RIECKERT Roger, Pierre, Éloi [Pseudonyme : l’Évêque]

Par Daniel Grason, Michel Thébault

Né le 1er décembre 1921 à Paris (XIe arr.), fusillé après condamnation à mort le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; étudiant en sciences à Poitiers (Vienne) ; résistant FFC réseau Marie-Odile, groupe Tullius et FTPF

Roger Rieckert était le fils d’André, Albert Rieckert (né le 21 septembre 1894 à Paris) ingénieur chimiste et de Marguerite, Césarine Martinet (née le 26 mars 1889 à Paris). Ses parents s’étaient mariés à la mairie du XIème arrondissement de Paris le 17 août 1916. Son père étudiant en chimie était alors mobilisé et sa mère était secrétaire. Son père mobilisé en septembre 1914, promu Maréchal des Logis en janvier 1917 et affecté au service aéronautique fut démobilisé en septembre 1919. La famille vécut jusqu’en 1937 à Paris puis André Rieckert devint en 1938 ingénieur chimiste à la Société de la Pile Leclanché à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne) en périphérie de Poitiers. Au début des années 40, Roger Rieckert demeurait avec ses parents 29, boulevard sous Blossac à Poitiers. Célibataire, il était étudiant en sciences à Poitiers. Ses parents s’engagèrent dans la Résistance au sein du réseau « Marie-Odile », une filière d’évasion. Son dossier au SHD Vincennes indique que Roger Rizckert en faisait également partie.

Contacté par Marc Delaunay, un étudiant en médecine, il entra dans le groupe Tullius et prit le pseudonyme de « l’Évêque ». Ce groupe composé d’étudiants, après avoir mené beaucoup d’actions mineures de résistance à Poitiers (inscriptions murales, chahuts dans les cinémas, vols d’armes et munitions dans les cafés et bains publics…) avait constitué un groupe de résistance organisé, le groupe Tullius (du nom de l’esclave affranchi de Cicéron). Le groupe décida d’enlever le docteur Michel Guérin, président du Parti populaire français de la Vienne. Celui-ci écrivait régulièrement dans L’Avenir de la Vienne sous le pseudonyme de Chavigny où il dénonçait les communistes et les francs-maçons, et se déclarait partisan de la collaboration avec l’Allemagne. Se sachant menacé, il avait fait poser des barreaux aux fenêtres de sa maison et obtenu le droit de porter une arme. Le 13 mai en soirée, Marc Delaunay frappa à la porte du docteur lui demandant d’aller soigner l’une de ses clientes. Michel Guérin s’y rendit, quand il ouvrit la porte du jardin vers 22 heures, l’un des hommes en embuscade lui asséna un coup de marteau sur la tête. Le docteur dégaina son arme, tira à trois reprises. Le pistolet s’enraya, deux des quatre autres le frappèrent à coups de poignard, puis tous prirent la fuite. Les dirigeants FTPF de Poitiers parvinrent à prendre contact avec le groupe, proche par ailleurs de jeunes étudiants communistes, et leur proposa de participer à leurs côtés aux actions de sabotage des FTPF. Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1943, avec les deux frères Marc et Jacques Delaunay, Roger Rieckert était dans l’équipe qui fit dérailler un train à Ligugé. L’arrestation fortuite d’un résistant FTPF à la mi-août 1943 permit, par les interrogatoires sous la torture, à la section des affaires politiques de la police française (SAP) du commissaire Rousselet de remonter les filières du réseau FTPF. Jacques Massias, l’un des membres du groupe Tullius, fut arrêté le 3 août à Bignoux (Vienne) dans une souricière tendue par la SAP, lors de son arrivée en vélo au QG du groupe FTPF. Le 5 août, Marc et Jacques Delaunay et leur père Georges Delaunay d’une part, Jean Gautier, Roger Rieckert et son père André Rieckert d’autre part, furent arrêtés à leurs domiciles respectifs (Jean Gautier menacé par la réquisition du STO s’était réfugié au domicile des Rieckert). Incarcérés d’abord à la prison de la Pierre-Levée à Poitiers, ils furent transférés le 29 août 1943 à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Tous comparurent devant la section de Paris du tribunal d’État. Le commissaire du gouvernement demanda la peine de mort, laissant le soin au tribunal de réfléchir sur le sort de Jacques Delaunay et Éloi Rickert qui ne donnèrent pas de coups au docteur Guérin. Les avocats de la défense dont Me Maurice Garçon relevèrent que le docteur Guérin par ses écrits avait suscité des passions. Ils affirmèrent que les jeunes gens ne voulaient pas le tuer mais lui donner une correction.
Marc Delaunay, Jean Gautier, Jacques Massias et Éloi Rieckert furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité pour avoir volontairement exercé des violences et voies de fait ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Jacques Delaunay, qui n’avait pas porté de coups, fut condamné à vingt ans de travaux forcés pour avoir aidé les autres en connaissance de cause.
Trouvant le verdict trop clément, les Allemands exigèrent le lendemain que les cinq hommes leur fussent livrés. Ils furent interrogés par les policiers de la Sipo-SD (police de sûreté et de sécurité), puis comparurent le 24 septembre 1943 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Ils furent condamnés à mort pour « actes de franc-tireur et aide à l’ennemi », à l’exception de Jean Gautier condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Roger Rieckert, Jacques Massias, Marc et Jacques Delaunay furent fusillés le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien. Inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), le corps de Roger Rieckert fut restitué à sa famille le 10 octobre 1947.

Il obtint la mention mort pour la France par décision du 11 décembre 1945 et le statut Interné -Résistant (DIR). Il reçut à titre posthume la Médaille de la Résistance par décret du 31 mars 1947. Son nom est inscrit sur le monument commémoratif du Mont Valérien.

Son père André Rieckert fut déporté à Buchenwald par le convoi parti de Compiègne le 22 janvier 1944. Il survécut et fut libéré le 11 avril 1945. Sa mère Marguerite Rieckert (née Martinet) poursuivit l’action résistante, au sein du réseau « Marie-Odile », une filière d’évasion, et fut arrêtée le 15 janvier 1944 pour hébergement de résistants. Déportée à Ravensbrück puis Hanovre et Bergen Belsen, elle survécut également et revint à Poitiers en mai 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146262, notice RIECKERT Roger, Pierre, Éloi [Pseudonyme : l'Évêque] par Daniel Grason, Michel Thébault, version mise en ligne le 29 avril 2013, dernière modification le 10 décembre 2021.

Par Daniel Grason, Michel Thébault

Photographie du groupe Tullius réalisée par le Service Régional le 13 août 1943, après leur arrestation, à la prison de la Pierre Levée à Poitiers. Légendée "Assassins du Dr. Guérin"
Photographie du groupe Tullius réalisée par le Service Régional le 13 août 1943, après leur arrestation, à la prison de la Pierre Levée à Poitiers. Légendée "Assassins du Dr. Guérin"

SOURCES : Arch. PPo., BA 2057, 77W 700. — SHD Vincennes GR 16 P 510725 (nc) et SHD Caen AVCC, Boîte 5 / B VIII 4, Liste S 1744-317/43 (Notes Thomas Pouty). — Le Matin, 11 et 27 août 1943, 11 septembre 1943. — Christian Richard, La Solidarité, une loge maçonnique poitevine, Geste Éditions, 2008 — Mémorial genweb — Arch. Dép. Paris (état civil, registre matricule) et mairie de Poitiers registre complémentaire des décès 1944 acte n° 7.

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