GRANDCLÉMENT Jules, Alexandre

Par Maurice Moissonnier

Né le 14 novembre 1868 aux Bouchoux (Jura), mort le 15 mars 1935 ; docteur en médecine à Villeurbanne (Rhône) ; militant socialiste puis communiste du Rhône ; maire de Villeurbanne.

Médecin à Villeurbanne, Grandclément y manifestait depuis longtemps des idées d’avant-garde. Il était socialiste indépendant, disciple de Jaurès. Élu conseiller municipal en 1900, il conduisit la lutte contre les projets d’annexion de Villeurbanne à Lyon qu’il dénonca dès 1901 et, le 25 mars 1903, son rapport concluant au rejet du projet avancé par Augagneur fut voté à l’unanimité par le conseil municipal. En 1905, il adhéra à l’unité avec le groupe socialiste de Villeurbanne jusque-là affilié au PS de France et prit alors une place en vue parmi les militants de la Fédération socialiste SFIO du Rhône qu’il représenta aux congrès nationaux de Châlon-sur-Saône (octobre 1905), Nîmes (février 1910) et Lyon (février 1912).

Aux élections municipales de 1908, Grandclément prit la tête d’une liste socialiste qui rassembla 1 900 voix au premier tour, l’emporta au ballottage et le nomma maire de Villeurbanne. Il le demeura jusqu’en 1922 (démission). Il se signala par une administration municipale hardie, servit des « soupes communistes », des secours collectifs pendant les grèves, établit la règle des transports et la régie d’enlèvement hygiénique des immondices. De 1914 à 1925, il fut conseiller d’arrondissement de Villeurbanne.

Comme beaucoup de militants socialistes, l’épreuve de la guerre le conduisit à prendre position en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale.

Dans la région lyonnaise, en compagnie de Georges Lévy, il anima la campagne pour la transformation du Parti socialiste en Parti communiste. Le 3 septembre 1920, c’est lui qui présida à Lyon, salle du Cirque Rancy, un grand meeting avec Marcel Cachin et Frossard. À cette occasion il salua « 1920, année de la IIIe Internationale ».

Son intervention au congrès fédéral du Rhône, le 19 décembre 1920, salle de la Mairie, rue de Sèze, constitua un ardent plaidoyer pour l’adhésion au communisme : « Nous ne voulons exclure personne. Ceux qui, après le congrès de Tours, ne se soumettront pas aux directives du Parti s’excluront d’eux-mêmes. Nous avons assez souffert de l’indiscipline pour accueillir avec joie la discipline rigoureuse de la IIIe Internationale. Intensifier dans la classe ouvrière l’esprit révolutionnaire, cela ne veut pas dire que nous allons faire les imbéciles, jeter dans la rue des militants qui se feront tuer tandis que d’autres iront se balader. Quand on a vu aussi souvent que moi tout le monde vous lâcher, l’on veut, un jour, sonner au drapeau...

« L’on a le droit de discuter la IIIe Internationale jusqu’à la veille du congrès de Tours. Mais le lendemain, tous dans le rang ! tous à l’action décidée.

« (...) Nous allons y perdre quelques bons amis, pas beaucoup, quelques élus (...) qu’importe ! Quarante députés peut-être ? ça ne compte pas.

« Les députés qui nous resteront seront nos mandataires et rien de plus : nous organiserons la révolution. On y risque quelque chose. Qu’importe ! Que ceux qui n’ont pas le courage de regarder le péril en face se retirent dès maintenant. Cela vaut mieux pour eux et pour nous. »

Le 19 au soir, il présida l’ultime séance qui donna 80 mandats à la motion Cachin-Frossard, 14 à la motion Blum et 7 à la motion Longuet. Il fut élu avec G. Lévy, P. Métra, Calzan, Garde et M. Moutet dans la délégation du Rhône au congrès de Tours.

Au congrès fédéral du 23 janvier 1921, il fit partie de la commission chargée de proposer le nouveau comité directeur départemental du Parti communiste SFIC. Il fut élu membre de ce comité directeur et, en juillet 1921, soutint avec force Pierre Merlin (voir ce nom), candidat à une élection partielle municipale dans le VIIe arrondissement de Lyon contre le socialiste Régis Malaval. Au congrès fédéral du 28 août 1921 tenu à la mairie du VIe arrondissement de Lyon où fut largement débattu le cas du conseiller municipal Paul Cuminal, il insista pour que le débat fût dépersonnalisé et qu’on en appelle avant tout à la discipline et, en conséquence, il condamna fermement l’attitude de Cuminal.

Au printemps 1922, une grave crise éclata à la mairie de Villeurbanne lorsque Grandclément annonça qu’il ne reconnaîtrait que le syndicat CGTU des municipaux et non pas le syndicat qui se rattachait à l’Union départementale scissionniste qui, avec Vivier Merle et Henri Bécirard, venait de s’installer à Lyon rue Cuvier et affichait son accord avec la majorité confédérale. Dix-huit élus sur vingt-neuf s’étaient en 1921 ralliés au nouveau Parti communiste ; cette fois, treize élus adoptèrent, avec le socialiste Rossiaud, la décision de démissionner en signe de protestation. Grandclément et son premier adjoint Jean Alamercery, décidèrent de relever le défi en démissionnant aussi. Le 23 avril 1922, à l’élection partielle pour les quinze sièges vacants, la liste socialiste SFIO triompha et les dix-sept communistes qui restaient au conseil assurèrent de justesse l’élection de P. Bernard (voir ce nom), un nouveau maire communiste plus enclin au compromis que le précédent. Le 26 octobre 1924, à l’occasion des élections municipales normales, la liste socialiste conduite par le docteur Lazare Goujon (voir ce nom), fut élue en entier avec plus de 6 000 voix contre la liste communiste de Grandclément qui atteignait à peine 3 000 voix et une liste socialiste-communiste conduite par Paul Bernard rassemblant entre 400 et 500 voix.

À la suite de cet échec, le rôle de Grandclément diminua d’importance. Il ne figura pas sur la liste présentée aux élections législatives du 11 mai 1924 contre la liste du Bloc des gauches. À la conférence régionale du 24 janvier 1926, il fut cependant proposé pour figurer au nouveau comité régional et, aux élections législatives d’avril 1928, il défendit les couleurs du Parti communiste en obtenant, dans la 12e circonscription 5 683 voix au 1er tour et 6 025 au second tour, sans être néanmoins élu, son vieil adversaire, le docteur Goujon, l’enlevant avec 8 573 voix, grâce au désistement radical. En 1932, le Parti communiste présenta à sa place Edmond Chambon (voir ce nom) qui n’obtint que 3 613 voix et 2 895 contre 7 340 et 10 442 au docteur Goujon. Les rapports de forces commencèrent à se modifier lors des élections cantonales du 7 octobre 1934 : Grandclément, en tête au premier tour dans la circonscription de Villeurbanne avec 5 812 voix l’emporta au second tour. Quelques mois après il mourait d’une crise cardiaque alors qu’il était en pleine activité : moins d’une semaine avant sa mort, le 9 mars, il avait encore conduit une marche de la faim des chômeurs de son canton. L’instituteur Camille Joly (voir ce nom) prit alors la tête de la liste du Bloc ouvrier et paysan qui allait, un mois plus tard, reconquérir la municipalité de Villeurbanne.

Les funérailles du Dr Grandclément, au moment où se déroulaient les âpres luttes qui aboutirent au Front populaire, furent l’occasion d’une importante manifestation unitaire des travailleurs lyonnais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146067, notice GRANDCLÉMENT Jules, Alexandre par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 18 avril 2013, dernière modification le 21 juillet 2022.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13092, 13096, 13165, 13261. — État civil de Villeurbanne. — Arch. de l’Institut du Marxisme-Léninisme, micro-films déposés à l’Institut M. Thorez, n° 185, bobine n° 26. — Comptes rendus des congrès du Parti socialiste SFIO. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., pp. 503-504. — L’Humanité, 1er juin 1912. — Le Progrès, 20 décembre 1920. — La Voix du Peuple, mars 1935. — Lyon-Républicain, mars-avril 1922, avril 1928, octobre 1934. — Le Cri du Peuple du Sud-Est, 1921-1922.

ICONOGRAPHIE : Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 500.

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