MONTEREMAL René, Isidore dit Michel

Par Pierre Bonnaud

Né le 23 octobre 1914 à Lamastre (Ardèche), mort le 20 avril 2006 à Montélimar (Drôme) ; instituteur en Ardèche ; militant communiste ; Résistant, membre du CDL de l’Ardèche ; maire du Teil (Ardèche) de 1955 à 1965 ; président départemental du Mouvement de la Paix de 1954 à 1962 ; dirigeant national de l’ANACR et membre fondateur du Musée de la Résistance en Ardèche.

Dernier des dix enfants d’une famille de petits cultivateurs de la région de Lamastre (Ardèche), René Montérémal fut élevé comme ses frères et sœurs dans la tradition protestante. Il fit partie dans sa jeunesse de l’Union chrétienne des jeunes gens.

Élève au cours complémentaire de Lamastre, il entra à l’École normale d’instituteurs de Privas où il passa le brevet supérieur et reçut sa formation d’instituteur de 1931 à 1934. Sous l’influence d’Henri Chaze, son aîné de deux promotions, il adhéra à la cellule des Jeunesses communistes de l’École normale. En 1934, il se syndiqua à la Fédération unitaire de l’enseignement (CGTU).

Nommé à la rentrée de septembre 1934 à Coucouron Malvielles, « poste déshérité » du plateau ardéchois, il fit la connaissance de Georgette Crozier (née le 23 aout 1913), elle-même institutrice à Issanlas-Sablière, et l’épousa en août 1935 à Saint-Ginez-en-Coiron (Ardèche). Ils eurent cinq enfants.

De 1935 à 1937, René Montérémal effectua son service militaire au 184e régiment d’Artillerie lourde à Valence. Il obtint en septembre 1937 un poste à Saint-Maurice-d’Ibie, « poste rapproché » de celui de son épouse, nommée à l’école du hameau des Sallèles. La municipalité, cléricale et ultra-conservatrice, entretint avec le couple des relations franchement hostiles. Grévistes en novembre 1938, les Montérémal figurèrent au tableau d’honneur syndical que publia le bulletin de la section du SNI de l’Ardèche affiliée à la CGT après la réunification de 1935. Ils furent sanctionnés par huit jours de retenue de salaire.

Mobilisé avec son régiment d’origine en septembre 1939, René Montérémal se trouvait en Lorraine durant la « Drôle de guerre » puis en Champagne au moment de l’offensive allemande en mai-juin 1940. Le 184e RALPA échappa à l’avancée ennemie et reflua sur les routes du Massif central. Ses hommes furent regroupés dans le Gard à Saint-Théodorit près de Quissac où Montérémal fut démobilisé.

Il rejoignit son poste d’enseignant à Saint-Maurice d’Ibie en septembre 1940. A l’automne, une unité de travailleurs étrangers (le 160e GTE) s’installa dans la commune, composée pour l’essentiel de réfugiés républicains espagnols internés et contraints au travail par Vichy. Des relations de solidarité s’établirent entre ces « étrangers indésirables » et le couple d’instituteurs. Les pressions de l’administration et de la municipalité sur les deux enseignants s’aggravèrent. À deux jours de la rentrée de septembre 1941, les Montérémal apprirent qu’ils étaient « déplacés d’office » dans un petit village du nord de l’Ardèche, Saint-Barthélémy-le-Plain.

Ils y rejoignirent un autre couple d’instituteurs, également déplacés d’office depuis la Creuse, les Dumont. Marcel Dumont, militant communiste, était en relation avec l’appareil clandestin du Parti communiste dans la vallée du Rhône, notamment l’instituteur Gabriel Curinier, responsable du Front national, en poste à Tournon. Cette situation permit à René Montérémal de trouver un contact direct avec le PC.

Les trois enseignants constituèrent un « triangle » clandestin du PC. Pour éloigner les soupçons et dans la mesure du possible utiliser l’administration pétainiste, Montérémal et Dumont s’inscrivirent à la Légion et participèrent au contrôle des battages des céréales organisé par Vichy. René Montérémal et son épouse se spécialisèrent dans la confection de papillons manuscrits puis de petits journaux clandestins (Front National, Le Partisan) qu’ils éditèrent, de nuit, à partir de la fin 1942, avec le matériel rudimentaire d’imprimerie de l’école (une « pierre humide »). Tirée à une centaine d’exemplaires, cette presse résistante était distribuée localement dans la région de Tournon par les groupes de FTP légaux.

Le logement de fonction des Montérémal servit de lieu d’accueil à des résistants totalement immergés dans la clandestinité. A la fin de l’année 1942 et au début de1943, les Montérémal donnèrent ainsi asile à Raoul Galataud, organisateur des premiers maquis FTP en Ardèche.

Le 2 mars 1944, exaspérée par le développement des actions de résistance en vallée du Rhône et agissant sur dénonciations, l’armée allemande lança une expédition punitive sur Saint-Barthélémy-le-Plain. Avec trois villageois, Montérémal et Dumont, désignés comme otages, échappèrent de peu à l’exécution sommaire. Les deux instituteurs placèrent alors leurs familles en sécurité et entrèrent dans une totale clandestinité.

René Montérémal gagna Valence et remplaça Gabriel Curinier à la direction Drôme-Ardèche du Front National. Effectuant le plus souvent ses déplacements à vélo, il s’efforça d’améliorer l’organisation et l’efficacité du Front. Il prit part à plusieurs actions ou coups de main dans la vallée du Rhône. Il rencontra à plusieurs reprises les responsables régionaux du MLN, notamment Claude Alphandéry, et participa aux discussions pour la représentation du Front et la désignation de Delmas (Ulysse) au CDL.

Après le 6 juin 1944, René Montérémal remplaça le titulaire officiel du Front au CDL. Membre de la « commission de confiscation des profits illicites », il s’installa à Privas avec sa famille jusqu’à l’été 1945. Il participa à l’épuration économique en coopération avec les agents du Trésor et des contributions. René Montérémal fut l’un des principaux organisateurs des États Généraux de la Renaissance française qui se tinrent à Privas en décembre 1944 puis à La Voulte au début de juillet 1945. Il fit partie de la délégation ardéchoise qui se rendit à Versailles lors de la clôture de cette initiative du CNR et participa au cortège qui défila le 14 juillet de la Concorde à la Bastille dans les rues de Paris.

A la rentrée de 1945, il reprit son travail d’instituteur. Nommé avec son épouse en poste double à Saint-Michel-de-Boulogne, il milita au Parti communiste français et fit partie de son comité fédéral de 1947 à 1968. En 1968, il devint membre de la commission fédérale de contrôle financier.

En 1950, la carte scolaire contraignit les Montérémal au départ. Ils obtinrent un poste double à l’école du Teil-Mélas dont René Montérémal devint le directeur. Membre du comité de section du Teil du PCF, il fut candidat sur la liste communiste aux élections de 1953. Élu conseiller avec 2 225 voix, il devint maire-adjoint du Teil dans la municipalité de Joseph Thibon*. En 1955, il devint maire au terme d’une crise interne du PCF, liée aux formes de lutte contre la guerre coloniale en Indochine puis aux problèmes de gestion de la ville qui contraignirent Thibon, malade, à la démission.

Membre du bureau de l’association départementale des maires, Montérémal fut réélu à la tête de la liste communiste en 1959. L’action municipale fut intense, marquée par la construction de logements sociaux (cité Danielle Casanova), la création d’un dispensaire médical (avec la collaboration d’un médecin, maire-adjoint de la municipalité, le docteur Lévy), la construction d’un abattoir municipal…). La municipalité apporta son appui au comité local de l’Union des femmes françaises, (l’épouse du maire, Georgette Montérémal, en était une militante active) pour la réalisation d’un centre de vacances sur le plateau ardéchois (colonie de Grozon).

Parallèlement à sa fonction municipale, Montérémal présida le comité départemental du Mouvement de la paix de 1954 à 1962. Il joua un rôle actif dans la lutte contre la guerre coloniale en Algérie. En septembre 1955, après les massacres du Constantinois, il présida au Teil trois meetings successifs pour protester contre le rappel de douze appelés du contingent originaires de la ville (celui du 25 septembre avec l’intervention de Jeannette Thorez-Vermeersch* rassembla un millier d’ardéchois selon les renseignements généraux).

Aux élections municipales de 1965, Montérémal conduisit une nouvelle fois la liste communiste qui fut battue par une liste de coalition de la SFIO et de la droite, conduite par l’instituteur socialiste Paul Avon. Un contentieux politique opposait Avon au PCF depuis 1949 : élu municipal minoritaire au Teil, Paul Avon avait ravi au communiste Henri Chaze le siège de conseiller général du canton de Viviers-Le Teil avec l’appui de la droite locale qui avait retiré son candidat au deuxième tour. En 1961, présenté par le PCF sur le même canton, Montérémal arriva en dernière position et se maintint au deuxième tour alors que la droite était cette fois bien placée et menaçait Avon, sortant socialiste. Ce fait fut mentionné par Théo Vial, qui suivait la fédération. Dans son rapport du 19 juillet 1965, il attribuait la perte de la mairie du Teil à la « politique sectaire de la part des élus ». Il constatait « bien que d’importantes réalisations de caractère social aient été faites, les masses n’y ont pas été associées ». Dans les faits, la base sociale sur laquelle s’appuyait la municipalité communiste du Teil s’était modifiée avec le déclin prononcé des activités ferroviaires et l’apport d’un contingent de population originaire d’Afrique du Nord chassé par l’indépendance algérienne. En 1971, Montérémal refusa d’être à nouveau candidat aux élections municipales.

René Montérémal ne cessa d’être syndiqué (FUE-CGTU, SNI-CGT, SNI-FEN, SNIUPP-FSU) et fut un actif adhérent des organisations laïques : Sou des écoles, amicale laïque, fédération des œuvres laïques, Ligue de l’enseignement. Il milita dans de nombreuses organisations qui représentaient pour lui le prolongement des combats et des valeurs de la Résistance. Il devint secrétaire départemental de l’ANACR en 1968. Elu en 1974 au Conseil national de l’ANACR au congrès du Havre, puis en 1976 au Bureau national au congrès de Grenoble, il conservera ses responsabilités jusqu’en 1994. Particulièrement soucieux de la transmission de la mémoire, il fut l’un des fondateurs du Musée départemental de la Résistance du Teil dont il anima de nombreuses visites et il présida activement son association jusqu’en 2000. Retraité de l’enseignement en 1969, il prit ses distances avec le PCF dans les années 1990, sans pour autant renier ses camarades et ses idées.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146340, notice MONTEREMAL René, Isidore dit Michel par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 9 mai 2013, dernière modification le 18 mai 2021.

Par Pierre Bonnaud

ŒUVRE : R. Pierre, R. Montérémal, A. Hullot, Autour de 1936, Cruas Le Teil dans les luttes, Cruas, éditions C.A.C, 1986. — « Les comités de Libération », Actes du colloque Résistance et Libération en Ardèche, Privas Mémoires d’Ardèche et temps présent 18 juin 1994. — Récits autobiographiques (dactylographiés, non imprimés) : « Débuts de mon métier. », « Ma vie de Résistant ».

SOURCES : Arch. Dép. Ardèche 72 W 109, 363 ; 70J 36 et 58 (fonds du musée départemental de la Résistance). — Arch. Dép. Rhône (archives régionales) 668 W 24. — Archives du comité national du PCF, fiches de la SMC, composition du comité fédéral de l’Ardèche (1953-1968). — La voix du peuple de l’Ardèche et la voix de l’Ardèche (1944-1947). — Les Allobroges (1944-1956). — A travers l’Ardèche, supplément hebdomadaire de l’Humanité-dimanche, publié par la fédération de l’Ardèche du PCF (1957-1958). — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, t. I, II, III, Valence, 1981. — E. Darrieux, Instituteurs ardéchois dans la crise des années 30, Mémoire d’Ardèche et Temps Présent, 2000. — CD Rom AERI, La Résistance en Ardèche, 2004. — Entretien avec René Montérémal. — Le journal de la résistance n°1182-1183 mars-avril 2006. — Pierre Bonnaud, Le Teil dans le vent du deuxième vingtième siècle, Mémoire d’Ardèche et Temps présent, février 2008. — Renseignements apportés par Marcel Mazel, ancien secrétaire fédéral du PCF. — Notes de Jacques Girault.

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