Par Loïc Le Bars
Né le 21 juillet 1931 à Challans (Vendée), mort le 25 avril 2022 aux Sables d’Olonnes (Vendée) ; chimiste puis informaticien ; membre des Jeunesses socialistes SFIO (1947) puis du Mouvement révolutionnaire de la jeunesse (1948-1951) ; adhérent à l’UGS (1958) puis au PSU (1960-1964) ; président du Cercle Socialisme (1965-1979) ; officier dans l’armée française pendant son service militaire et soutien de l’ALN (1957-1958) ; délégué du personnel CGT puis CFDT au Centre de recherche du groupe Péchiney-Saint-Gobain à Aubervilliers ; secrétaire du CE ; membre du bureau de l’UL-CFDT d’Aubervilliers et de celui de l’UD-CFDT de Seine-Saint-Denis, puis de celui de l’UL des Sables-d’Olonne (Vendée).
Les parents de Jean Péaud étaient instituteurs en Vendée. Son père, Eugène Péaud, fut l’une des figures marquantes du mouvement ouvrier de ce département entre 1925 et 1976. Resté fidèle toute sa vie à l’idéal révolutionnaire de sa jeunesse, il assuma des responsabilités importantes aussi bien dans le SNI et plus encore dans la section locale de la FEN que dans les différentes formations politiques auxquelles il adhéra, du PC au PSU dont il fut secrétaire fédéral au début des années 1960. Floresca Péaud, sa mère, partageait les convictions de son mari mais milita moins activement. Jean Péaud ne pouvait être que profondément marqué par cet environnement familial qui, il ne s’en cachait pas, joua un rôle déterminant dans son propre engagement politique et syndical.
Celui-ci commença alors qu’il était encore élève au lycée Herriot de La Roche-sur-Yon. C’est en effet en janvier 1947 qu’il adhéra, sur le conseil de Roland Filiâtre, aux Jeunesses socialistes SFIO et qu’il fut élu au bureau de la Fédération de Vendée de cette organisation où l’influence des militants trotskystes était devenue prégnante et qui critiquait de plus en plus violemment la politique de la SFIO. La direction de celle-ci décida, en mai 1948, d’exclure les JS, qui, un an plus tard, fusionnèrent avec la Jeunesse communiste internationaliste (trotskyste) pour former le Mouvement révolutionnaire de la jeunesse (MRJ). Jean Péaud milita dans cette organisation d’abord à Nantes, où il fut élève en mathématiques supérieures au lycée Clemenceau, puis à Paris après avoir réussi en 1951 le concours d’entrée à l’École nationale de chimie. En avril 1950, il fut élu au comité central du MRJ qui, à cette époque, n’avaient guère que 125 adhérents. Il participa en août 1950 à la brigade de travail « Eugène Varlin » partie en Yougoslavie pour aider à la construction de l’université de Zagreb et surtout enquêter sur la réalité des attaques proférées contre le régime titiste par le PCF et le mouvement communiste international. Il fut exclu du MRJ en 1951 pour avoir refusé d’intervenir au compte du PCI dans l’association niçoise Jeunesse-Camping avec laquelle il était en contact.
Jean Péaud fut renvoyé de l’École nationale de chimie en 1952 pour « insuffisance de résultats ». Il poursuivit néanmoins ses études dans cette matière d’abord à Paris puis à Rennes. Mais, celles-ci n’ayant pas répondu à ses espérances, il s’engagea dans la vie active et devint maître auxiliaire en banlieue parisienne puis correcteur au Centre national de la documentation pédagogique. En novembre 1955, il épousa Liliane Filiâtre, nièce de Roland et Yvonne Filiâtre. Sa compagne partagea longtemps ses engagements politiques. Le couple, après avoir eu deux enfants, se sépara et divorça en 1978.
Jean Péaud, par l’intermédiaire de son beau-frère, Saïd Slyemi, qui fut plus tard responsable de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) pour l’Allemagne, était en contact avec la Fédération de France du FLN. Appelé sous les drapeaux en février 1956, il suivit un stage d’élèves officiers de réserve et, en janvier 1957, fut affecté en tant qu’aspirant au 7e régiment de tirailleurs algériens puis au Centre d’instruction inter-armes de Constantine en tant que sous-lieutenant. Désireux d’aider le peuple algérien à obtenir son indépendance, il rendit de nombreux services à l’ALN : hébergement de clandestins, transferts de fonds et surtout formation politique de militants. Démobilisé sans avoir été inquiété pour ses activités clandestines dont il était pourtant soupçonné, Jean Péaud mit fin peu après à ses relations avec le FLN dont il jugeait l’orientation par trop nationaliste.
En août 1958, il entra au Laboratoire d’essais de Saint-Gobain à Aubervilliers comme ouvrier qualifié. Promu rapidement aide-chimiste puis chimiste, il adhéra dès 1959 à la CGT et fut élu la même année délégué du personnel. En réaction aux événements de mai 1958 et à la venue au pouvoir du général de Gaulle, il rejoignit l’UGS et devint en 1959 secrétaire de la section du XIIe arrondissement de cette organisation. Il participa au congrès de fondation du PSU en avril 1960. Jean Péaud, bien que se situant dans le courant animé par Jean Poperen*, n’était pas vraiment intéressé par les luttes de tendances caractéristiques de cette organisation. Membre du conseil départemental de la Fédération de la Seine, il s’investit surtout dans la mise en place du service d’ordre du parti dont il devint le responsable national après la manifestation du 8 février 1962. Mais, victime en décembre de la même année d’un grave accident de voiture, il ne put continuer à assumer cette responsabilité. Quand, près d’un an plus tard, il put reprendre son activité politique, il ne renouvela pas son adhésion au PSU tout en restant en contact avec Jean Poperen dont il déplorait ce qu’il appelait ses « intrigues ».
Muté au début de l’année 1965 au Centre de recherches du groupe Péchiney-Saint-Gobain, où près de 500 personnes travaillaient à cette époque, Jean Péaud se heurta dans la CGT aux militants communistes qui le soupçonnaient de « trotskysme ». Ayant été écarté de la liste présentée aux élections des délégués du personnel, il démissionna de cette organisation en janvier 1967 et adhéra à la CFDT dont il devint très vite l’un des animateurs jusqu’à sa retraite en 1992. Il la représenta souvent au comité d’entreprise de son établissement, dont il assuma par deux fois le secrétariat, et fut élu à plusieurs reprises délégué du personnel ou secrétaire de la section. Membre du bureau de l’union locale CFDT d’Aubervilliers lors de sa création en février 1968 et de celui de l’UD 93 au début des années 1970, il participa activement à l’occupation du Centre de recherches en mai-juin 1968.
En février 1965, Jean Péaud créa avec Alain Le Dem et quelques autres militants, le cercle « Socialisme » dont il allait assurer la présidence jusqu’en 1975, année de son autodissolution. Ce cercle était conçu pour permettre à des militants venus d’horizons différents, et qui s’interrogeaient sur les méthodes de réflexion et d’action des organisations auxquelles ils appartenaient, de confronter leur expérience et de discuter des problèmes qu’ils pouvaient rencontrer dans leur intervention politique ou syndicale. Il contribuait aussi à leur formation en organisant une fois par trimestre des conférences-débats où intervinrent des personnalités aussi différentes qu’André Gorz, Pierre Naville ou Edmond Maire. Le cercle publiait en outre un bulletin, 48 numéros édités. Il connut son apogée en 1970 avec près de 200 adhérents dont beaucoup avaient des responsabilités parfois importantes dans la CFDT ou le PSU. Mais la majorité d’entre eux rejoignirent en 1974 le nouveau Parti socialiste issu du congrès d’Épinay et ceux qui restèrent décidèrent quatre ans après de mettre un terme à cette expérience originale.
Jean Péaud, devenu informaticien en 1973, continua à militer à la CFDT et aussi à la Fédération des conseils de parents d’élèves. Il participa à la création de l’Association des informaticiens de langue française dont il fut secrétaire général de 1982 à 1995. Il travailla à mi-temps à partir de 1982 et prit sa retraite en 1992. Il s’établit alors aux Sables d’Olonne où il devint membre du bureau de l’Union locale CFDT en 1997. Il fut élu deux ans plus tard au conseil de l’Union départementale de Vendée de cette organisation. Il participa activement aux activités du CDMOT (Centre de documentation du mouvement ouvrier et du travail) en Vendée en contribuant notamment à l’élaboration d’un dictionnaire des militants vendéens de la CFDT et de quelques fiches du Maitron. Jean Péaud militait depuis à l’Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre dont les adhérents finançaient avec leur retraite d’ancien combattant des projets de développement durable en Algérie et dans d’autres pays méditerranéens.
En 2013, Jean demeure un fidèle membre de l’Association des amis du Maitron.
Il est mot le 25 avril 2022 au complexe hospitalier des Sables d’Olonne. I ; avait donné son corps à la science.
Par Loïc Le Bars
ŒUVRE : Sur le fil de l’histoire et de la lutte des classe : cinquante ans de fraternité, Ed. de l’UNRAG, 1995.
SOURCES : Arch. CERMTRI, CDMOT de Vendée. – Loïc Le Bars, Eugène Péaud, un syndicaliste révolutionnaire, Syllepse 2007. — Tudi Kernalegen, François Prigent, Gilles Richard, Jacqueline Sainclivier (dir.), Le PSU vu d’en bas, PUR, 2009. – Témoignage de l’intéressé.