, à son ami Torcatis qu’il convainquit d’adhérer à Libération. Ils collaborèrent alors étroitement dans le cadre du mouvement. Sachant qu’il faisait l’objet d’une surveillance policière, Parsuire évita désormais de passer la nuit chez lui, préférant être hébergé par des amis.
La mise en résidence surveillée du premier chef du mouvement, Jean Olibo, le 14 juillet 1942, provoqua une première restructuration du mouvement au plan départemental sous la responsabilité de Joseph Rous [de Puyvalador]*. Parsuire entra au comité directeur en même temps que Brice Bonnery*, Pierre Tixador, Marcel Bruzy, Michel Guisset, Fernand Baixas, Louis Torcatis, et Marcel Mayneris. Dès le printemps 1942, Parsuire et Torcatis jetèrent les bases de l’organisation de la branche militaire du mouvement, Para. En septembre Parsuire était l’adjoint de Torcatis, chef départemental de Para. La constitution des MUR dans les Pyrénées-Orientales, le 15 février 1943, s’accompagna, en avril, de la structuration de sa branche armée, l’AS. Torcatis en devint le chef. Parsuire figurait dans l’état-major initial parmi ses adjoints. Il était coresponsable du 1e bureau (effectifs, recrutement, fonds) avec le colonel de Bussy. Il étudia la possibilité de coups de main et de sabotages contre les forces allemandes et de mettre en place des maquis ou « réduits » et un ambitieux plan de mobilisation de quelques supposés 3000 membres ou sympathisants de l’AS : on ne sait pas sur quoi reposait cette évaluation très optimiste de ces effectifs faite après la Libération et de leur possibilité d’armement. Tout au plus assura-t-il l’armement de certains éléments de Perpignan et des environs. Mais les MUR furent quasiment démantelés. La plupart de ses dirigeants des Pyrénées-Orientales furent arrêtés le 23 mai 1943 décapitant l’organisation. Parsuire fut arrêté par la Siecherheitspolizei en même temps que de Bussy. Ils furent internés le 23 mai 1943 , d’abord à la citadelle de Perpignan puis à Montpellier (Hérault) à la prison militaire allemande. À Perpignan, le bruit avait couru qu’il était détenu à la Santé. Passé dans la clandestinité et de passage à Paris, Torcatis avait même sifflé La Chanson des Marteaux sous les murs de la prison. Faute de preuves, Parsuire fut libéré le 8 septembre et plongea dans la clandestinité. De fait, en l’absence de preuves, il fut libéré le 7 septembre 1943. De retour dans les Pyrénées-Orientales, Parsuire participa à la restructuration des MUR et, surtout, de l’AS. Il constitua un groupe franc des MUR dans le canton de Thuir qui ne semble pas avoir eu d’activité. À nouveau arrêté par la police allemande le 6 avril 1944, il fut à nouveau détenu à la citadelle de Perpignan. Le 2 mai, il fut à nouveau libéré, faute de preuves matérielles de son activité résistante. Un attestation co-signée par Joseph Rous [de Puyvalador]* et Joseph Balouet signale que les tortures qu’il subit pendant l’un de ces internements endommagèrent sa dentition. Les 19 et 20 août 1944, il participa aux combats de la Libération de Perpignan.
Il fut, au lendemain de la Libération, membre de l’état-major des FFI des Pyrénées-Orientales, créées seulement le 31 juillet 1944). Il apparaît à ce titre, avec le grade de capitaine, dans de nombreuses photographies prises dans les semaines qui suivirent la Libération du département. Sous l’autorité de Dominique Cayrol* ancien chef départemental de l’AS, cet état major rassemblait aussi un commandant, l’instituteur Joseph Balouet et deux autres capitaines, Jean Couret*, des FTPF et Jean Delpont*, de l’AS. Les éléments de sa fiche du registre matricule postérieure à 1939 ont été presque tous effacés. Dans la rubrique « Détail des services et mutations diverses », on ne lit que très difficilement les mots suivants « ...commandant FFI (voir dossier individuel) ». Une bonne partie de la colonne « corps d’affectation » a été aussi effacée. Ne reste que la mention « officier » (au crayon) dans la rubrique « armée territoriale de réserve ». Un attestation d’un autre officier FFI issu de l’AS, Joseph Balouet, devenu chef de bataillon au 24e RIC reconstitué signalait que, le 6 février 1945, Parsuire devenu chef de bataillon des FFI assurait à cette date les fonctions de chef départemental des "bataillons régionaux" (effectifs de FFI présents dans le département pour assurer la surveillance des frontières espagnole et andorrane).

Après la Libération, Parsuire s’occupa personnellement des fils de Louis Torcatis, assassiné à Carmaux le 18 mai 1944 par les hommes de l’intendant de police Pierre Marty.
Il milita à nouveau dans les rangs de la SFIO dont il se détacha progressivement à partir de la seconde moitié des années 1950. Il demeura proche de Louis Noguères en 1945, lors de la première crise qui secoua la SFIO locale lors des élections municipales d’avril 1945 puis, à nouveau, en 1950 lorsque Arthur Conte* et Louis Noguères s’opposèrent.
Au congrès fédéral de la SFIO du 8 décembre 1947, il devint responsable de la rédaction du Cri socialiste, l’hebdomadaire départemental du parti. Il en fut quelque temps le rédacteur en chef. En 1946, Parsuire participa à la tentative impulsée par la SFIO, de lancer un nouveau quotidien à Perpignan, Le Cri du soir. Le 1er juillet 1946, il fut avec le député Louis Noguères* le fondateur d’une SA coopérative destinée à gérer le nouvel organe de presse et en rédigea les statuts. Mais Le Cri du soir ne prospéra pas et ne parut que du mois d’avril 1946 au mois de mai 1948.
Membre du bureau fédéral de la SFIO, il fut candidat dans le canton de Saint-Laurent-de-la-Salanque lors du renouvellement de la moitié des conseils généraux du 20 mars 1949. Éliminé au premier tour, il obtint 273 voix (Roger Torreilles*, PCF, 1307 ; Joseph Artès, radical-socialiste, maire de Torreilles, 1038 ; Laurent Vidal-Barragué*, républicain socialiste, ex-SFIO, président de la CGA, 574 ; Ferdinand Grézaud, journaliste, RPF, 317). Au deuxième tour, un nouveau candidat, Victor Dalbiez*, également radical, ancien député et ministre, ancien maire de Perpignan qui afficha l’étiquette de radicale fut— contre Artès qui le battit— le candidat d’une gauche qui pourfendait l’anticommunisme et prenait la défense de l’URSS. Parmi ses interventions publiques les plus remarquées, on remarqua son article du Cri Catalan — qui succéda au Cri socialiste le 22 juillet 1950 – du 16 septembre 1950 où il intervenait dans la violente campagne menée par Louis Noguères contre la reparution de L’Indépendant sous l’égide de ses propriétaires évincés en août 1944 et qui leur avait été restitué par une décision de justice. Elle visait aussi un autre socialiste, Arthur Conte, rallié à l’entreprise de reparution de L’Indépendant. Il revenait sur la « trahison » présumée de l’épouse du Jeanne Brousse, née Suzanne alias « la Marquise », femme de Georges Brousse, ancien directeur du journal arrêté en mars 1944 et mort en 1945 en déportation en Allemagne.

Le goût de Parsuire pour la musique a été évoqué plus haut. Mais il s’essaya aussi à de nombreuses disciplines artistiques : peinture, sculpture, écriture.
En 1947, il exposa à Perpignan ses aquarelles. La revue littéraire et culturelle perpignanaise Tramontane, relevait en 1947, parmi les oeuvres exposées des « paysages de chez nous avec de la fraîcheur, de l’originalité et du modernisme parfois. De même des nus féminins ». Dans la même revue, Jacques Saze notait en 1949 l’intérêt de Parsuire pour la céramique dont il faisait profiter aussi ses élèves de l’enseignement spécial. Il décrivait à ce propos : « l’œuvre magnifique poursuivie par J.D. PARSUIRE, directeur de l’école J. Simon, qui nous a présenté dernièrement un ensemble d’étonnantes céramiques d’enfants arriérés ou anormaux. Ces trouvailles naïves de formes, de couleurs ou de matières auront-elles des lendemains ? Peu importe. Leur esprit s’éveille à la beauté, leurs mains s’en imprègnent, c’est déjà un résultat inespéré ».
Après la guerre, Parsuire réalisa plusieurs sculptures, notamment, de mémoire, un buste en bronze de son ami Torcatis aujourd’hui exposé à l’école "Louis-Torcatis" de Saint-Estève (Pyrénées-Orientales).
Parsuire connut puis devint l’ami d’un artiste de renom Manuel Pérez Valiente (1908-1991). Après la guerre cet Espagnol réfugié de la Retirada commençait à être reconnu à Perpignan. Il l’aida, lui procurant en 1950 un poste d’enseignant d’arts appliqués à l’école du docteur Simon qu’il dirigeait. Parsuire et son ami Montagut le recommandèrent ensuite à Maurice Iché*, maire socialiste d’Ille-sur-Têt et directeur du cours complémentaire qui fit en sorte qu’il obtînt (1956) un poste de lecteur d‘espagnol dans son établissement. L’amitié entre Valiente et Parsuire ne se démentit jamais au fil ses ans. En 1974, Parsuire consacra un numéro monographique de la revue Conflent (Voir Lapassat Robert) à la vie et à l’oeuvre de Valiente. Ce dernier fit son portrait publié dans le n° 112 de Conflent (Prades), couverture et p. 10.
Pendant longtemps, Parsuire écrivit surtout des articles de réflexion politique, nourrissant le débat. Les textes de chansons mises en musique par Torcatis relevaient aussi de l’activité militante et professionnelle même si elles indiquaient une inclination pour une écriture plus littéraire.
Parsuire publia pourtant dès 1939 dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 24 février 1937 une courte nouvelle, « La mort de Thomaset, berger à Taulis », où il montrait déjà d’évidentes dispositions pour l’écriture littéraire.
Ce ne fut que tardivement qu’il donna la mesure de ses talents. Modeste, il s’adressa au directeur de la revue pradéenne Conflent, Robert Lapassat* qui accepta volontiers ses textes. Il eût mérité, sans doute, pour ses textes de prose, un éditeur qui eût donné à ses écrits un public plus vaste. Ses narrations, parfois autobiographiques, évoquant sa jeunesse ou le Conflent et le Roussillon de la première moitié du XXe siècle sont très suggestives, d’une grande justesse de ton et ont révélé une écriture d’une grande sûreté.
Il écrivit aussi des poésies en français mais aussi en catalan. Un recueil de poésies, Le temps à chaînes évoque l’époque de la résistance et le souvenir de Louis Torcatis.
À la fin de sa vie, qu’il passa en Vallespir, à Amélie-les-Bains, il redécouvrit avec ferveur sa catalanité, affirmant avec force son attachement à une identité et une langue qu’il n’avait jamais reniées même s’il ne les avait pas cultivées avec autant de force que dans les années 1970. Il arborait parfois de façon ostensible la barretina (sorte de bonnet phrygien porté par les Catalans du XIVe siècle jusqu’au début du XXe siècle).

Ses obsèques civiles eurent lieu dans la plus stricte intimité le 27 mai 1981.
La revue Conflent lui rendit hommage dans son n° 112 (1982). Il existe une rue « Joan DI » à Amélie-les-Bains. Pour sa participation à la Résistance, Parsuire fut décoré de la Croix de guerre avec palmes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146025, notice PARSUIRE Dominique, Isidore, Jean. Pseudonymes de clandestinité : « Prades », « Gandhi » ; pseudonyme littéraire : « Joan D.I. » par André Balent, version mise en ligne le 20 avril 2013, dernière modification le 9 septembre 2022.

Par André Balent

Perpignan, 17 décembre 1944, inauguration de la place Gabriel Péri. Des officiers FFI : de gauche à droite : André Tourné*, Joseph Balouet, Georges Delcamp*, Dominique Parsuire, Dominique Cayrol*.
Perpignan, 17 décembre 1944, inauguration de la place Gabriel Péri. Des officiers FFI : de gauche à droite : André Tourné*, Joseph Balouet, Georges Delcamp*, Dominique Parsuire, Dominique Cayrol*.
(photo Chauvin, col. André Balent).
D.-J. Parsuire, dessin de Manolo Perez Valiente.
D.-J. Parsuire, dessin de Manolo Perez Valiente.
couverture du n° 112 de Conflent (Prades), 1982.

ICONOGRAPHIE : Gual & Larrieu, op. cit., 1998, p. 874, Parsuire officier FFI à Perpignan le 17 décembre 1944, avec André Tourné*, Joseph Balouet, Georges Delcamp*, Dominique Cayrol* ; p. 901, l’état-major des FFI des PO le 27 août 1944 ; p. 934, la promotion de l’école normale : Parsuire avec Louis Torcatis*, Antonin Pagès*, François Roig*.

ŒUVRES : textes imprimés autres que musicaux : (sous le pseudonyme de pseudo Joan D.-I.), « La vie magnifique de Valiente », Conflent, 71, 1974, pp. 269-327 ; 3) narrations, contes et récits parfois autobiographiques dans Conflent, n° 56, 58, 60, 62, 64, 65, 66, 68, 78, 84, 91, 94, 97, 104, 107, 110, de 1972 à 1981 ; poésies en français et en catalan (plusieurs recueils et dans Conflent ; des inédits : récits et contes, des poèmes en français (dont Le temps à chaînes, chez l’auteur 1971, 30 p.) et en catalan, trois comédies dont une en catalan. — Bibliographie partielle de ses oeuvres littéraires (années 1960 et 1970, sous le pseudonyme de Joan D.I.), Conflent, 112, Prades, 1981, p. 14). La bibliographie complète reste à établir. — Collaborations politiques ou littéraires à de nombreux organes de presse des Pyrénées-Orientales dès 1932. — Œuvres musicales y compris les paroles de chansons enregistrées : Dominique Parsuire (poèmes), Louis Torcatis (musique), Chansons pour rendre l’école gaie aux enfants du peuple, Toulouse, éditions Charles Costes, 21 p. [17 chansons]. —Sous son nom Ballet de Coppelia, (valse) partition composée par D.-J. Parsuire, Éditions Gérard Billaudot (s.d.). — Souvenir, enregistrement sonore (D.-J. Parsuire, auteur des paroles ;Vincent Gambeau, composition ; Georges Aubanel, direction d’orchestre ; Christiane Gaudel, chant), disque 78 tours, Scoladisque, 1954. — Petits pantins, quadrille enfantin, pour évolutions rythmiques (D.-J. Parsuire, Louis Torcatis*, Georges Aubanel, direction d’orchestre), disque 78 tours, Coopérative de l’enseignement laïc, sl., sd. [avant 1939]. — Le semeur, enregistrement sonore ; Les marteaux ; Bonjour, (textes de Parsuire, musique de Torcatis, interprétée par Mlle Decroix de la Gaieté lyrique), disque 78 tours pour l’étude et l’accompagnement des chants scolaires, Coopérative de l’enseignement laïc, sl., 1934.
SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 587, registre matricule, f° 992 ; 3 M 382 ; 3 M 382, élections au cons. arr. de Prades, 1937. — Arch. com. Fillols, état civil, acte de naissance de Dominique Parsuire et mentions marginales. — Arch. privées André Balent, manuscrit inédit et inachevé de Marcel Mayneris concernant la période 1940-1944 (remis le 10 juillet 1983 à Perpignan) ; attestation de Joseph Balouet, de l’AS et chef de bataillon des FFI concernant ses activités résistantes, Perpignan, 6 février 1945 ; certificat délivré par Jean Parayre, instituteur, et Joseph Rous [de Puyvalador]*, ancien chef départemental de Libération-Sud faisant état de son internement et des tortures subies, 29 avril 1948 ; certificat du Ministère des Anciens combattants faisant état des périodes d’internement, 14 octobre 1948. — L’Avant-Garde, Prades, n° 3 et sq. (1932). — L’Éducateur prolétarien, 8-9, 10 février 1936. — L’Action syndicale, mai 1938. — La Voix des Jeunes socialistes catalans, 8, juin 1938 ; 11, octobre 1938. — Almanach de la Voix des Jeunes, 1938. — Le Cri Socialiste, nouvelle série, (1945-1949). — Le Républicain du Midi, 21 mars 1949. — L’Indépendant, 29 mai 1981. — André Balent, « Du Front populaire à la résistance. L’itinéraire d’un militant perpignanais : Marcel Mayneris (1899-1993) », Études roussillonnaises, XVI, 1998, pp. 165-192 ; Notice « Balouet Joseph, Marcel », Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, Publications de l’Olivier, pp. 92-93. — Roger Bernis, Roussillon politique. Du réséda à la rose..., 1, Le temps de Quatrième (1944-1958), préface de François Goguel, Toulouse, Privat, 1984, 286 p. [pp. 81, 217]. — Gérard Bonet, L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle d’histoire d’un quotidien 1846-1950. L’entreprise, le journal, la politique, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2004, 764 p. [p. 484]. — Charles Coral, « Hommage à Joan D.I. Il est mort le poète », Conflent, 112, Prades, 1981, pp. 11-12. — Émilienne Eychenne, Les portes de la liberté. Le franchissement clandestin de la frontière espagnole dans les Pyrénées-Orientales de 1939 à 1945, Toulouse, Privat, 1985, p. 285 [p. 216]. — Camille Fourquet, Le Roussillon sous la botte nazie, tapuscrit inédit, Perpignan, s.d. [1959]) [p. 38]. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, 686 p. [p. 443, 449, 458, 809, 874, 901, 934]. — Robert Lapassat, « Joan D.I., prosateur et poète », Conflent, 112, Prades, 1981, p. 13. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [pp. 109, 165, 170, 185, 232]. — Étienne Llauro, Torcatis « Bouloc ». Destin d’un humaniste 1904-1944, préface de Jean Larrieu, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1998, 495 p. [pp. 23, 24, 27, 28, 55, 58, 69, 72, 73, 89, 116, 123, 129, 163, 257, 258, 260, 261, 265, 266, 267, 274, 377, 424, 425, 426]. — Jean de Loiseul, rubrique « Vie artistique », Tramontane, 286-287, Perpignan, 1947, pp. 301. —Jacques Saze, « Bilan de l’activité artistique en Roussillon depuis cinquante ans : la céramique », Tramontane, 353, Perpignan, 1953, pp. 43-51 [p. 49]. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, 182 p. [p. 103]. — Courriels de Brigitte Manera Payrou, 6 septembre 2012 et d’Étienne Llauro, 21 avril 2013. — Entretiens avec Aimé Delmas (Perpignan, 26 mars 1983) ; Marcel Mayneris (Perpignan, 2 juillet 1982, 6 octobre 1982, 13 octobre 1982) ; Lucette Justafré (Ille-sur-Têt, 5 octobre 1983) ; Francine Montagut, fille de François Montagut*, Montauriol, 12 juin 2012. — Information orale communiquée par Pierre Grau (novembre 2010). — Conversation téléphonique avec Étienne Llauro, 17 avril 2013.

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