TROLLEY DE PRÉVAUX Jacques, Marie, Charles. Dit Vox

Par Jean-Pierre Besse, Jean-Marie Guillon

Né le 2 avril 1888 à Paris (VIIe arr.), exécuté le 19 août 1944 à Bron (Rhône) ; officier de marine ; responsable du réseau F2 ; Compagnon de la Libération.

Jacques Trolley de Prévaux naquit à Paris (VIIe arr.) le 2 avril 1888, dans une famille de noblesse de robe catholique. Son père, Louis, Gaston, Alfred, était titulaire de la chaire de Droit commercial à la faculté de Droit de l’Institut Catholique de Lille, sa mère Élisabeth, Marie, Aurélie Jacquin de la Margerie était sans profession. Ses parents s’étaient mariés à Lille.

Après des études secondaires au collège Saint-Joseph de Lille, il décida de devenir marin et prépara à Paris le concours de l’École Navale où il fut reçu troisième en 1906. Sorti en cinquième position de Navale, il suivit les cours de l’école d’application sur le Dugay-Trouin. Promu enseigne de vaisseau en 1911, puis lieutenant de vaisseau en 1917, Jacques de Prévaux passa à sa demande dans l’aéronautique et fut affecté au commandement du centre de dirigeables de Marquise-Rinxent Il effectua de nombreuses heures de vol et participa à la Première Guerre mondiale à l’issue de laquelle il fut décoré de la croix de guerre et de la Légion d’honneur.

En février 1920 il intégra le cabinet du ministre de la Marine avant de commander une canonnière, La Diligente, pendant deux ans. Il épousa en avril 1920 à Paris Blandine Ollivier, petite-fille d’Émile Ollivier, dont il eut deux filles. Capitaine de corvette en 1923, il fut nommé l’année suivante commandant du Centre d’aéronautique navale de Cuers-Pierrefeu dans le Var. Il fut ensuite le premier attaché naval en Allemagne de 1926 à 1930 au côté de son oncle, Pierre de Margerie, ambassadeur de France à Berlin. Il fut marqué par ce séjour dans l’Allemagne à la veille de l’arrivée des nazis au pouvoir. Promu entre-temps au grade de capitaine de frégate, il reçut de retour en France le commandement de l’Altaïr, aviso colonial basé à Shanghai où il reste jusqu’en 1933 et où il s’initie à la philosophie orientale. Affecté de 1934 à 1936 à la base d’aviation de Rochefort, il fut par la suite auditeur au Centre des Hautes Etudes Navales (CHEN) et au Centre des Hautes Etudes de Défense Nationale (CHEDN). Promu au grade de capitaine de vaisseau en 1937, il prit, en août 1938, le commandement du croiseur Duguay-Trouin. Il divorça en juillet 1939 et se remaria à Paris avec Charlotte Leitner*.

En 1940, il se trouva immobilisé avec la flotte à Alexandrie et fut un de ceux qui permirent d’éviter le combat contre les Anglais en juillet 1940. Gravement malade, il fut rapatrié à Toulon en novembre 1940. Nommé président du Tribunal maritime de Toulon en juillet 1941, cet anticommuniste se trouva cependant en porte-à-faux lorsqu’il dut juger des gaullistes. Il était signalé par la police dès le 6 décembre 1940 lui-même comme gaulliste au Rayol (Var) où il résidait. Il aurait eu contact en 1941 avec le capitaine Fourcaud, l’un des premiers envoyés de la France Libre. Le couple Trolley de Prévaux aurait fréquenté également Joseph Kessel et sa maîtresse, Germaine Sablon, tous deux anglophiles et engagés dans la Résistance. Jacques Trolley de Prévaux prit contact en novembre 1941 à Toulon, avec l’antenne locale du réseau de renseignements F2 d’origine polonaise et lié à l’Intelligence Service. Mis en disponibilité par l’amiral Darlan le 20 décembre 1941, il s’engagea dans le réseau en janvier 1942 en pensant travailler pour la France Libre qu’il aurait voulu rejoindre. Sous le pseudonyme de Vox, il fut d’abord un agent du sous-réseau Marine de F2, puis, le réseau ayant été désorganisé par les arrestations à l’automne 1942, lors de l’occupation de la zone Sud, il participa activement à sa reconstruction et devint, à la mi-mai 1943, le responsable du sous-réseau Anne dont le PC était à Nice et qui couvrait le littoral méditerranéen. Il aurait pourtant souhaité pouvoir partir à Londres, pensant que son grade lui aurait permis d’accéder à des responsabilités dans les Forces françaises navales libres. Il fut décoré de la Distinguished Service Order par le gouvernement britannique le 26 mai 1943. Son activité était couverte par la Société de produits alimentaires et ménagers qu’il avait créé et qui avait son siège à Cannes. Mais le réseau fut à nouveau ébranlé par la répression. Son adjoint, Georges Makowski, s’étant donné la mort le 6 juillet 1943 pour échapper à l’arrestation, Jacques Trolley de Prévaux quitta Nice pour Lyon d’où il continua ses activités clandestines, n’ayant pu encore une fois avoir la possibilité de partir au Royaume-Uni. Il fut arrêté avec sa femme le 29 mars 1944 à Marseille par le Sipo-SD. Torturés, emprisonnés à Marseille, Nice, puis Lyon, au Fort Montluc, ils firent partie de la dernière fournée de résistants que les Allemands exécutèrent, le 19 août 1944, à Bron, dans la banlieue lyonnaise.

En raison des services rendus, Jacques Trolley de Prévaux fut nommé, le 16 avril 1945, contre-amiral avec effet rétroactif. Son corps repose à la Nécropole Nationale de la Doua à Villeurbanne. Commandeur de la Légion d’Honneur à titre posthume, il fut fait Compagnon de la Libération le 18 janvier 1946 et décoré de la Virtuti Militari de Pologne ainsi que de la croix de guerre 1939-1945.

Son nom a été donné à une rue du Rayol (Var) dès 1946. Il fallut plus de temps et l’obstination de ses anciens compagnons pour que la marine honore sa mémoire. Cependant son nom fut donné à un amphithéâtre de la Base aéronavale de Rochefort le 28 novembre 1986 et à une avenue du quartier Saint-Pierre à Toulon, le 27 novembre 1990 (avec érection d’une plaque commémorative). Une rue du XIIIe arrondissement de Paris porte aussi le nom de Trolley de Prévaux.

Il obtint le titre de « Mort pour la France ».

Voir Bron (17-21 août 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146141, notice TROLLEY DE PRÉVAUX Jacques, Marie, Charles. Dit Vox par Jean-Pierre Besse, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 23 avril 2013, dernière modification le 1er mars 2020.

Par Jean-Pierre Besse, Jean-Marie Guillon

SOURCES : État civil. — Archives départementales du Var 13M38 ; — Archives nationales, fonds du comité d’histoire de la 2e Guerre mondiale ; site des Compagnons de la Libération. — Presse locale (Cols Bleus, 10 janvier 1987, Var Matin 11 mai 1987). —Témoignages. — Aude Yung de Prévaux, Un amour dans la tempête de l’histoire : Jacques et Lotka de Prévaux, Kiron/édition du Félin, coll. Résistance-Liberté-Mémoire, 1999. — Georges Debat, Marine oblige, Paris, Flammarion, 1974 (ouvrage dédié à l’amiral Trolley de Prévaux). — Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1989. — Jean Médrala, Les réseaux de renseignement franco-polonais 1940-1944, Paris, L’Harmattan, 2005.— Vladimir Touplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010. — Site Internet Mémoire des Hommes.

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