GRAIZELY Adrien, Eugène

Né le 12 avril 1845 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) ; mort en 1925 ; horloger ; fondateur du mouvement syndical dans le Doubs ; secrétaire permanent de la Bourse du Travail de Besançon de sa création en 1894 à 1924.

Né en 1845 en Suisse, Adrien Graizely adhéra assez tôt au mouvement syndical de ce pays, et y milita activement puisqu’en 1873 on le vit créer un syndicat de monteurs de boîtes d’argent qui engagea aussitôt une action et obtint un relèvement des salaires de 20 %.

En 1876, se trouvant sans travail, il quitta la Suisse et, comme nombre de ses compatriotes horlogers, vint chercher fortune en France. Il s’installa à Besançon.

Il n’y trouva aucun syndicat, mais une organisation mixte de patrons et ouvriers boîtiers-argent, créée en 1875, à la fois pour faire pression sur les patrons horlogers « du mouvement » et pour contenir les tentatives d’organisation indépendante de la classe ouvrière. Syndiqué depuis longtemps, bénéficiant de la longue expérience du syndicalisme helvétique, Graizely engagea aussitôt la lutte dans ce milieu inexpérimenté pour l’exclusion des patrons et la transformation de l’organisation mixte en syndicat ouvrier. Dès la fin de 1876, le but était atteint : le premier syndicat bisontin était né.

Adrien Graizely allait rapidement donner l’exemple à d’autres corporations : entre 1878 et 1891 s’organisèrent les syndicats des boîtiers-or, typographes, graveurs, repasseurs-remonteurs, métallurgistes, tailleurs de pierre, ouvriers de l’échappement (horlogerie). Plusieurs mouvements de grève éclatèrent, notamment dans les corporations horlogères. En 1891 était créée une fédération locale des syndicats qui se transforma dès l’année suivante en « Fédération ouvrière de Besançon et de Franche-Comté ». Graizely participa à cette création, mais il est difficile d’y dégager son action personnelle. En 1894, la fédération ouvrière mit sur pied une Bourse du Travail dont Graizely fut élu secrétaire permanent. Il le demeurera jusqu’en 1924 — voir toutefois Barreau qui aurait dirigé la Bourse en 1905 — et, alors que le Comité fédéral avait proposé pour le secrétaire un traitement annuel de 1600 f, Graizely demanda que son salaire soit réduit à 1 500.

Pendant trente ans, il allait être responsable de la Bourse (ceci alors qu’aucun secrétaire fédéral ne restait plus de cinq ans en exercice) et le seul « militant professionnel » de la fédération. Ceci explique l’influence prépondérante qu’il exerça dans l’activité et l’orientation du mouvement syndical bisontin.

Médiocre orateur mais remarquable organisateur, il savait mieux que personne mener de front les menues tâches qui assaillent le responsable d’une Bourse du Travail. Son désintéressement, son courage expliquent la sympathie qu’éprouvaient pour lui les militants ouvriers.

Graizely n’avait cependant pas que des admirateurs dans le monde ouvrier et son activité s’inspirait des traditions du syndicalisme helvétique. Ceci explique en partie que la fédération ouvrière ait repris les principes d’organisation et d’orientation des syndicats suisses : qualités d’organisation, finances solides, multiplication des caisses, mais aussi indifférence aux problèmes idéologiques, praticisme étroit, empirisme, tendance à s’enfermer dans le corporatisme local. Cette indifférence doctrinale s’accompagnait évidemment d’une pratique réformiste et du refus, pour le mouvement syndical, des positions dites politiques (pourtant Graizely était membre de la section bisontine du POSR — allemaniste).

Lorsqu’en 1908 une longue grève aux « soieries » de Besançon mit aux prises policiers et grévistes, l’orientation « légaliste » de Graizely ressortit profondément et il n’avait que méfiance pour la direction syndicaliste-révolutionnaire de la CGT. Dans son activité de la Bourse, il eut souvent tendance à se confiner dans un rôle de secrétaire du bureau de placement, ce qui lui valut à plusieurs reprises les critiques des militants. Si, jusqu’à la guerre de 1914-1918, le mouvement syndical bisontin présente plusieurs aspects typiquement réformistes (finances solides, prépondérance de la caisse de grève, méfiance envers les ouvriers non syndiqués, multiplicité des « services », caisse de chômage, secours mutuels, maladie, etc.), c’est en partie à Graizely qu’il le doit.

Après la scission du mouvement syndical, Graizely resta à la CGT et conserva le secrétariat de la Bourse jusqu’au 4 avril 1924. Les fonctions de secrétaire de l’Union départementale créée en 1913 et dont Graizely fut secrétaire pendant la guerre et celles de secrétaire de la Bourse furent alors confondues en la personne d’un militant métallurgiste de vingt-sept ans, Adrien Jeannin.

Voir Joly.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146269, notice GRAIZELY Adrien, Eugène, version mise en ligne le 3 mai 2013, dernière modification le 3 février 2020.

ICONOGRAPHIE : J. Charles, op. cit.. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 62. — La CGT, op. cit., p. 487.

SOURCES : J. Charles, Les Débuts du Mouvement syndical à Besançon, Paris, 1962. — J. Charles, Le Mouvement social, n° 40, juillet, septembre 1962, pp. 31-32.

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