NAVARRO Raymond [Bouches-du-Rhône]

Par Gérard Leidet

Né le 5 juin 1939 à Tarascon (Bouches-du-Rhône) ; cheminot ; militant communiste, membre du bureau fédéral des Bouches-du-Rhône (1976-1999) ; syndicaliste CGT ; conseiller municipal de Septèmes-les-Vallons (1983-2008).

Raymond Navarro est le fils de Juan Navarro, ouvrier espagnol qui fut apprenti à la verrerie de Givors (Rhône) dès l’âge de treize ans puis ouvrier agricole dans la région d’Arles, notamment à Tarascon. Sa mère Eléonore Mora, espagnole elle aussi, était manutentionnaire toujours à Givors, embauchée dès l’âge de onze ans à l’aide de faux papiers, l’école étant alors obligatoire jusqu’à treize ans. Ses parents étaient tous deux enfants d’immigrés et ne militaient dans aucun parti ouvrier ou syndicat.

Après des études à l’école communale de Tarascon où il passa le certificat d’études primaires, Raymond Navarro entra comme apprenti mécanicien dans un garage automobile situé dans cette localité. Il fut ensuite ouvrier à l’usine de Cellulose du Rhône toujours à Tarascon. C’est dès son retour de l’armée et de la Guerre d’Algérie qu’il adhéra en 1963 au Parti communiste français et à la CGT. Les raisons de son adhésion furent multiples. Il y eut d’abord le refus de « l’exploitation » de son père immigré, « rarement payé », en attente d’une naturalisation qui mettra vingt ans à devenir effective. Le patron, profitant de la situation, pratiquait un véritable chantage relatif à la poursuite du contrat de travail absolument indispensable à la famille afin de ne pas être expulsée vers l’Espagne. Ensuite, la Guerre d’Algérie, vécue silencieusement et douloureusement dans les Aurès au sein du Groupe de transport du 1er régiment de parachutistes, constitua pour le jeune ouvrier une véritable prise de conscience politique. Enfin, la rencontre avec des militants communistes du dépôt SNCF de la Blancarde à Marseille et les réponses recueillies à propos de l’ « exploitation » du monde ouvrier et les positions du Parti communiste sur l’indépendance des peuples accélérèrent le processus d’adhésion au PCF. Dans cette période, au début des années 1960, Navarro exerçait le métier de mécanicien automobile à Marseille, dans un garage automobile situé Cours Gouffet.

Désireux de progresser dans sa culture et sa pratique militantes, Raymond Navarro multiplia, entre 1970 et 1974, les cessions de formations au sein du Parti communiste : école élémentaire, école fédérale, école centrale à Paris (un mois), école centrale à nouveau comme directeur adjoint, école de 4 mois toujours à Paris jalonnèrent un parcours ascendant dans l’appareil communiste et la direction fédérale des Bouches-du-Rhône. Après avoir été embauché en 1963 à la SNCF au dépôt de Marseille Blancarde, Raymond Navarro fut successivement secrétaire de cellule et délégué CGT du personnel de ce même dépôt (1965).
Désormais employé SNCF, il figura lors des élections municipales de mars 1965 sur une des listes « Union des forces démocratiques » composées par le PCF et certains militants socialistes. L’année suivante, il devint secrétaire de la section de Saint Barnabé, quartier situé dans le 12e arrondissement de Marseille. Toujours secrétaire de section, il fut élu au comité de la fédération communiste des Bouches-du-Rhône le 10 mars 1968.

Huit ans plus tard, c’est au lendemain du XXIIe congrès du PCF qui eut lieu à L’Île-Saint-Denis en février 1976 que Raymond Navarro accéda au bureau fédéral (avril 1976). Dans cette période marquée par de nouvelles et importantes responsabilités il fut en tant que membre du secrétariat du comité ville, responsable à l’entreprise ; puis en tant que membre du secrétariat fédéral, chargé de l’organisation et des cadres.

Raymond Navarro avait épousé Claude Béraud en novembre 1961 à Marseille. Secrétaire de la section CGT à la poste Colbert à Marseille entre 1967 et 1976 et fille de sympathisants communistes, celle-ci était également trésorière de la section PCF des 2e et 3e arrondissements de Marseille.

Raymond Navarro compléta ce parcours politique et syndical avec plusieurs mandants d’élu local, il fut en effet conseiller municipal de Septèmes-les-Vallons dans les municipalités conduites par Marc Ferrandi (1983-1999) puis André Molino (1999-2008), le fils de Lucien Molino, ancien militant mutualiste et dirigeant national de la CGT dans les années 1950.

Depuis 2004, Raymond Navarro est responsable des vétérans communistes des Bouches-du-Rhône ainsi que membre du bureau national de l’Amicale des vétérans. À ce titre, il a été en 2012-2013 à l’origine de la constitution d’une équipe de militants et de chercheurs pour un projet éditorial, celui de réaliser un ouvrage collectif-entre histoire et mémoire- relatif à l’histoire de la Fédération des Bouches-du-Rhône du PCF (1920-2000, en cours de parution).
Homme d’appareil pour les uns, militant fidèle et dévoué à son parti quelles que soient les difficultés pour les autres, dirigeant fédéral très « souple » et faisant montre d’ouverture et/ou d’intransigeance lorsque les circonstances l’exigeaient (témoignages de militants du PS et de la LCR), Raymond Navarro était au milieu des années 1990, selon le correspondant du journal Le Monde le dirigeant communiste le plus influent de la Fédération des Bouches-du-Rhône. À ce titre c’est lui qui fut en charge des négociations complexes avec Bernard Tapie, alors député de la Xe circonscription du département. Ce fut-là l’occasion de dissensions internes avec certains élus communistes tels Roger Meï, maire PCF de Gardanne, lequel devait d’ailleurs succéder à Bernard Tapie, lorsque ce dernier fut déchu de son mandat par le Conseil constitutionnel (octobre 1996).

Évoquant en 2008 son parcours militant centré notamment sur les années situées autour de mai et juin 1968, Raymond Navarro nuançait les sentiments de nostalgie qui pouvaient être ressentis au soir d’une vie militante très active et en appelait encore et toujours à l’action collective, de masse : « Nostalgie ?... Oui quand je me souviens de l’influence du Parti et de la CGT ; et ce rapport de forces impensable aujourd’hui. Ça fait un peu rêver mais tout cela n’a pas suffi ; c’est plus compliqué que cela la révolution ! Un mouvement populaire « acteur » a manqué, malgré la grève générale la plus longue de notre histoire sociale. C’est une voix difficile mais elle est juste. On a vécu des moments extraordinaires démontrant que rien n’était impossible. Les citoyens se déterminent toujours au bout du compte en fonction de leurs besoins. Il y a donc un espoir dans les réponses qu’a apportées le Mouvement ouvrier. Si c’étaient les partis et les leaders qui faisaient l’histoire, on pourrait désespérer ; or l’histoire sociale nous enseigne que ce sont les peuples qui font l’histoire. Il y a donc de l’espoir… ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146138, notice NAVARRO Raymond [Bouches-du-Rhône] par Gérard Leidet, version mise en ligne le 23 avril 2013, dernière modification le 8 octobre 2013.

Par Gérard Leidet

SOURCES : Archives comité national du PCF. — Liste établie le 14 août 1968 à la suite de l’élection des instances dirigeantes de la Fédération communiste des Bouches-du-Rhône. — La Marseillaise, 20 février 1965, 6 avril 1976. — Notes de Jean-Claude Lahaxe et Gérard Perrier. — Entretien avec le militant, novembre 2011. — Le Bulletin de Promémo, n° 8, octobre 2008, p 14-17, témoignage de Raymond Navarro recueilli par Gérard Leidet.

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