DURANT Denise, Philomène, épouse CORNEZ.

Par Jean Puissant

Jemappes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons), 23 février 1903 – Ostende (pr. Flandre occidentale, arr. Ostende), 6 juin 1969. Jeune garde socialiste, militante puis dirigeante aux Femmes prévoyantes socialistes, dirigeante mutuelliste, fille d’Arthur Durant et épouse d’Émile Cornez.

Fille d’Arthur Durant, ouvrier mineur, fondateur de la coopérative locale et du syndicat des mineurs, premier bourgmestre socialiste de Jemappes, Denise Durant termine ses études à l’École moyenne de Mons, à l’âge de seize ans. Elle est entraînée très jeune dans la vie militante, à la Jeune garde socialiste (JGS) et, dès sa création, aux Femmes prévoyantes socialistes (FPS) en 1919. C’est sa sœur aînée qui signe les documents officiels en attendant sa majorité. Un caractère bien trempé et ses antécédents familiaux expliquent cette impressionnante précocité qui est à rapprocher de celle d’Émilienne Steux-Brunfaut.

En 1921, la Fédération boraine du Parti ouvrier belge (POB) envoie Denise Durant à l’École ouvrière supérieure (EOS), dont elle est une des premières élèves à un double titre. Cette première session réunit vingt-quatre élèves dont seulement quatre femmes (Fernande Coulon, Hélène Denis*, Julia Léonet*), ce qui est à la fois remarquable puisque la mixité est appliquée d’emblée mais souligne les limites de l’épure. Cette mixité relative dure jusqu’en 1927, date à laquelle débute l’organisation de sessions exclusivement féminine avec un programme « adapté ». Deux des quatre étudiantes feront carrière dans les organisations féminines. Toutes les quatre s’impliqueront, à divers titres, dans la défense de la cause des femmes. Denise Durant apparaît néanmoins comme la personnalité la plus politique des quatre même si elle n’a pas été mandataire comme Fernande Coulon. Avec Isabelle Grégoire-Blume et Alice Pels*, elle organisera des semaines féminines à l’EOS, dans le cadre de l’éducation ouvrière, à partir de 1923.

Responsable de la mutualité féminine, les FPS, et donc employée des Mutualités socialistes, Denise Durant y organise les consultations pour nourrissons, initiées et soutenues par l’Œuvre nationale de l’enfance (ONE), créée en 1919. Elle devient présidente provinciale de l’ONE et siège au Bureau national comme vice-présidente. Il s’agit d’un axe important de ses activités dans une région, le Borinage, marquée par l’exploitation charbonnière, longtemps caractérisée par le sous-équipement et les difficultés sociales. À ce titre, elle organise des vacances pour enfants et femmes à la mer. Elle crée le home de vacances, Le Lys Rouge, à Coxyde (Koksijde, pr. Flandre occidentale, arr. Furnes - Veurne) en 1927. Elle y adjoindra un centre médico-pédagogique en 1964.

Les FPS sont au nombre de 1.900 en 1919, plus de 10.000 en 1930, plus de 12.000 en 1936. Denise Durant les représente au Comité exécutif de la Fédération boraine du POB. En 1924, elle s’y plaint « que la majorité des militants borains sabote l’organisation féminine ». Elle se heurte aux mandataires qui considèrent que les femmes n’ont rien à faire en politique. Louis Piérard* concède qu’il faut aider Denise Durant pour que la femme s’émancipe dans la vie civile mais « elle ne doit pas s’occuper de politique ». En 1925, le Comité fédéral rejette sa proposition d’ouvrir le poll aux femmes. En 1931, une nouvelle tentative, soutenue par la JGS, est repoussée en assemblée plénière par 64.000 voix contre 13.400 (les FPS et les JGS) et 6.000 abstentions. Achille Delattre, la personnalité la plus influente de la réunion, clôt le débat en posant la question : « Denise Durant veut-elle le retour d’une majorité catholique, la perte de la majorité socialiste ? » ce qui reflète l’opposition du parti au vote des femmes dans l’entre-deux-guerres.

Entretemps, Denise Durant est devenue secrétaire de la Fédération régionale des mutualités socialistes, tout en assumant toujours ses responsabilités antérieures. Elle défend l’idée d’une politique sociale en faveur des allocations familiales, de la généralisation des œuvres d’enseignement et le développement des œuvres de santé. Elle crée en 1937 un Centre régional de travail pour jeunes chômeuses à Jemappes.

Dès 1920, Denise Durant siège comme représentante du Hainaut au Comité national d’action féminine (CNAF) du POB et participe, à ce titre, au Congrès international de la paix de 1922 où elle représente des femmes socialistes belges. Elle n’a pas vingt ans. Aussi d’un point de vue politique, c’est au sein de la JGS régionale qu’elle milite activement, traditionnellement contre la guerre et la politique de défense mais aussi en faveur des droits des femmes, y compris en matière politique. Il y a plus de 2.000 JGS dans le Borinage dans le courant des années 1920. Les loisirs y occupent une place importante avec le débat récurrent : loisirs populaires ou loisirs culturels. La direction régionale est assurée par Émile Cornez, Georges Plumat* et Denise Durant. En 1933, une organisation féminine est crée par la JGS nationale. Elle en est la responsable pour le Hainaut. Les JGS, outre leurs positions habituelles en matière militaire, critiquent la politique attentiste du POB au moment où la grande crise marque ses effets (1931-1933).

Comme dirigeante des FPS, Denise Durant est membre du Comité fédéral de la Fédération socialiste républicaine du Borinage depuis 1921 et de son Comité exécutif depuis 1932, avec Émile Cornez. Il s’agit d’intégrer les contestataires de la JGS dans la direction fédérale. Elle siège au Conseil général du POB depuis 1935, dans la même perspective de rajeunissement et d’élargissement des représentants des fédérations.

Après la Seconde Guerre mondiale, Denise Durant est présidente des FPS du Borinage. Elle s’investit dans le Comité d’aide aux familles des victimes d’accidents mortels du travail, créé par Émile Cornez en 1951. Ce Comité prendra de l’ampleur après la terrible catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle (pr. Hainaut, arr. Charleroi) en août 1956.

Denise Durant est l’épouse d’Émile Cornez (1900-1967), secrétaire général de L’Avenir, la Fédération régionale des mutualités socialistes du Borinage, conseiller communal à Dour (pr. Hainaut, arr. Mons), conseiller provincial en 1936, puis député permanent et enfin premier gouverneur socialiste du Hainaut. Ils ont un fils, Jacques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146447, notice DURANT Denise, Philomène, épouse CORNEZ. par Jean Puissant, version mise en ligne le 15 mai 2013, dernière modification le 13 janvier 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : Institut Émile Vandervelde, dossier de Denise Durant-Cornez – PUISSANT J., L’évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Bruxelles, rééd., 1993 – DIERICKX A., L’école ouvrière supérieure, un laboratoire d’idées pour le POB, Bruxelles, 1996 – Dictionnaire des femmes belges : XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006.

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