MORLET Pierre, Célestin. Pseudonyme « Magloire »

Par Jacques Girault

Né le 29 octobre 1913 à Paris (XVIIe arr.), mort le 19 décembre 2001 à Amilly (Loiret) ; instituteur ; militant syndicaliste (SNI) ; militant communiste, conseiller de l’Union française, conseiller municipal de Lorris (Loiret).

Son père, Clovis Morlet, instituteur, normalien, futur directeur d’école, laïque, devint sympathisant communiste après la Deuxième Guerre mondiale. Sa mère, Jeanne Péron, avait été scolarisée à l’école catholique, seule existante pour les filles. Elle obtint le certificat d’études l’année du début d’une école publique pour les filles et son père lui imposa une année dans cette école pour qu’elle connaisse l’école laïque.

Ses parents avaient trois enfants, non baptisés. Pierre Morlet, le cadet, cousin de Jean Morlet, élève de l’école primaire supérieure Chaptal à Paris, titulaire du brevet élémentaire, puis plus tard d’un certificat de licence de mathématiques générales, devint instituteur.

Après son service militaire en 1935-1936 dans un régiment d’artillerie, qu’il termina au grade de caporal-chef, il reprit son poste d’instituteur dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Athée, il se maria en octobre 1934 à Boulogne-Billancourt, avec Yvonne Joseph, fille d’un commerçant. Sans enfant, ils s’occupèrent de leurs neveux.

Pierre Morlet adhéra en décembre 1936 au Parti communiste dans le XIIIe arrondissement où il habitait, et fut secrétaire adjoint d’une cellule dans le quartier de la Gare. Gréviste le 30 novembre 1938, il fut sanctionné d’une retenue de huit jours de traitement.

Mobilisé en septembre 1939, après sa démobilisation en août 1940, il devint rapidement responsable d’un groupe de trois dans le XIIIe arrondissement. Courant 1941, responsable du groupe du Front national à l’école de la Porte d’Ivry où il enseignait, il devint, l’année suivante, membre de la direction du Front national du XIIIe arrondissement. Son nom figurant sur une liste saisie sur un communiste arrêté, il fut appréhendé le 17 février 1942, puis relâché après avoir signé l’engagement de ne plus faire d’action politique. Devant aller périodiquement à la préfecture de police, il signala à André Voguet qu’il avait signé. À partir d’avril 1942, en contact avec Jean Chaumeil, il devint responsable du Front national dans l’arrondissement.

Encouragé par la direction communiste clandestine, il partit pour le Soudan dans l’été 1942, comme instituteur à l’École normale de Katibougou. Son frère, directeur de l’école du centre de Châtenay-Malabry, allant à la Préfecture de police annoncer son départ, apprit alors que l’arrestation de Pierre Morlet était imminente.

Remobilisé en mars 1943 au Maroc, en contact avec les communistes marocains, Pierre Morlet constitua un noyau communiste dans l’armée. De retour à Casablanca en janvier 1944, hospitalisé, il travailla au secrétariat régional du Parti communiste marocain. Avant d’être intégré dans la deuxième division Leclerc, il obtint l’accord d’André Marty alors à la tête du Parti communiste à Alger. Après avoir rejoint l’Angleterre, et participé au débarquement de Normandie, il poursuivit les combats jusqu’à Berchtesgaden. Son épouse resta à Dakar travaillant à la banque de l’Afrique occidentale française. Il signa, au nom des soldats communistes du régiment, une lettre à la direction du PCF que l’Humanité publia en août 1945.

Démobilisé, Pierre Morlet retrouva son épouse en Afrique. Avant de demander son détachement dans l’enseignement technique à Bamako, il obtint l’accord de la direction du PCF. Revenu en congé en août 1946, il fut auditeur à l’école centrale complémentaire. Secrétaire du Parti démocratique du Soudan qui fut à l’origine du Rassemblement démocratique africain en 1946, il fut, l’année suivante, responsable du groupe d’études communistes à Bamako. Organisateur de conférences clandestines de formation syndicale, il était, de 1946 jusqu’en octobre 1947, date de la fin de son détachement, membre de la commission exécutive de l’union des syndicats du Soudan.

Le RDA avança son nom pour faire partie de l’assemblée du l’Union française, proposition qui reçut l’accord de Raymond Barbé*, responsable communiste pour l’Outre-mer. Il participa à l’école centrale du PCF sur les questions coloniales et fut membre de la commission des affaires sociales de la section d’Outre-mer du PCF. De février à septembre 1948, le bureau confédéral de la CGT l’envoya comme délégué confédéral pour l’AOF et l’AEF. Par la suite, il fut membre de la commission confédérale des territoires d’Outre-mer.

Il reprit un poste d’instituteur à Paris, à l’école primaire de la rue des Quatre fils (IIIe arr.) jusqu’au début des années 1960, tout en habitant dans le XXe arrondissement. Il enseigna ensuite dans un collège d’enseignement général, puis fut professeur de sciences dans un collège d’enseignement technique du XIIIe arrondissement, obtenant un logement HLM dans le XIXe arrondissement.

Membre d’une cellule communiste de Boulogne où il habitait avec son épouse chez ses cousins, Pierre Morlet joua un rôle dans la mise en place par le PCF des relations avec les enseignants. Il fut proposé pour devenir membre du comité de rédaction de L’École et la Nation, mais le secrétariat du PCF, le 30 septembre 1955, refusa de le retenir « compte tenu de son activité pendant l’occupation comportant des périodes incontrôlables, reconnaît avoir signé à la Préfecture de police une note désapprouvant les actions armées et s’engageant à ne pas militer ». Quatre ans plus tard, le 18 septembre 1959, il fut désigné par le secrétariat pour faire partie de la commission laïque et de la commission chargée de suivre le travail en direction des instituteurs. L’année suivante, il intégra le comité de rédaction de L’École et la Nation, et en demeura membre jusqu’en 1970. Il portait alors les espoirs du secrétariat du PCF qui, le 23 août 1960, estima que la section du Syndicat national des instituteurs de la Seine faisait partie des quatorze sections où les communistes pouvaient conquérir la majorité. Le 29 septembre 1961, pour développer le militantisme des communistes dans la section du SNI de la Seine, le secrétariat du PCF créa une équipe autour de Georges Fournial et de Morlet « responsable syndical », comprenant les responsables du travail parmi les instituteurs des cinq fédérations communistes. Il militait également au Mouvement de la Paix.

Ce changement d’attitude résultait de la place qu’occupait Pierre Morlet dans le syndicalisme enseignant. L’Ecole libératrice, le 30 septembre 1947, annonça que le syndicat prenait sa défense et, lors de la réunion du bureau national du SNI, le 17 octobre 1947, l’ « affaire Morlet » au Soudan fut évoquée. Depuis 1949, il faisait partie du conseil syndical de la section départementale du SNI dans la Seine tout en étant membre du bureau de la FEN-CGT jusqu’en 1954, du secrétariat du SERP CGT et de la commission confédérale des territoires d’outre-mer. En outre, membre du bureau national de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires, il était le responsable de la commission "Union française".

Délégué au congrès national du SNI, le 19 juillet 1950, Pierre Morlet regretta la non-condamnation des guerres d’Indochine et de Corée par le SNI. Au congrès de Saint-Malo, le 21 juillet 1951, son intervention porta sur le bilinguisme. Il affirma qu’en Alsace, le dialecte était un élément de résistance aux Allemands, qu’il fallait à la fois défendre la laïcité en Alsace et l’enseignement du Français et de l’Allemand. A celui de Pau, il intervint le 18 juillet 1953 sur les questions de l’outre-mer, expliquant que dans les colonies, la scolarisation était « inséparable de la lutte contre l’oppression coloniale » mais qu’elle ne serait effective qu’à la « fin du système colonial ». Aussi se rallia-t-il à la motion présentée Marcel Pennetier, le dirigeant des Amis de l’École émancipée. Lors du congrès de Bordeaux du SNI, son intervention, le 21 juillet 1955, approuva le rapport moral mais critiqua la prise de distance de la FEN et du SNI pour soutenir des actions laïques des partis consécutive au retrait de la CGT-FO. Au congrès national de la FEN, le 20 novembre 1956, il indiqua que les minoritaires approuvaient la lettre aux parlementaires sur la question algérienne proposée par la majorité.

Lors du congrès national du SNI, le 18 juillet 1957, il déclara voter le rapport moral tout en désapprouvant le secrétaire général Denis Forestier pour sa prise de position sur la question hongroise. Il expliqua qu’il ne fallait pas qu’une question de politique internationale contribue à mettre « en veilleuse » l’action revendicative. Au congrès national de Brest, le 18 juillet 1958, dans la discussion du rapport moral, il donna son accord avec la disparition des tendances préconisée par le PUMSUD. L’année suivante, au congrès, le 7 juillet, il regretta que les centrales syndicales n’aient pas été associées aux luttes pour la défense de l’école laïque, estimant qu’il fallait se prononcer pour l’unité syndicale et pour l’unité d’action syndicale. Il approuva la position du SNI qui refusait d’instaurer la représentation proportionnelle des tendances dans les sections syndicales. Aussi protesta-t-il, lors du congrès du 5 juillet 1961, quand les membres de bureaux des sous-sections de Champigny, d’Ivry et de Vitry furent exclus, ce qui constituait, selon lui, des « violations de la démocratie ». L’année suivante, le 13 juillet 1962, il estima que « la critique du caractère de classe du pouvoir gaulliste » était absente du rapport moral de Pierre Desvalois. Deux jours après, il intervint dans la discussion du rapport pédagogique de Jeanne Lordon pour préconiser l’école unique à la place des lycées et des CEG, selon les propositions du plan Langevin-Wallon et condamner la réforme mise en place par le gouvernement. Le 8 juillet 1963, au congrès, il s’exprima sur la formulation du potentiel intellectuel des élèves et signa en novembre 1963 le texte des candidats au bureau national « Pour un SNI toujours plus uni, toujours plus fort ».

Secrétaire de la sous-section du IIIe arrondissement du SNI, membre du conseil syndical de la section syndicale de la Seine de 1949 à 1968, élu sur la liste « Unité et Action » et de la commission administrative du SERP en 1955 puis à partir de 1961, Morlet, responsable de la tendance « Unité et Action », fut candidat au bureau national du SNI et ne fut pas élu le 22 décembre 1961, le 22 décembre 1963 et en décembre 1965 sur les listes « Pour un SNI toujours plus uni, toujours plus fort ». Candidat en 1954 en quatrième position sur la liste du SNI à la commission administrative paritaire départementale, mais arrivant en vingt-septième position, il fut battu dans la première circonscription. Il y fut élu en avril 1958 et en avril 1961 arrivant en neuvième position. Il fut élu au conseil départemental de l’enseignement primaire de 1958 à 1967.

Retraité avec son épouse, ils partageaient leurs activités entre Paris, où ils conservaient leur appartement, et Lorris (Loiret) où ils vivaient dans la maison familiale. Élu conseiller municipal d’opposition dans cette commune en 1971 (membre de la commission des finances) et 1977 (membre des commissions des finances, des écoles et de l’expansion économique), il ne fut pas élu aux élections municipales de 1983. En 1985, membre du bureau de la cellule communiste locale, il fut candidat communiste au Conseil général dans le canton de Lorris.

En 1974, il fut une des fondateurs de l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique et en 1985, il était toujours membre de son secrétariat national.

Veuf en 1997, il se retira complètement à Lorris où se déroulèrent ses obsèques civiles en présence d’une foule nombreuse.

Son épouse, née Yvonne Joseph, employée à la Banque de l’Afrique occidentale française, puis à la Banque internationale pour l’Afrique occidentale (agence de l’avenue de Messine à Paris), militante de l’Union des femmes française puis du Parti communiste français et du Mouvement de la Paix, fut élue CGT du personnel au comité d’entreprise jusqu’à sa retraite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146364, notice MORLET Pierre, Célestin. Pseudonyme « Magloire » par Jacques Girault, version mise en ligne le 10 mai 2013, dernière modification le 12 septembre 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Mairie de Lorris. — Archives du comité national du PCF. — Divers sites internet. — L’École libératrice, L’action syndicaliste. — Robert Hirsch : La section de la Seine du Syndicat national des instituteurs et institutrices de 1944 à 1967, thèse d’histoire, Université de Paris 13, 2003. — Renseignements fournis par Janine Alibert, nièce de l’intéressé.

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