OMS Marcel, Laurent, François

Par André Balent

Né le 16 décembre 1931 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 22 juillet 1993 à Narbonne (Aude) ; professeur, animateur culturel, historien du cinéma ; militant de l’extrême gauche perpignanaise (militant troskyste — lambertiste— , fondateur du groupe local « Spartacus », adhérent du PSU) ; coopérateur viticole ; militant associatif, fondateur des « Amis du Cinéma » de Perpignan et de l’Institut Jean-Vigo de Perpignan ; militant du SNES puis du SGEN.

Marcel Oms, années 1980
Marcel Oms, années 1980
arch. Jacqueline Rolland-Oms, reproduction André Balent

Les racines de Marcel Oms étaient à Collioure (Pyrénées-Orientales), port de la Côte Vermeille et, plus précisément, au hameau du Rimbau, à l’intérieur des terres, dans le massif de l’Albère d’où était originaire sa mère. Il demeura toujours attaché à ce lieu où son frère Gérard, né le 17 mai 1947, vigneron (crus AOC « Collioure » « et « Banyuls ») et éleveur bovin s’établit comme agriculteur en reprenant les propriétés familiales. Toutefois Marcel Oms naquit à Perpignan, place des Esplanades, près de des casernes où étaient alors cantonnées les troupes africaines.

Le père de Marcel Oms, Laurent, Victorin, Jean Oms était né le 24 mars 1901 à Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales). Militaire de carrière, il était, en 1931, adjudant au 24e régiment de tirailleurs sénégalais alors cantonné à Perpignan après avoir été en garnison au Maroc. Il était issu d’une famille pauvre de onze enfants et fut de ce fait amené à embrasser la carrière militaire. Son fils Marcel fut, au contraire, un antimilitariste convaincu. Sous la IVe République, Laurent Oms était « gaulliste ». La mère de Marcel Oms, Hélène, Augustine, Françoise Verdaguer était née à Collioure le 24 mars 1908. Elle possédait une maison et des terres au Rimbau.

Marcel Oms passa son enfance au Rimbau chez ses grands-parents maternels. Il suivit d’abord sa scolarité à l’école primaire de Collioure puis au collège de garçons de Perpignan devenu lycée François-Arago en 1945. Il échoua une fois au baccalauréat à la session de juillet et réussit à celle d’octobre. Doué en mathématiques, il passa néanmoins un baccalauréat de philosophie étant attiré par la littérature, la langue espagnole et, déjà, le cinéma. Il fréquenta ensuite la faculté de Lettres de Montpellier (Hérault). Il suivit d’abord des cours de Droit pour satisfaire la volonté paternelle, mais, inscrit en Espagnol, il suivit aussi des cours de philologie romane et de grammaire française qui l’intéressèrent vivement. Il présenta sans succès le CAPES d’Espagnol car lors des épreuves orales un inspecteur général lui reprocha son accent catalan. Il fut reçu au CAPES de Lettres modernes. Professeur certifié, il accéda plus tard au grade d’agrégé par promotion interne. Son abondante œuvre d’historien du cinéma fut en partie consacrée à la Guerre d’Espagne (1936-1939) et au cinéma espagnol. Marcel Oms soutint un diplôme d’études supérieures consacré au Romancero gitan puis une thèse de 3e cycle sur Luis Buñuel publiée en 1986 aux éditions du Cerf (Don Luis Buñuel). En 1986, couronnement de sa carrière d’historien du cinéma, il soutint une thèse de doctorat d’Études romanes, section « Espagnol » (nouveau régime) à l’université de Montpellier III Paul-Valéry sur les Mythes et mythologies de la Guerre d’Espagne. Pierre Broué présidait le jury où siégeait aussi Émile Témime. Une version « grand public » fut publiée la même année aux éditions du Cerf (La Guerre d’Espagne au cinéma) et obtint, toujours en 1986, en Espagne, la médaille de bronze du Prix film Historia. Pour son œuvre de critique et d’historien du cinéma, il fut fait chevalier des Arts et des Lettres par Jack Lang, ministre de la Culture. En juin 1989, il reçut en Espagne, des mains du roi Juan Carlos et en présence de Jorge Semprun*, ministre de la Culture, la médaille d’or du Mérite des Beaux-Arts pour son œuvre sur l’Espagne.

Marcel Oms occupa son premier poste dans un collège de Montpellier (1955) puis, avant le service militaire, fut affecté au lycée de Vienne (Isère). À Montpellier, il fut actif dans les rangs de l’UNEF où il s’engagea à fond contre la guerre d’Algérie.

Marcel Oms se maria une première fois le 17 août 1955 avec Jacqueline, Marie, Suzanne Rolland, née le 4 juillet 1930 à Perpignan, fille d’instituteurs. Elle était la sœur de l’acteur de cinéma Jean-Claude Rolland, prématurément disparu (1967), qui fut un ami très proche de Marcel Oms. Ce fut d’ailleurs Jean-Claude Rolland qui lui fit connaître sa première épouse. Elle fut professeur de sciences naturelles au collège de jeunes filles de Perpignan, devenu par la suite le lycée mixte Jean-Lurçat. Si Marcel Oms divorça — le divorce fut prononcé par le tribunal de grande instance de Carcassonne (Aude) le 29 février 1972 — et se remaria le 15 juin 1972 à Moussan (Aude) avec Hélène, Marie Climent, originaire de l’Aude, il conserva toujours d’excellentes relations avec sa première femme.

Très hostile à la guerre d’Algérie, il comptait parmi ses amis les plus proches des « porteurs de valises » comme Jacques Faucher militant de l’OCI à Montpellier, Jean Carrière — qu’il connaissait depuis la classe de 6e au collège de Perpignan et qui l’amena à se détourner des lambertistes — et son beau-frère l’acteur Jean-Claude Rolland, membre actif des réseaux Jeanson. Marcel Oms, au courant des activités du réseau Jeanson*, ne participa pas à son action clandestine car, marié, il estimait ne pouvoir agir dans la clandestinité. Appelé sous les drapeaux, il effectua, à partir de décembre 1956 vingt-huit mois de service militaire, d’abord huit mois à Montluçon (Allier), Kaiserslautern (Allemagne) et Lunéville (Meurthe-et-Moselle) puis vingt mois en Algérie à Blida puis à Médéa. Là, l’antimilitariste qu’il était en vint à éprouver de l’admiration pour la Légion. À Médéa, le cinéphile Marcel Oms fonda un ciné-club implanté au collège de la ville.

À son retour du service militaire, en avril 1961, il fut nommé à Cluses (Savoie) dans une école d’horlogerie. L’année suivante, ayant demandé sa mutation, il fut nommé au lycée de garçons Paul-Sabatier de Carcassonne. Désirant se rapprocher de Perpignan, il obtint l’année suivante un poste à la cité technique de Narbonne (Aude) où on lui confia un enseignement de philosophie et d’histoire-géographie. Il fut enfin nommé au lycée technique du Clos Banet de Perpignan plus tard lycée polyvalent, aujourd’hui nommé « Pablo-Picasso » à l’initiative de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon. Par la suite, tout en conservant son poste dans le secondaire, il assura, à partir de 1971 et jusqu’en 1981, un enseignement de cinéma à l’université de Perpignan. Il se consacra alors à la rédaction de sa thèse, refusant un poste flatteur de professeur à l’université de Lausanne. Il œuvra tout au long de sa vie professionnelle pour introduire le cinéma à l’école, du collège à l’université en passant par le lycée. De ce point de vue, il fut un pionnier et s’efforça avec succès de mettre en œuvre ce projet, aussi bien au lycée du Clos Banet qu’à l’université (Perpignan et Montpellier III).

Enseignant, Marcel Oms adhéra d’abord au SNES. Il milita dans les rangs des Amis de l’École émancipée, engagement en accord avec ses sympathies pour l’extrême gauche (OCI, PSU). Il fut l’un des animateurs de la tendance à Perpignan avant la constitution formelle du groupe départemental en 1969. Dans les années 1980, déçu par les orientations du SNES et reprochant à ce dernier la pratique qu’il estimait stérile de grèves catégorielles ou ne permettant pas d’obtenir des résultats, il adhéra un moment au SGEN mais s’en détacha rapidement pour ne plus se syndiquer.

Dans les années 1960, Marcel Oms, actif au plan syndical et politique, était aussi très engagé dans la vie associative et l’action culturelle. Pour lui, ces trois activités étaient trois facettes d’une seule et même action générale dirigée contre le système.

Au plan politique, opposé aux guerres d’Indochine et d’Algérie, il fut d’abord proche du PCF sans y adhérer. Il participa à la rédaction de la chronique cinématographique de La Marseillaise. L’écrasement de la Hongrie par les troupes soviétiques en novembre 1956 signifia sa rupture avec le PCF et son adhésion au trostkysme. Il adhéra au groupe lambertiste (Comité pour la IVe Internationale, OCI en 1965) de Montpellier, alors qu’il était très lié à des militants de cette mouvance comme Jacques Faucher. Il devint responsable, sous un pseudonyme, de la rubrique « cinéma » de La Vérité. Mais de retour à Perpignan il décida d’adhérer au PSU. Il fut présent au congrès fédéral de ce parti au café Soler à Ille-sur-Têt, le 27 octobre 1963 et participa aux débats. Il avait été prévu qu’il fût co-rapporteur avec Jean Ribalta et François Beffara des textes définissant le programme politique et économique du parti mais, en définitive, ne fit pas ce rapport (Voir aussi : Antoinette Claux, René Chauvet).

Entre 1964 et 1967, Marcel Oms appartint au groupe perpignanais d’extrême gauche « Spartacus » — certains affirment qu’il en fut le « gourou » alors que d’autres estiment qu’il n’y joua qu’un rôle de second plan — qui rassemblait de jeunes militants, parmi lesquels beaucoup d’enseignants ou futurs enseignants. La plupart étaient des Perpignanais : Jean Roncero, futur instituteur et principal de collège ; Jean Pedra, étudiant et futur employé de librairie qui fut élève de Marcel Oms à la cité technique de Narbonne ; Jean-Louis et Odette Coste qui reprirent en mains les destinées de la librairie Torcatis de Perpignan ; Jean-Pierre Vidal, professeur de philosophie plus tard en poste à l’école normale de Perpignan ; Micheline Roumegous qui fut professeur de Lettres modernes au collège de la Garrigole ; Jacques Queralt, enseignant aux Beaux-Arts de Perpignan et pigiste à L’Indépendant ; Véronique Pélissier, originaire des Pyrénées-Orientales, étudiante à Toulouse, professeur de Lettres classiques au lycée de Céret ; Jean Carrière*, Perpignanais installé à Paris, dirigeant national du SNES. Beaucoup d’entre eux, dont Marcel Oms, ont été plus ou moins longtemps adhérents ou proches de l’OCI, en même temps qu’ils participaient aux débats et activités de « Spartacus ». Le groupe fit venir « Lambert » à Perpignan. D’autres membres, cependant, insistèrent pour entendre un point de vue trotskiste différent. Dans la foulée, « Frank » fit le voyage de Perpignan pour s’entretenir avec le groupe « Spartacus ». Pour faire bonne mesure et montrer qu’il était à l’écoute de tous les courants de l’extrême gauche, « Spartacus » invita aussi François Marty, un Perpignanais à l’origine de la dissidence maoiste du PCMLF qui venait d’avoir un contact direct avec Mao au moment de la Révolution culturelle. Le groupe « Spartacus », victime de ses tiraillements internes, disparut quelques mois avant mai 1968 dont Marcel Oms fut l’un des acteurs locaux. À noter que la plupart des membres du groupe Spartacus, accompagnèrent Marcel Oms dans l’aventure des Amis du cinéma de Perpignan, au moins pendant les premières années.

En mai 1968, Marcel Oms adhéra à nouveau au PSU. Il participa très activement à la campagne électorale d’Antoinette Claux dans la circonscription de Perpignan-Céret aux législatives de juin 1968, en intervenant dans des réunions y compris dans des petits villages du Haut Vallespir.

Homme des villes, des salles obscures, des débats de ciné-clubs ou de colloques scientifiques, Marcel Oms n’oublia jamais ses racines rurales et le monde des viticulteurs du cru « Banyuls » dont il était issu. Se ressourçant périodiquement au hameau du Rimbau où il aménagea une demeure familiale, il participait volontiers aux tâches agricoles, aux vendanges en particulier. En 1965-1967, il s’impliqua aussi dans une lutte importante des adhérents d’une cave de Collioure regroupant des vignerons du cru Banyuls (parmi lesquels sa mère), la cave des Dominicains, dont la gestion avait été compromise par des malversations de l’un des administrateurs. Oms prit la tête du mouvement des vignerons coopérateurs qu’il réunit à Collioure. Il reçut le soutien amical et efficace de Michel Jomain (organisateur d’un grand regroupement de Banyuls répartis dans les quatre communes du cru, le GICB, Groupement inter-professionel du cru Banyuls et futur militant du PS) dont l’épouse, Léonie, était une fidèle des Amis du Cinéma, le grand ciné-club perpignanais fondé par Marcel Oms. Il finit par convaincre les vignerons des Dominicains à adhérer à la grande structure qu’était en train de devenir le GICB. Sa première femme nous a expliqué qu’à ce moment, Marcel Oms faillit se consacrer principalement à la viticulture en reprenant les rênes de l’exploitation familiale. Des divergences de vue avec sa mère quant au sort de cette dernière l’en dissuadèrent.

Après 1969, Marcel Oms prit ses distances avec l’action politique (et avec le syndicalisme actif) et se consacra à l’action culturelle et à l’étude du cinéma et à son histoire. De ce point de vue il entreprit une œuvre de longue haleine dont le rayonnement se fait encore puissamment sentir aujourd’hui (2013). En 1988, cependant, il intégra le comité de soutien à la candidature de Pierre Juquin à l’élection présidentielle.

Enfant, Marcel Oms fut marqué par un événement, la Retirada (février 1939), qu’il vécut, aux premières loges, depuis le Rimbau et Collioure. Il en garda un souvenir indélébile qui explique son intérêt pour la Guerre civile espagnole en particulier et l’Espagne en général (au point d’entreprendre des études d’espagnol). Cet événement qui le bouleversa décida partiellement, nous le verrons, de la partie la plus dense son œuvre ultérieure d’historien et de critique du cinéma. Il fut choqué par l’attitude de sa mère qui acquit une médaille en or d’un réfugié en échange de pain, contrebalancée, il est vrai, par celle de son oncle.

Mais Marcel Oms ne fut pas que cela. Il fut un animateur culturel, un bâtisseur d’institutions qui font le renom de sa ville natale et qui lui survivent.

Son attrait pour le cinéma remonte à son enfance et à son adolescence. Il fut marqué à vie par sa première séance de cinéma en 1941 à Port-Vendres, commune voisine de Collioure, où l’on projetait Robin des bois avec Errol Flynn. Dès lors, il fréquenta assidûment le cinéma « Ambiance » de Collioure et celui de Port-Vendres où il se rendait à pied (plusieurs kilomètres dans la montagne) depuis le Rimbau. Pensionnaire au collège (devenu ensuite lycée) de Perpignan, il s’abonna à Cinémonde et faisait le mur, la nuit, pour se rendre dans les salles obscures de la ville, avec la complicité d’un pion. Il partageait cette passion avec son meilleur ami du collège, son futur beau-frère et futur acteur, Jean-Claude Rolland. Étudiant à Montpellier, il participa à la vie du ciné club Jean-Vigo qu’il fonda en 1957 avec un ami, Tedenach, et aux débats intenses qui s’y déroulaient, avec des participants de talent et éclectiques, comme le RP Cardonnel, un Dominicain de Montpellier. Il en fut de même à Médéa pendant son service militaire en Algérie.

Installé à Perpignan, Oms fonda en 1962 les Amis du cinéma (AC), ciné-club promis à une brillante destinée dont il fut, à trois reprises, le président. Les AC furent la première pièce de la constellation d’institutions culturelles créées à son initiative et sous son impulsion. En 1964, Marcel Oms fit adhérer les AC à la Cinémathèque de Toulouse dirigée par un de ses amis, Raymond Borde ; cette affiliation le mit en contact direct avec Henri Langlois, directeur de la Cinémathèque française. La collaboration avec la cinémathèque de Toulouse allait s’avérer féconde et, en 1970, il créa la Section catalane de la cinémathèque de Toulouse. En 1965, il lança à Perpignan la première édition de Confrontation, une manifestation annuelle d’envergure devenue officiellement un festival en 1976, structuré et pérennisé sous la forme d’une association. Permettant de « confronter » les représentations véhiculées par les œuvres cinématographiques et les approches historiennes, Confrontation attira chaque année un public fourni d’historiens et de critiques de cinéma dont beaucoup devinrent des « fidèles ». L’un d’entre eux, Samuel Lachize, critique de cinéma de l’Humanité, finit par se fixer à Perpignan et demeura longtemps après le décès de Marcel Oms l’un des piliers de l’Institut Jean-Vigo. Au fil des ans, Confrontation attira à Perpignan, des cinéastes du monde entier et historiens de renom venus de villes autres que celles comprises dans le triangle Perpignan-Toulouse-Montpellier : Jean-Noël Jeanneney, Pierre Broué*, Philippe Joutard, Maurice Moissonnier*, Pascal Ory, Jean-Pierre Rioux, Jean Tulard, Denis Richet, pour ne citer que ceux-ci.

En 1967-1968, Oms et son ami toulousain Borde rompirent avec éclat avec Langlois. Ils soutinrent l’action du ministère — gaulliste — de la Culture qui accusaient le directeur de la Cinémathèque française de laisser dépérir, en ne prenant pas les mesures de conservation indispensables, le riche patrimoine cinématographique dont il avait la responsabilité : Oms et Borde, hommes de gauche et d’extrême gauche, se placèrent lors de l’ « affaire Langlois » à contre courant de l’intelligentsia parisienne qui prenait sa défense dans les colonnes d’organes de presse comme Le Nouvel Observateur. « Provinciaux », perspicaces avant l’heure, ils dénoncèrent alors l’état déplorable des collections de la cinémathèque française dont Langlois était à leurs yeux, le responsable.

En 1971, toujours sous l’impulsion de Marcel Oms, fut créée la revue perpignanaise de haut niveau scientifique destinée « à servir le cinéma et son histoire », Les Cahiers de la cinémathèque. Pour Marcel Oms elle devait servir aussi « la décentralisation régionale, la revendication d’une identité culturelle hors de Paris, l’interpellation de l’Histoire et des idéologies, la redéfinition du statut de l’imaginaire, la réflexion et le retour sur l’engagement, le débat entre le scepticisme et la conviction... » (Cahiers de la cinémathèque, 37, 1983). Le projet de la revue, comme celui de Confrontation d’ailleurs, était d’aborder et de dépasser les approches historiques traditionnelles en établissant des liens entre le cinéma et l’histoire des sociétés dans toutes leurs dimensions comme leurs formes d’expression collectives afin de révéler les contenus idéologiques des phénomènes historiques abordés dans les œuvres cinématographiques et mettre à jour les mythologies qu’ils peuvent receler. Voilà en quelques mots le projet que Marcel Oms s’efforça de mettre en œuvre dans les multiples modalités de ses interventions et de son œuvre.

En 1981, parallèlement aux AC, à Confrontation et aux Cahiers, fut créé l’Institut de recherche et d’animation sur l’Histoire du cinéma (IRHAC). L’Institut Jean-Vigo — Oms n’oubliait pas les origines catalanes, cerdanes plus précisément, du réalisateur de L’Atalante dont il était un admirateur inconditionnel et qui, par ailleurs, avait été l’un des pionniers du mouvement des ciné-clubs — prit le relais de l’IRHAC en 1985 avait pour vocation de promouvoir la recherche sur les cinématographies et leur histoire. L’Institut Jean-Vigo prit de plus en plus d’importance au fil des ans. En 1985, toujours sous la houlette d’un Oms charismatique qui se révéla, au delà d’inévitables conflits de personnes, un rassembleur de bonnes volontés et un fédérateur de compétences (outre ceux que nous avons nommés, signalons Michel Cadé, historien et universitaire perpignanais qui s’associa au staff de Marcel Oms et assura la relève après sa disparition prématurée en 1993), fut créée la collection des Cahiers de la cinémathèque et, en 1986,
la nouvelle revue de l’Institut Jean-Vigo, Archives. Pour mener à bien la structuration de ces entités à Perpignan, Oms comprit qu’il devait composer avec la municipalité en place, celle dirigée par un Paul Alduy dont le virage à droite fut consommé dans les années 1970. Le maire soucieux, pour des raisons électorales, de satisfaire le puissant lobby pied-noir comprenait par ailleurs tout le parti que la ville qu’il administrait pourrait tirer pour son prestige de la constellation « cinéma » édifiée par Marcel Oms et sa dynamique équipe. Dès 1970, Alduy soutenait la section catalane de la Cinémathèque de Toulouse. En 1971, il mit à la disposition des AC et de Confrontation les vastes locaux du nouveau palais des congrès, ses deux salles de cinéma et toute la logistique matérielle municipale. La création de l’IRHAC puis de l’Institut Jean-Vigo bénéficièrent du soutien de la ville de Perpignan avec la signature de conventions, l’attribution de subventions (régulières depuis 1976) et, en 1990 des vastes locaux de la rue Mailly (ancien commissariat central) où l’institut put entreposer ses collections de films, d’objets cinématographiques, sa riche bibliothèque rassemblant livres et collections de périodiques. Un incident comme celui de 1971, lors de Confrontation VII où la projection du Vent des Aurès de Lakhdar Hamina suscita la réaction d’associations de rapatriés favorables au maire fut géré avec tact par Marcel Oms qui refusa de céder aux pressions tout en maintenant le contact avec Paul Alduy.

Marcel Oms ne se contenta pas d’être un animateur culturel hors de pair qui contribua au rayonnement de Perpignan dans une « durée longue » puisqu’elle se prolongea longtemps après sa mort accidentelle jusqu’à nos jours (2013). Il fut aussi un auteur prolixe et brillant qui laissa une œuvre abondante de critique et d’historien du cinéma. La liste des revues auxquelles il collabora est vaste et éclectique. Les livres qu’il publia montrent que ses intérêts pour le septième art ne se limitèrent pas à l’Espagne et à sa cinématographie. Il s’intéressa aux cinémas italien, français, soviétique, américain et argentin pour ne citer que ceux-ci.

Marcel Oms périt tragiquement des suites d’un accident d’automobile sur l’autoroute A9 entre Montpellier et Perpignan. Sa seconde épouse, Hélène, avait été tué lors de la collision. Il mourut à l’hôpital de Narbonne où il avait été transporté à la suite de l’accident. Ses obsèques civiles ainsi que celles de sa seconde femme eurent lieu à Narbonne le 23 juillet 1993.

Après sa mort, l’Université de Montpellier-III Paul-Valéry lui rendit hommage en publiant en 1995 Cinéma et Espagne franquiste (158 p.). En décembre 1994, fut inaugurée à Perpignan une place Marcel-Oms dans un secteur rénové du centre-ville. Du 1er au 8 avril 2004, le festival Confrontation dédia sa 40e édition consacrée à « l’hispanité au cinéma » pour célébrer la mémoire de Marcel Oms disparu dix ans plus tôt.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146319, notice OMS Marcel, Laurent, François par André Balent, version mise en ligne le 8 mai 2013, dernière modification le 5 novembre 2021.

Par André Balent

Marcel Oms, années 1980
Marcel Oms, années 1980
arch. Jacqueline Rolland-Oms, reproduction André Balent

ŒUVRE : Collaboration aux revues suivantes (liste non exhaustive) : La Marseillaise, La Vérité, Positif, L’Avant-Scène, Autrement, Europa Cinema, Les Cahiers de la cinémathèque, Premier plan, CinémAction, Archives, Imprévue. — Articles, choix parmi ses nombreuses publications : « Histoire et géographie d’une France imaginaire », Cahiers de la cinémathèque, 33-34, 1981, pp. 77-88 ;
« La Révolution française : lumineuse et terrible », Cahiers de la cinémathèque, décembre 1989, pp. 99-104.
« Le sens de l’histoire », CinémAction, 54, janvier 1990, pp. 45-50 ;
« De la Belle Époque à la guerre de 14-18 », CinémAction, hors-série, avril 1993, pp. 214-249 ;
« Buñuel en Espagne. 1933-1936 », Positif, octobre 1993, pp. 70-76. — Livres : Leopoldo Torre-Nilsson, Lyon, Société d’études, recherches et documentation cinématographiques [SERDOC], 116 p. ; Buster Keaton, Lyon, Serdoc, 1964, 90 p. ; Alexandre Dovjenko, Lyon, Serdoc, 1968, 130 p. ; Josef Von Sternberg, Paris, éditions de L’Avant-Scène, 1971 ; Grigori Kosintsev, Paris, éditions de l’Avant-Scène, 1976 ; Les grands noms de l’affiche, catalogue de l’exposition au Palais des archevêques, Narbonne, 13-18 octobre 1979, Narbonne, Musée d’Art et d’Histoire, 1979, 24 p. ; Don Luis Buñuel, Paris, éditions du Cerf, 1986, 225 p. ; La Guerre d’Espagne au cinéma, Paris, éditions du Cerf, 1986, 389 p. ; Rafael Azcona, Rimini, Europa cinema, 3e volume de la collection « Scrivere il cinema"), Rimini, 1987 ; La Guerre d’Espagne vue par le cinéma, thèse d’espagnol, Montpellier III, 5 microfiches éditées par Lille III, ANRT, 1987 ; Alain Resnais, Paris, Rivages, 1988, 183 p. ; Carlos Saura, Paris, Édilig, 1989, 127 p. ; Claudia Cardinale, star et femme, C. Corlet, Condé-sur-Noireau, 1990, 99 p. — Ouvrages collectifs (participations ou co-directions) ; Juan Bardem, (Marcel Oms avec Raymond Borde et Juan J. Bardem), Lyon, Serdoc, 1962, 947 p. ; Elio Petri (col. dir. J.-A. Gili, Nice, Faculté des Lettres et sciences humaines, section Histoire, 1974, 206 p ; « L’avant-garde du cinéma » in Encyclopédie Alpha du cinéma, Paris 1978 ; Cinéma des régions, dossier réuni par Alain Aubert, Jean-Pierre Bailly, Marcel Oms [et al.], Paris, Papyrus, 1980, 226 p. ; Luis Buñuel « Los Olvidados » [André Laberty, Marcel Oms, Edmond Cros et al.], Montpellier, Éditions du CERS (Centre d’études de recherches sociocritiques) [Montpellier III], 1987, 143 p. ; Champs, contre-champs : le cinéma rural en Europe, (dir. Guy Hennebelle, Marcel Oms), Paris, Centre Pompidou, Ministère de l’Agriculture et de la Forêt, 1990, 127 p. ; L’Histoire de France au cinéma, Marcel Oms avec Pierre Guibbert et Michel Cadé), Condé-sur-Noireau, Corlet & Paris, Télérama, 1993, 384 p. ; Images et influences de l’Espagne sur la société française, Rencontres de Béziers, 5 juin 1993 (dir. Jean Sagnes avec la part. de Bartolomé Benassar, Jean-Marc Delaunay, Marcel Oms, Jean Tena), Béziers & Perpignan, Ville de Béziers et Presses universitaires de Perpignan, 1994, 79 p.

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 110 J (fonds Balent), archives de la fédération du PSU des Pyrénées-Orientales (fonds André Balent). — Arch. com. Perpignan, état civil, acte de naissance de Marcel Oms. — Arch. privées Jacqueline Rolland-Oms. — Pierre Guibbert, « Les Cahiers de la cinémathèque, une écriture de l’histoire », CinémAction, 65, 1992, pp. 220-227. — Daniel Mitrani, « Sur La Guerre d’Espagne au cinéma de Marcel Oms », Cinéma 72, 383, janvier 1987. — Jacques Queralt, "Le cinéma était sa passion. Marcel Oms, l’architecte du rêve", L’Indépendant, 23 juillet 1993. — Patricia Petit-Brulfert, L’Institut Jean Vigo de Perpignan 30 ans de culture cinématographique 1961-1993, Perpignan, Archives communales, 1994, 205 p. — Vincent Sabatier, L’architecte du rêve, court-métrage de 17 mn. sur Marcel Oms, Perpignan, Institut Jean-Vigo, 1994. — Patrice Tesseire-Dufour, « L’âme de l’institut, Jean Vigo. Marcel Oms, le passionné de cinéma », La Semaine du Roussillon, 30 juillet 1998 ; « L’âme de l’institut Jean Vigo. Marcel Oms, moteur du cinéma catalan », La Semaine du Roussillon, 19 août 1999. — L’Indépendant, 15 mars 1986, 23 juillet 1999 (nécrologie et hommages post-mortem), 10 décembre 1994. — Entretien avec Jacqueline Rolland-Oms, première épouse de Marcel Oms, Perpignan, 24 avril 2013. — Entretien avec Jean-Louis et Odette Coste, libraires retraités de Perpignan, anciens militants du groupe perpignanais « Spartacus », Latour-de-Carol, 12 septembre 2012. — Entretiens téléphoniques avec Jean Roncero, enseignant, ancien militant du groupe « Spartacus » de Perpignan et de l’École Émancipée 12 septembre 2012) ; Jean-Pierre Comps, professeur (PEGC de Lettres et histoire-géographie) à la retraite, ancien militant du groupe « Spartacus », de l’OCI et de l’École Émancipée 2 et 3 septembre 2012 ; 6 mai 2013) ; Jean Pedra, employé de librairie retraité, ancien militant du groupe « Spartacus » (3 septembre 2012) ; Véronique Pélissier, professeur de Lettres classiques retraitée, ancienne militante du groupe « Spartacus » et de l’École émancipée (3 septembre 2012). — Conversations informelles avec Jean Roncero, Véronique Pélissier, Jean Pedra, Jean-Pierre Comps (2012-2013). — Souvenirs personnels d’André Balent.

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