FEINGOLD Jacob [FEINGOLD Benjamin, Jacob), dit Jacobs, Jacob ou Michel

Par Philippe Bourrinet

Né le 2 juin 1899 à Garvolin (Empire russe), mort à Auschwitz Birkenau (Pologne) le 12 décembre 1943  ; émigré à Anvers, puis Bruxelles, militant du PCB, l’une des personnalités majeures de la Ligue des communistes internationalistes (LCI), militant ‘bordiguiste’ des Fractions italienne et belge de la Gauche communiste internationale  ; réfugié pendant la guerre à Marseille et Toulon, arrêté, puis interné à Drancy.

Juif polonais exilé, sans doute tailleur, Jacob Feingold s’était établi à Anvers, puis à Bruxelles. Il semble avoir adhéré au Parti communiste belge, puis l’avoir quitté pour adhérer à l’Opposition (Adhémar Hennaut, Léon Lesoil, Charles Plisnier, War van Overstraeten, Georges Vereecken) en 1928. Depuis 1930 environ, par l’intermédiaire d’Ottorino Perrone*, il était en contact avec la Fraction de gauche italienne du PCI, aux activités de laquelle il participa très activement. En même temps, il appartint à la Ligue des communistes internationalistes (LCI) d’Adhémar Hennaut, qui avait rompu en 1931 avec la fraction trotskyste de Lesoil, et dont le premier congrès se tint les 20 et 21 février 1932 à Bruxelles. Jacobs collabora régulièrement à la revue Bilan d’Ottorino Perrone* à Bruxelles. Dans la LCI, au côté de Jean Mélis* (1892-1945), du jeune artiste Henri Heerbrant (1913-1982) [Hilden ou Juventus], et d’autres, il défendit par écrit dans son Bulletin le point de vue ‘bordiguiste’, sans doute sous le pseudonyme assez transparent d’Exil.

En juillet-août 1936, l’engagement d’une forte minorité de la Fraction de gauche italienne dans les milices du POUM entraîna une grave crise du mouvement ‘bordiguiste’. Il fit partie de la délégation officielle de la Commission exécutive – au côté d’Aldo Lecci et Turiddu Candoli (1900-1983) – envoyée en septembre 1936 en Espagne afin de discuter avec les minoritaires. Sans succès, ni avec ceux-ci ni avec Julián Gorkin (1901-1987) de la direction du POUM qu’ils rencontrèrent. Seule l’entrevue avec le professeur anarchiste Camillo Berneri (1897-1937) eut plus de résultats.

Rentré à Bruxelles, Jacob Feingold joua – avec Jean Mélis, Van den Hoven (Jéhan), Henri Heerbrant, Evelin Jans, et d’autres – un rôle majeur dans la scission du groupe de Bruxelles de la LCI d’Adhémar Hennaut. Celle-ci, effective le 21 février 1937, avait été provoquée par la guerre en Espagne, mais aussi de réelles dissensions théoriques. Tandis que la LCI de Hennaut évoluait vers des positions « communistes de conseils » et travaillait de concert avec l’Union communiste de Henri Chazé, la nouvelle Fraction belge de la gauche communiste internationale s’engagea dans une orthodoxie ‘bordiguiste’.

Membre de la Commission exécutive de la Fraction italienne de la gauche communiste, puis du « Bureau international de la gauche communiste internationale », il y fut chargé des relations internationales avec les groupes révolutionnaires dissidents du trotskysme dans le monde anglo-saxon.

Il fit partie à l’automne 1937 – avec Van den Hoven, Virgilio Verdaro et Perrone – du Bureau international des Fractions de la Gauche communiste, qui publia en 1938-39 la revue Octobre. Il contribua peut-être anonymement à la revue Communisme (avril 1937-août 1939), l’organe mensuel de la Fraction belge, dont l’imprimerie appartenait à Robert Manne, militant du groupe. Celui-ci poursuivit son activité de militant bordiguiste dans les années 1970.

Surpris par la guerre, dont les ‘bordiguistes’ en Belgique avaient considérablement minimisé la possibilité au moment de Munich, Jacobs put quitter la Belgique en mai 1940. Il gagna la zone Sud de la France et fut hébergé par Aldo Lecci et Turiddu Candoli, qui habitaient déjà Marseille et Toulon–La Seyne-sur-Mer. Il travailla au Croque-Fruits de Marseille – 3, rue des Treize-Escaliers –, la coopérative ouvrière fondée en 1940 par Sylvain Itkine*, jusqu’à sa fermeture en décembre 1942.

Politiquement, il était en accord avec les positions d’Ottorino Perrone sur la « disparition sociale du prolétariat dans la guerre » et prit quelque distance avec l’activité de ses camarades italiens et français à Marseille.

Vers octobre 1943, il fut arrêté à Marseille par la police française, muni de papiers grossièrement confectionnés (le nom de Feingold apparaissait de façon transparente sous celui d’Orfin). Interrogé par la Gestapo, il fut envoyé au camp de Drancy et de là à Auschwitz où il fut tué. Un arrêté gouvernemental du 24 juillet 1991 paru au Journal officiel précise qu’il est « mort en déportation », « décédé le 12 décembre 1943 à Auschwitz (Pologne) et non le 7 décembre 1943 à Drancy (Seine). »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146027, notice FEINGOLD Jacob [FEINGOLD Benjamin, Jacob), dit Jacobs, Jacob ou Michel par Philippe Bourrinet, version mise en ligne le 16 avril 2013, dernière modification le 25 juin 2022.

Par Philippe Bourrinet

ARTICLES  : (pseudonyme de ‘Jacobs’) Bilan, Bulletin théorique mensuel de la Fraction de gauche du Parti communiste italien, Bruxelles-Paris : n° 22, août-sept. 1935, « Projet de résolution sur le problème des liaisons internationales » ; n° 23, sept.-oct. 1935, « Compte rendu du Congrès de la fraction – Résolutions adoptées » (Interventions et motions de ‘Jacobs’). – n° 26, janv. 1936, « L’échec des premières discussions avec le groupe ‘Communist Class Struggle’ ». – n° 27, janv.-fév. 1936, et n° 28, fév.-mars 1936, « L’écrasement du prolétariat français et ses enseignements internationaux », 1re et 2e partie. – Michel (‘Jacobs’), Il Seme comunista, n° 5, fév. 1938, « I sindacati e la guerra imperialista ».

SOURCES DIVERSES  : Témoignages divers : Aldo Lecci ; Turiddu Candoli ; Clara Geoffroi (1917-2006). – Bulletin de la Ligue des communistes internationalistes, n° 3, mars 1937, « La fin d’une alliance ». – Communisme n° 1, Bruxelles, avril 1937, « Résolution sur la guerre en Espagne ». – Site web : http://lesmortsdanslescamps.com/monde.html. – (Loi n° 85/528 du 15 mai 1985 sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation, art. 1er) Journal officiel de la République française, 17 sept. 1991, p. 12189, Secrétariat d’Etat aux anciens combattants et victimes de guerre, arrêté du 24 juillet 1991 relatif à l’apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès. – Biographie d’Henri Heerbrant : http://www.heerbrant.be/Henri%20Heerbrant/index.html
OUVRAGES  : Fausto Bucci, Rossano Quiriconi et Claudio Carboncini, ‘La vittoria di Franco è la disfatta del proletariato’... Mario De Leone e la rivoluzione spagnola, La Ginestra, Follonica, 1997. – Philippe Bourrinet, The Bordigist Current (1912-1952) : Italy, France, Belgium, USA, 2012 : http://www.left-dis.nl/uk/bordigist.pdf. – Michel Olivier (Michel Roger), La Gauche communiste belge (1921-1970), Paris, 2005 [Collectif Smolny (www.collectif-smolny.org].

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