PÉRIGNON Marie-Louise [PÉRIGNON Maney], née GAUTHIER Marie-Louise

Par Catherine Honoré

Née le 14 juin 1909 à Montbard (Côte-d’Or), morte le 18 janvier 2011 à Dijon (Côte-d’Or) ; clerc de notaire, employée de banque, secrétaire ; militante chrétienne, syndicaliste familiale, présidente nationale des Aides familiales populaires ; cofondatrice du Centre promotionnel féminin (CPF) de Chenôve (1972).

Maney Pérignon
Maney Pérignon

Fille de Jean-Baptiste Gauthier, né le 31 janvier 1874 à Montbard (Côte-d’Or), négociant en vin et spiritueux et d’Estelle Bourgeois, née le 9 août 1878 à Sanvigne (Côte-d’Or), sans profession, Marie-Louise Pérignon, surnommée « Maney » par un de ses plus jeunes frères, était la seconde d’une fratrie de quatre enfants. Élevée dans la foi catholique par ses parents, elle fréquenta le patronage, les enfants de Marie, fut cheftaine de « jeannettes » et « guide de France » où elle y remplit les fonctions de commissaire. Elle fonda en 1929 « la 5e Dijon », une compagnie populaire des guides de France, la première à toucher les jeunes du monde ouvrier.

Maney Pérignon fut scolarisée à l’institution Buffon à Montbard jusqu’à l’âge de dix-huit ans. En 1929, diplômée de l’école de notariat de Dijon, elle travailla comme clerc de notaire chez son parrain notaire à Ravières (Yonne), puis entra à l’étude de Maître Martin, rue de la Préfecture à Dijon (Côte-d’Or). En 1930, elle devint employée de banque au comptoir national d’escompte à Dijon et, enfin, secrétaire au cabinet d’affaires de Maître Sagette à Orléans (Loiret). Elle obtînt les diplômes de sténographie et de dactylographie en 1938 dans le cadre de l’Association des sténo-dactylographes et employés de bureau d’Orléans et du Loiret et, l’année suivante, le certificat de capacité avec mention très bien. Par la suite, elle continua de se former en prenant des cours de comptabilité à la Chambre de commerce d’Orléans et du Loiret.

En septembre 1939, Maney Pérignon s’engagea comme infirmière volontaire au service de santé du 5e corps à Orléans. Elle fut affectée au groupement hospitalier de Saint-Dié (Vosges) à l’ambulance médicale d’armée n° 35 (service des mentaux) à hôpital Foucharupt. Du 22 juin 1940 au 30 septembre 1940, après la retraite des armées de l’Est, elle assura son service en captivité avec sang-froid et dévouement. Après sa libération et sa démobilisation en 1941, elle effectua un stage au château de Madrid à Paris, où elle obtint la qualification d’adjointe médico-sociale, ce qui lui ouvrit les portes du centre de Bois-le-Roi (Seine-et-Marne) dépendant des Auberges de la Jeunesse de Marc Sangnier. Elle y rencontra Jacques Pérignon, né le 6 décembre 1920 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) qu’elle épousa le 6 avril 1942 à Bois-le-Roi. Ils furent affectés jusqu’en 1944 au centre de Boisbriou (Cher) qui permettait à des jeunes de dix-sept à vingt ans d’effectuer un retour à la terre, mais aussi de se soustraire au travail obligatoire (STO). C’est le point de départ d’un couple de militants qui sera indissociable durant cinquante-cinq ans jusqu’au décès de Jacques le 19 janvier 1997.

Lorsque le centre fut dissous, Maney et Jacques Pérignon rejoignirent Dijon en 1945, avec leurs deux premiers enfants, ils allaient en avoir cinq autres. En 1946, Maney Pérignon adhéra à l’Association familiale ouvrière et devint membre du conseil d’administration. Dans ce cadre, elle participa à la création d’une coopérative ouvrière et, en lien avec d’autres associations, à la défense du droit au logement. En 1950, elle participa aux côtés de son mari Jacques Pérignon à la fondation de l’Action catholique ouvrière (ACO) en Côte-d’Or. En 1954, elle devint présidente nationale des Aides familiales populaires, association dont le but était d’aider les mères de familles dans des situations critiques (nombreux enfants, grossesses, maladie). Pendant six ans, elle s’employa à donner aux mères de famille les moyens d’assumer leur rôle, d’être plus attentive à l’éducation et aux besoins des enfants, d’améliorer leur conditions de vie, et de se grouper pour défendre leurs droits. Elle contribua à la mise en place d’un système de location de machines à laver à la demi-journée, équipement ménager encore très rare dans les foyers modestes.

Présidente de l’Association syndicale des familles (ASF) de Dijon en 1960, Maney Pérignon la représenta de 1971 à 1976 à l’Union départementale des Associations familiales et siégea au conseil d’administration. À partir de 1961, elle assuma pendant trois ans la présidence départementale de l’Aide familiale populaire. Pour elle « le syndicalisme familial était à la localité ce que le syndicalisme ouvrier était à l’entreprise ». Elle fut à l’initiative de la création à Dijon d’un centre de couture, d’une bourse aux vêtements, d’un centre aéré, d’un service d’entraide scolaire, de l’organisation des gardes pour enfants le soir, d’action sur les loyers, de la première ouverture d’une cantine pour les élèves des écoles primaires.

En 1964, Jacques et Maney Pérignon s’installèrent dans la ZUP de Chenôve (Côte-d’Or) et fondèrent, avec d’autres militants, l’Association syndicale des familles de Chenôve. Maney Pérignon devint une interlocutrice incontournable, non seulement des municipalités successives (Bailly, Sureau, Carraz) mais aussi des responsables institutionnels de la ZUP (Secor, Socoram, Sdei) et des administrations (préfecture) pour la défense des droits des locataires. Elle mena de nombreuses actions pour l’arrêt de la privatisation de l’eau chaude, l’étalement des régularisations de charges, l’ouverture d’un marché, la création d’une bourse aux vêtements, la mise en place de l’aide scolaire. Elle fut à l’initiative de la création d’un journal Le nouveau bombis – journal bimestriel de l’ASF de Chenôve, supplément de Réalités familiales populaires –, distribué gratuitement à toutes les familles de la commune. Elle devint membre du bureau d’aide sociale et le resta pendant plus de dix années. En 1967, elle fut élue au conseil d’administration de la Caisse d’allocations familiales, puis de 1970 à 1975 elle représenta l’UDAF au conseil d’administration de la Caisse primaire d’assurances maladie.

Dans le contexte de la loi Chaban-Delmas de sur la formation pour répondre aux besoins des femmes non salariées et promouvoir leur formation, Maney Pérignon créa en 1972 le Centre promotionnel féminin (CPF) de Chenôve avec Jean Rossigneux, adjoint au DAFCO (organisme de formation professionnelle permanente), et le concours des ministères de l’Éducation nationale, du Travail et de la Santé et de la préfecture de région. C’est en janvier 1973 que le CPF s’élargit en direction des femmes non salariées pour les formations suivantes : dactylo, guidance infantile, troisième âge, formation civique et sociale, permis de conduire. Il permit la qualification de travailleuses familiales, avec l’embauche de onze femmes par le service de l’Aide familiale populaire de Dijon en 1976. Il a été créé un groupe de différentes nationalités afin de leur apprendre le français. On peut estimer que 1 000 à 1 200 femmes purent bénéficier de formations. Maney Pérignon fut la directrice du CPF jusqu’en 1982, date à laquelle elle mit fin à ses fonctions. Un hommage lui fut rendu en octobre 2003 dans l’ouvrage Dijon et la Côte-d’Or, édité par le journal Le Bien public.

Sur le plan politique, elle a été candidate du Parti socialiste unifié (PSU) à Dijon aux cantonales du 4 juin 1961 contre le chanoine Kir. Elle a obtenu, le 26 mars 1968, une autorisation préfectorale pour distribuer des journaux et des tracts sur la voie publique. En 1970, elle a fait partie des membres fondateurs du Groupe d’action municipale (GAM) de Chenôve et s’est présentée aux municipales sur une liste « gauche unie » pour les scrutins des 15 et 21 mars 1971, sur la liste du Parti communiste français, le Parti socialiste et le Groupe d’action municipale de Chenôve.

Depuis 1982, Maney Pérignon a offert ses services à la bibliothèque de Chenôve (accueil et entretien des ouvrages) et a participé en 1986 à la création du Groupe des usagers de la santé de Chenôve (GUSC). En mai 1987 le maire de Chenôve Roland Carraz lui remit le premier exemplaire de la Plaque de Chenôve, distinction créée pour honorer ceux qui ont servi la ville. Le 21 juin 1998, au cours d’une cérémonie présidée par le député maire Roland Carraz, elle reçut des mains de Roger Rémond, maire honoraire de Quetigny (Côte-d’Or), la Légion d’honneur. Enfin, le 16 mai 2009, dans sa centième année, Jean Esmonin, maire de Chenôve, lui rendit hommage tout d’abord au travers d’un film documentaire « Maney Pérignon, itinéraire d’une rebelle » et en la faisant citoyenne d’honneur de la ville.

Le mercredi 12 octobre 2016, Thierry Falconnet, maire de Chenôve, inaugura une nouvelle voie de circulation dénommée « rue Maney et Jacques Perignon » ; dans son discours, il dit « Oui, Maney, avec ses compagnons de route, fut une pionnière du vivre ensemble, une visionnaire aussi, animée de cette envie d’aller de l’avant, d’agir « pour se construire une vie meilleure ensemble » et dénonçant dès la fin des années 1960 cette ZUP alors imposée par l’État, une ZUP qu’ elle qualifiait de « machine à loger dont l’âme est absente ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146374, notice PÉRIGNON Marie-Louise [PÉRIGNON Maney], née GAUTHIER Marie-Louise par Catherine Honoré, version mise en ligne le 12 mai 2013, dernière modification le 10 avril 2019.

Par Catherine Honoré

Maney Pérignon
Maney Pérignon

SOURCES : DVD de Jean Esmonin. — Marc Bordet, Maney Pérignon, itinéraire d’une rebelle, produit par UP Vidéo, ville de Chenôve et présenté officiellement le 12 décembre 2009. — Archives familiales et entretiens avec son fils, Jean-Christophe Pérignon. — Le Bien public. — Association bourguignonne des Amis du Maitron.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable