Par Éric Nadaud
Né le 20 février 1888 à Paimboeuf (Loire-Inférieure), mort à Créteil (Val-de-Marne) le 28 avril 1971 ; général de réserve ; sénateur (1948-1968) de la Seine sur une liste présentée par le Parti communiste.
PETIT Ernest (général)
Né le 20 février 1888 à Paimbœuf (Loire-Inférieure), mort le 29 mai 1971 à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) ; général ; directeur du cabinet militaire du ministre de la défense (1947) ; sénateur apparenté communiste (1948-1968) ; président de la Fédération des officiers de réserve républicains, de France-URSS, de France-Hongrie, membre de la commission exécutive de l’Union progressiste, membre du Conseil national de la paix.
Fils d’un receveur des Postes à Saint-Hilaire des Loges (Vendée), Ernest Petit fit ses études secondaires au lycée de Nantes, jusqu’au baccalauréat. Élève à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr de 1909 à 1912, sous-lieutenant en 1911, et lieutenant en 1913, il se maria avec Clémence Orieux à Lavau (Loire-Inférieure), le 18 avril 1914. Durant la Première Guerre mondiale, promu capitaine en 1916, mais fait prisonnier par les Allemands, il fut détenu au Fort IX d’Ingolstadt, avec pour compagnon de captivité le futur général de Gaulle, qui était aussi de sa promotion à Saint-Cyr. Il s’en évada en janvier 1918, et rejoignit les lignes françaises. Après avoir exercé un commandement au Maroc de 1918 à 1920, puis en Allemagne de 1920 à 1924, il fut successivement instructeur à Saint-Cyr de 1924 à 1926, stagiaire à l’École supérieure de Guerre de 1926 à 1928, affecté à l’état-major du Levant de 1928 à 1934, puis à celui de la Région de Paris de 1934 à 1936, professeur de tactique à l’École de Liaison et Transmissions jusqu’en 1938, puis chef de la Mission militaire française au Paraguay de 1938 à 1940.
Admis d’office à la retraite par le gouvernement de Vichy, il rallia la France libre depuis le Brésil en août 1940. En janvier 1941, il fut choisi par le général de Gaulle pour être son chef d’état-major à Londres. En novembre de la même année, devenu général de brigade, il fut nommé par lui, sur mandat du Comité national français, chef de la Mission militaire de la France libre en URSS, avec la charge de mettre sur pieds un corps expéditionnaire français, et d’en prendre le commandement. Parti de Londres en janvier 1942, il remplit sa mission depuis Moscou, auprès du gouvernement et du Haut-commandement soviétiques, durant plus de trois ans, de mars 1942 jusqu’à la fin des hostilités en Europe. Il constitua avec l’Armée rouge la légendaire escadrille d’aviation de chasse « Normandie-Niemen », seul élément effectivement réalisé du projet initial, qui renoua la fraternité d’armes entre Soviétiques et Français, et assura la présence française sur le front de l’Est. Il noua à cette occasion avec les Soviétiques des liens d’amitié solides, que renforça un entretien avec Staline, dont il garda un souvenir très positif. De Gaulle et son entourage considérèrent ensuite qu’il s’était laissé circonvenir, mais par pur sentimentalisme, sans que son intégrité puisse être mise en doute.
De retour en France en juillet 1945, et désormais général de division, il assura le commandement de la 3e Région militaire à Rouen de 1945 à 1946 puis, promu général de corps d’armée en août 1946, celui de la Région militaire de Paris en 1946 et 1947. Au début de 1947, il dirigea le cabinet militaire de François Billoux, ministre communiste de la défense nationale, avec pour adjoint l’amiral Raymond Moullec. En décembre 1951, il fut mis à la retraite d’office par le ministre de la Guerre, Georges Bidault, pour avoir participé en tenue au défilé populaire du 14 juillet, officiellement à titre de sanction disciplinaire, mais en réalité en raison de son engagement politique. Il apparaissait depuis plusieurs années déjà comme un des « compagnons de route » les plus en vue du Parti communiste (PC).
Un des signes les plus évidents de ce « compagnonnage » fut sa carrière de sénateur apparenté communiste. Il se fit élire au Conseil de la République en janvier 1948, puis réélire, par le département de la Seine, les 18 mai 1952 et 8 juin 1958. Pour les élections sénatoriales d’avril 1959, il figura en troisième position sur la liste présentée par le PC dans la Seine, derrière Jacques Duclos et Georges Marrane, ce qui lui assura une réélection facile, et confirma l’importance que lui attribuait le PC, alors que la consultation était pourtant le seul moyen pour les dirigeants communistes, qui avaient subi une hécatombe aux élections législatives de novembre 1958, de retrouver un siège parlementaire. Cependant, il ne se représenta pas en septembre 1968, pour le renouvellement du deuxième tiers du Sénat. Au Conseil de la République et au Sénat, il siégea dans les commissions de la défense nationale et des affaires étrangères, et aussi, de 1953 à 1959, comme suppléant, dans celle des affaires économiques. Une autre preuve visible de la confiance du PC fut sa présence dans les années 1960 au conseil d’administration de l’Institut Maurice Thorez.
Il appartint aussi à la mouvance « progressiste », qui rassemblait les « compagnons de route » des trois sensibilités radicales, chrétiennes, et socialistes unitaires. Membre du comité d’entente constitué par ceux-ci en 1948, au titre des chrétiens progressistes, il prit part à la conférence nationale qui fonda l’Union progressiste (UP) en décembre 1950. Il siégea jusqu’à la fin des années 1950 à la commission exécutive de ce groupement, ainsi qu’au comité de rédaction de sa revue, les Cahiers du progressisme, à partir de 1956. Au sein de l’UP, il représenta l’aile la plus proche du PC. Lors de la campagne pour les élections législatives de 1951, il intervint dans la confrontation entre le communiste André Marty et le progressiste Paul Rivet dans la première circonscription de la Seine, mais pour soutenir le premier contre le second, ce qui explique que sa réélection à la commission exécutive ne se fit pas sans difficultés en 1952.
Lié au PC, le général le fut également par sa position à la tête de multiples organisations spécialisées sous influence communiste. Il présida de la fin des années 1940 jusqu’à sa mort la Fédération des officiers de réserve républicains (FORR), dont il devint à la fin de sa vie le président d’honneur, tout en étant le vice-président de la Confédération nationale des réserves. Il en dirigea aussi la revue mensuelle, L’Armée française. Ces fonctions renforçaient sa légitimité quand il s’exprimait sur les questions militaires, et lui permettaient d’assurer la participation de militaires « républicains » à de multiples démonstrations d’inspiration communiste, en particulier aux manifestations populaires du 14 juillet, où il défilait rituellement à la tête des délégués de la FORR en uniforme. Il était également membre des comités d’honneur de l’Association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR), de l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC), et de l’Association des rapatriés d’Indochine, etc., toutes formations de la mouvance communiste.
Il attacha de même son nom à l’association France-URSS. Entré dès mai 1946 dans son comité directeur national, il en devint l’un des quatre vice-présidents en 1949, puis le premier des vice-présidents en 1952, et enfin le président en 1954, en remplacement de Frédéric Joliot-Curie, devenu président d’honneur. Après la crise de Budapest en 1956, il prit le titre de président-délégué de France-URSS, au sein d’une présidence devenue théoriquement collégiale. Cependant, il dut accepter en 1963 la création d’un siège de président-délégué adjoint au profit d’André Blumel, membre de la présidence depuis 1959, qui réclamait une participation effective des co-présidents à la vie de l’association, puis abandonner progressivement à celui-ci des responsabilités de plus en plus importantes, et finalement lui céder son mandat, pour prendre à son tour la présidence d’honneur, au congrès de mai 1970. Il œuvra autant qu’il le put dans ces fonctions pour le rapprochement franco-soviétique.
Si son rôle pendant la guerre le désignait pour présider France-URSS, son attachement à l’« amitié entre les peuples » et la sympathie particulière qu’il éprouvait pour certains pays le portèrent aussi à prendre la direction d’autres associations du même type. Il présida l’association France-Hongrie de 1954 à sa mort, fut membre du comité directeur national et vice-président de l’Association France-Vietnam dès sa fondation en juillet 1946, durant plusieurs années, et appartint dans les années 1950 au comité d’honneur des Amitiés franco-chinoises, à l’invitation desquelles il se rendit en Chine pour un voyage d’études.
Il fut en outre l’une des grandes figures des campagnes inspirées par le PC pour la paix. Signataire de l’appel pour les Assises de la paix et de la liberté en octobre 1948, membre du Conseil national des Combattants de la liberté et de la paix élu en novembre 1948, il fit partie de la commission nationale permanente constituée par ce dernier, puis de celle du Mouvement de la paix à partir de décembre 1951, et du Conseil national du Mouvement de la paix, sans discontinuer, de 1955 à 1970. Il figura dans le comité de préparation des États-généraux du désarmement, qui se réunirent en mai 1963. Son activité eut une dimension internationale. Il fit partie de la délégation française au Congrès mondial des Partisans de la paix, à Stockholm, en mars 1950, et fut l’un des premiers signataires de l’appel de Vienne appelant à régler par la négociation les problèmes internationaux en avril 1955.
Dans ces différents emplois, il exposa sans relâche un point de vue similaire à celui du PC sur l’armée, l’indépendance nationale et la paix, en opérant une synthèse entre le patriotisme français et la fidélité à l’URSS. Il se fit l’avocat d’une armée nationale et populaire, libre de toute tutelle étrangère, rendue à sa mission traditionnelle de gardienne du territoire, et fondée sur la conscription. Il plaida aussi pour l’amitié franco-soviétique, et plus particulièrement pour le traité signé par la France et l’URSS en 1944, dont il ne cessa de réclamer l’application et l’élargissement, comme condition de la paix. Par contre, il condamna les politiques d’armement et la préparation de la « guerre impérialiste », ainsi que tous les accords qui risquaient d’intégrer la France à un bloc occidental, de favoriser le réveil d’une Allemagne militariste, ou d’ouvrir la voie à une Europe communautaire supranationale sous influence américaine, et soutint les luttes d’indépendance des peuples colonisés. Lors des crises de 1958, il stigmatisa la guerre en Algérie comme une guerre « inutile » et source d’atrocités, se prononça pour une paix par la négociation débouchant sur l’indépendance, dénonça les agissements des factieux, appela les militaires, au nom de la FORR, à « obéir à la République et à elle seule », et vota contre le projet de loi relatif aux pleins pouvoirs et contre la réforme constitutionnelle. Après la guerre d’Algérie, il s’employa à combattre la force de dissuasion française, pour son danger, son coût et son inefficacité, et appuya le processus d’où sortit le traité de non-prolifération nucléaire de 1968.
Il ne se sépara pas du mouvement communiste lors des grandes crises qui le secouèrent. En novembre 1956, notamment, il ne se joignit pas aux personnalités progressistes qui déclarèrent ne pouvoir approuver les interventions de l’armée soviétique en Hongrie. S’il dut renoncer à la fin de sa vie à certaines fonctions de direction, ce fut pour des raisons non pas politiques, mais personnelles : des problèmes de santé, et la mort de son épouse, la « générale Petit », ancienne membre du bureau directeur de l’Union des Femmes françaises. Quand il mourut, à l’âge de 83 ans, il restait un symbole pour les communistes et communisants. Le secrétaire général adjoint du PC, Georges Marchais, lui rendit immédiatement hommage dans L’Humanité, en évoquant « un ami fidèle et courageux de notre Parti ». Des démonstrations semblables montèrent de multiples organisations, presque toutes de la mouvance communiste. Ses obsèques résumèrent ses engagements. Après un office religieux, puis quatre discours, d’André Blumel au nom de France-URSS, de Jacques Duclos au titre du PC, de Pierre Cot pour l’Union progressiste, et de Robert Bouvier, son successeur à la tête de la FORR, il fut accompagné jusqu’à sa dernière demeure, au cimetière de Saint-Maur, par de fortes délégations des sénateurs communistes, du PC, de France-URSS, du Mouvement de la paix, de la FORR, de la CGT, de l’Union des Femmes françaises, principalement, et du corps diplomatique, en particulier de l’ambassade soviétique.
Il était revenu des deux guerres mondiales commandeur de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de guerre 1914-1918 et 1939-1945 avec palmes, de la médaille des évadés, et de la rosette de la Résistance, et de sa mission en Amérique latine commandeur du Mérite militaire du Paraguay, et décoré des Ordres péruviens d’Ayacucho et Del Sol. Sa mission en URSS lui avait valu l’Ordre du Drapeau rouge de l’URSS, et la médaille soviétique de la Victoire. Le gouvernement soviétique lui avait décerné l’ordre du Héros du Travail socialiste pour son 80e anniversaire.
Par Éric Nadaud
ŒUVRE : en collaboration avec le général Martial Valin, L’Armée et l’aviation de la France libre, New Delhi, Bureau d’information de la France combattante, n. d., 16 p. — Souvenirs sur l’Armée rouge, Paris, Éditions France-URSS, 1946, 28 p. – Préface à Général Joinville et capitaine de vaisseau Louis de Villefosse, Demain, l’armée française, Paris, éditions du Pavillon, 1950, 80 p. – Postface à Jean Jaurès, L’Armée. Textes extraits de « L’Armée nouvelle », Paris, Éditions de « L’Armée française », 1959.
SOURCES : Arch. Ppo., RG, GA/P1. - Rapport RG PCF 1950 (communiqué par l’IHTP). – CAC 19960325 art. 1. — Arch. Mouvement de la paix (Bobigny). – France-Viêt-Nam. Bulletin d’information, 1946-1951. — France-URSS, 1946-1971, et juillet-août 1971. – France-Hongrie, 1954-1971. – L’officier et le sous-officier de réserve de L’Armée française, 1949-1971. – L’Armée française, 1945-1971. – Le Monde, 30-31 mai 1971. – L’Humanité, 1er, 2 et 3 juin 1971. - wikipédia. – www.senat.fr/senateur-4eme-republique/petit_ernest000739.html. - www.senat.fr/table-nominative-archives/petit_ernest000739/4R/1948.html. — État civil. — Notes de Claude Pennetier.