MUGNIER Jean-Marie [MUGNIER Jean, Marie, dit]

Par Jean Reynaud

Né le 7 juillet 1916 à Nangy (Haute-Savoie), mort le 24 janvier 1963 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; professeur ; résistant : militant communiste ; militant du SNCM, du SNES et de la FEN.

Fils d’un cultivateur mort accidentellement en 1923, Jean-Marie Mugnier fut élevé par sa mère, née Élise Riondel, avec son frère cadet. Promis au travail de la terre, il entra à l’école d’agriculture de Contamine-sur-Arvre (Haute-Savoie) mais ayant révélé des possibilités, ses professeurs l’incitèrent à prolonger ses études. Boursier, il fréquenta l’école primaire supérieure d’Annemasse puis fut élève-maître à l’École normale d’instituteurs de Bonneville (Haute-Savoie) de 1933 à 1936). Il commença ensuite à préparer le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure de garçons de Saint-Cloud au cours d’une quatrième année à l’ENI de Versailles en 1936-1937 puis, en étant surveillant à l’ENI de Douai et instituteur stagiaire dans une école de Versailles.

Admis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (section Lettres) au concours de juin 1939, Jean-Marie Mugnier fut réformé à titre provisoire en septembre 1939 puis classé dans les services auxiliaires en avril 1940. L’ENS ayant fermé ses portes provisoirement, il commença à enseigner les lettres comme suppléant à l’EPS de Rumilly (Haute-Savoie) de novembre 1939 à avril 1940 puis à celle de La Côte-Saint-André (Isère) de mai à juillet 1940. Il ne put rejoindre l’ENS réouverte en novembre 1940 qu’en octobre 1941 ; il y fit deux ans de scolarité à l’issue desquels il fut admis en juillet 1943 au professorat des lettres (section histoire-géographie) des anciennes EN et des collèges modernes. Il avait obtenu à la Faculté des lettres de Lille le certificat d’Histoire moderne et contemporaine (1939) puis à la Sorbonne les certificats de géographie et d’Histoire du Moyen-Age (1942). Il fut nommé au collège moderne Victor Hugo de Marseille à la rentrée de 1943.

Jean-Marie Mugnier était entré en contact, en avril 1943, avec le Front national des étudiants de la Région parisienne, participant à la distribution de tracts. A Marseille, il fut contacté le 15 octobre 1943 par le chef du Renseignement organisation propagande des Mouvements unis de la Résistance. Sous le pseudonyme de « Fleurus » puis de « Fleury », il commença à avoir la responsabilité, à partir de décembre 1943, de la section universitaire des MUR du collège Victor Hugo dans le cadre du Noyautage des administrations publiques. En janvier 1944, sa responsabilité s’étendit à tout l’enseignement moderne de Marseille et sa région et il devint l’un des cinq membres du directoire de l’organisation universitaire des MUR, dont la présidence était assurée par Albert Chabanon*. Il rédigeait et diffusait des tracts et journaux clandestins, étant également chargé du recrutement et de l’organisation de la résistance universitaire et, en juin 1944, des relations entre l’OU et le CNI. Lors de la libération de Marseille, inscrit à l’Armée secrète, il fut versé aux FFI, groupe « Giraud », et opéra comme agent de liaison du 19 au 25 août 1944 entre différents PC et groupes de combats du centre de la ville. Il fut décoré de la médaille de la Résistance française le 10 janvier 1947.

A la fin de la guerre, Jean-Marie Mugnier rencontra Jeanne Gianinassi, syndicaliste, qui devint sa compagne. Née à Constantine d’un père ouvrier plombier, elle sortait de l’ENI de Bône. Après avoir enseigné dans le « bled », elle avait été mutée à Marseille avant-guerre. Militante communiste, révoquée par Pétain, elle avait participé à la Résistance dans les réseaux communistes de Marseille puis du Gard. Jean-Marie épousa sa compagne, le 8 octobre 1953 à Marseille ; ils eurent une fille. Le couple vécut, selon ses convictions, dans l’une des banlieues marseillaises les plus défavorisées, trouvant du temps pour tous ceux qui venaient leur demander de l’aide, qu’il s’agisse d’enseigner le français aux enfants d’immigrés et de dockers du quartier ou d’aider financièrement de leurs propres deniers les plus nécessiteux.

Jean-Marie Mugnier enseignait toujours à Marseille au collège moderne Victor Hugo, chargé notamment de la classe de préparation à l’école des Arts et Métiers à partir de 1947. Il fit partie du conseil intérieur, du groupe d’entraide scolaire et de la caisse de solidarité.

Responsable du Syndicat national des collèges modernes après la Libération, Mugnier participa activement avec Roger Boval* (SNCM) et Jean-Paul Beau* (Syndicat national de l’enseignement secondaire) à la préparation de la fusion en 1949 des deux syndicats dans le SNES (classique, moderne). Secrétaire départemental adjoint du Syndicat de l’enseignement des Bouches-du-Rhône (section de la Fédération générale de l’enseignement puis de la Fédération de l’Education nationale), il seconda Georges Cheylan*, secrétaire départemental, dans la bataille pour le maintien de la FEN dans la CGT lors des débats de 1948. En 1948-1949, Mugnier succéda à Cheylan comme secrétaire de la section départementale de la FEN et au congrès national de 1949, il défendit son orientation très majoritaire, qui allait ensuite souvent servir de support aux motions présentées par les « ex-cégétistes ».

A la rentrée 1949, Jean-Marie Mugnier fut muté à sa demande, « pour pouvoir préparer l’agrégation », à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise), où il exerça jusqu’en 1953. Il fut alors présenté tête de la liste B comme candidat des certifiés aux élections à la CA nationale du SNES mais sans être élu. En 1950, il fut élu suppléant de Pierre Brasseul, puis devint titulaire en 1951 et entra au bureau national au titre de la liste B. Il ne fut pas réélu en 1953, André Drubay lui ayant succédé comme tête de liste des certifiés de la liste B. Orthographié Munier dans la presse syndicale, il était membre suppléant en 1950 de la commission administrative nationale de la FEN.

Jean-Marie Mugnier avait en effet souhaité revenir dans les Bouches-du-Rhône, où il fut muté au collège Victor Hugo de Marseille, puis il demanda son affectation en 1958 au nouveau lycée Saint-Exupéry dans le populeux quartier Saint-Louis, son dernier établissement. Membre du bureau de la section FEN des Bouches-du-Rhône, en 1956, il succéda à nouveau à Cheylan comme secrétaire de la section FEN et membre de la CA nationale, au titre des sections départementales ; il y siégea jusqu’à son décès. Il participa à l’organisation des toutes les manifestations publiques des syndicats du département. Il présenta notamment les propositions du courant de pensée « Bouches-du-Rhône » lors du congrès national de 1958. Le 5 juillet 1958, avec les militants de la section départementale du Syndicat national des instituteurs (Marcel Astruc*, Marius Giraud et Gabriel Vialle*), il assista à la représentation à Marseille du 14 juillet de Romain Rolland, extraits de ce « théâtre de la Révolution » par lequel l’écrivain avait souhaité « dégager la vérité morale et rallumer l’héroïsme et la foi de la Nation aux flammes de l’épopée républicaine… ».

Engagé dès 1954, avec son épouse (dont la famille vivait toujours à Constantine et militait pour l’indépendance), dans la lutte pour la paix en Algérie et l’indépendance algérienne, il dénonça les exactions de la police française à l’encontre des Algériens en France, participa activement aux meetings, aux comités de soutien à Maurice Audin* et Henri Alleg*. Il fit partie du Comité de vigilance universitaire pour la défense des libertés et la paix en Algérie et prononça une allocution le 18 juin 1958 au cinéma Saint-Lazare. Durant l’été 1961 ou 1962, il défendit le professeur Robert Bonnaud, arrêté pour avoir possédé des documents subversifs.

En 1962, alors qu’il avait reçu des menaces de l’OAS le 25 juin, il passa ses nuits à surveiller les routes, car on craignait un débarquement de l’OAS à Marignane, atteignant les limites du surmenage. Tombé malade en octobre 1962, Mugnier décéda d’une septicémie qu’il avait contractée à la clinique de la Feuilleraie après une intervention.

Lors de l’inauguration d’une stèle en son honneur, au cimetière de Nangy, en présence de son oncle Riondel, maire du village et d’amis « venus des quatre coins de France », Georges Cheylan, son ami, son compagnon de lutte de vingt années, salua « le syndicaliste fervent et actif, foncièrement républicain, nourri d’humanisme, de rationalisme et du socialisme lyrique et généreux de 1848. Il avait une foi profonde en l’homme et en la démocratie dont la force vive était pour lui la classe ouvrière ». Enseignant passionné, aimé de ses élèves, ses qualités étaient reconnues par l’inspection et par son proviseur qui évoqua lors des ses obsèques « sa probité intellectuelle », « sa bonté souriante et discrète » et sa disponibilité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146581, notice MUGNIER Jean-Marie [MUGNIER Jean, Marie, dit] par Jean Reynaud, version mise en ligne le 20 mai 2013, dernière modification le 18 avril 2021.

Par Jean Reynaud

SOURCES : Arch. Nat., F17/28187. — Arch. de l’IRHSES. — Arch. syndicales des Bouches-du-Rhône. — Renseignements fournis par sa nièce et sa fille. — Témoignages oraux. — Notes d’Alain Dalançon, de Jacques Girault et Gérard Leidet.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable