CAYROL Lucien

Par Georges Portalès

Né le 4 mars 1920 à Paris (XVIIIe arr.) mort le 7 juillet 2018 à Toulouse (Haute-Garonne) ; dessinateur industriel puis cadre dans l’Industrie aéronautique ; syndicaliste CGT puis Force ouvrière (FO) de la Haute-Garonne ; membre des Jeunesses socialistes SFIO ; sportif.

Lucien Cayrol
Lucien Cayrol

Lucien Cayrol naquit rue Lepic dans le 18ème arrondissement de Paris. En 1928, sa famille s’installa à Toulouse où son père, militaire de carrière, abandonna l’armée pour occuper un emploi civil.

Lucien Cayrol, après avoir obtenu son certificat d’étude primaire, fréquenta le lycée Berthelot et obtint son brevet élémentaire. Il suivit alors des cours de dessin industriel durant cinq ans et prépara le concours des Arts et Métiers. Il échoua au concours d’entrée à l’école d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), car, simultanément, il eut une activité sportive intense. Il fut champion d’académie du 1.500 m au cross-country et joua au jeu à XIII dans une équipe qu’il constitua.

Sensibilisé par la transformation sociale exprimée en 1936, il adhéra aux étudiants socialistes SFIO et participa, à l’âge de 14 ans aux manifestations de la classe ouvrière dans les rues de Toulouse. Il eut pour camarades Achille Auban, futur député et, en 1957, sous-secrétaire d’Etat à l’Aviation civile, et André Méric, futur député puis sénateur et vice-président du Sénat.
Ces relations amicales lui furent utiles lorsqu’il s’agira de s’opposer au transfert du bureau d’études de Toulouse vers Paris.

Le premier décembre 1937, il fut embauché au bureau d’études de la SNCAM (Société nationale des constructions aéronautiques du Midi), société qui fut créée par le Front Populaire en avril 1937.

Lucien Cayrol travailla sur le Dewoitine D 338, avion de ligne dont 31 unités furent achetés par "Air France" et sur le Dewoitine D 520, avion de chasse français, mis en service en 1940 et capable d’atteindre 520 km/ heure. De dernier avion fut le meilleur chasseur que l’armée de l’air utilisa contre l’ennemi en 1939/1940.

En 1939, Lucien Cayrol occupa un poste de dessinateur industriel au bureau d’études. Très vite, il s’engagea dans l’action syndicale avec la CGT, distribua des tracts et participa aux grèves nationales contre la suppression de la semaine de 40 heures, obtenue par les accords Matignon, signés en 1936.
Début 1940, appelé sous les drapeaux, il fut mobilisé dans l’armée de l’Air à Francazal, banlieue de Toulouse. Puis, après la défaite de juin 1940 et l’Armistice, il fut envoyé dans un chantier de jeunesse instauré par Vichy pour remplacer le service militaire et endoctriner les jeunes selon la formule « Travail–Famille-Patrie » à la place de « Liberté-Egalité-Fraternité » qui symbolise la République.

Puis, il fut recruté, grâce à des camarades, au bureau d’études de la mairie de Toulouse, mais c’est l’Aéronautique qui l’attira.

Lucien Cayrol fut ensuite admis aux usines Latécoère, après avoir passé un concours de dessinateur-traceur. Finalement, il choisit de travailleur à l’AIA (Atelier industriel de l’Air) à Blagnac, banlieue de Toulouse.

En 1942, il fut requis par le Service du travail obligatoire (STO) et envoyé de force dans une usine d’aviation allemande en Bavière près du lac de Constance.

Vers la fin de la guerre, en avril 1945, Lucien Cayrol s’évada et passa la frontière germano-suisse et se retrouva à Saint-Gall. Finalement, il put revenir à Toulouse libérée.

Il réintégra la SNCASE (constructions aéronautiques) où il occupa le poste de dessinateur principal au bureau d’études. Il travaille avec Raymond Pambrun, l’un des responsables du bureau d’études et syndicaliste CGT puis FO.

En 1947, Lucien Cayrol fut déjà un syndicaliste accompli. Voici comment il décrit cette période conflictuelle dans son texte mémoire de février 2013.
« La CGT accentuait la pression sur les salariés Une grève politique était en préparation. Une partie du personnel refuse de suivre. Ce fut la scission et Force Ouvrière naquit ! »

En 1951, il devint dessinateur chef de groupe et travailla sur l’Armagnac : le plus grand avion français de son temps, mais un échec commercial. Cela entraîna une diminution de la charge de travail du bureau d’études. C’est alors que le PDG de l’époque profita de l’occasion pour décider le déplacement de ce bureau de Toulouse à Paris.

Lucien Cayrol décida de créer un comité de défense qu’il anima de manière très active. Il se rendit à plusieurs reprises à Paris pour plaider la cause auprès des ministères concernés le maintien du bureau d’études à Toulouse. Ses amis politiques André Méric et Achille Auban et d’autres parlementaires socialistes de la Haute Garonne, tel Eugène Montel, lui apportèrent un précieux soutien.

Parallèlement, le syndicat FO, majoritaire au bureau d’études, accentua sa pression sur la direction. L’avenir de l’aviation toulousaine était compromis !
La direction générale révisa sa position d’autant plus que va se produire un retournement de situation avec le démarrage de l’étude de l’avion Caravelle.

Les qualités professionnelles de Lucien Cayrol furent reconnues par la hiérarchie. En 1956, il fut nommé chef de section, avec la position cadre, et participa activement au projet Caravelle. Il travailla sur le prototype et, plus particulièrement, sur le poste de pilotage dont il devint le spécialiste des dessins des pièces de cet avion.

Lucien Cayrol su toujours mener de pair son activité professionnelle et son activité syndicale.

Délégué du personnel du collège cadre, depuis 1950, il fut réélu lors de chaque scrutin. Chaque année, ses collègues de travail lui confièrent le mandat de les représenter à l’assemblée générale de la caisse de retraite de l’entreprise.
A Sud-Aviation, la grève de mai 1968, initiée d’abord à Nantes et Saint-Nazaire, s’étendit à Toulouse : les usines furent occupées.

Ce fut durant cette période que Lucien Cayrol pour les cadres, Lucien Guitou de Toulouse, Charles Chiron de Marignane, René Zeni de Cannes et Yvon Rocton de Nantes, tous responsables FO au sein du groupe de Sud-Aviation, agirent de conserve pour accélérer le processus de négociation qui avait commencé avec la direction de Sud Aviation. Ils rédigèrent un projet et proposèrent alors les premiers textes du futur accord au sein de la société. A Toulouse André Montané, Lucien Brun, Jeannot Massé, Joseph Bresse et Raymond Pambrun, responsables syndicalistes FO de l’époque, en profitèrent, au moment où la CGT demanda la reprise du travail sans rien avoir obtenu, pour déclencher une campagne d’adhésion qui fera de FO la première organisation syndicale à l’Aérospatiale, futur Airbus.

Lucien Cayrol pris sa retraite en 1978. Il aura mené de pair une carrière qui le conduisit à des postes de haute responsabilité professionnelle, participant ainsi à l’essor de l’aviation toulousaine tout en menant une intense activité syndicale. Il fut l’un des négociateurs des accords d’entreprise et participa aux réunions paritaires à Paris.

Il participa également aux négociations de la convention collective de la métallurgie de la région toulousaine.

Lors du pot de départ à la retraite, en 1978, Lucien Cayrol reçut le témoignage de sympathie de tous ses compagnons de travail et camarades qui virent en lui un exemple de courage et de solidarité ouvrière.
Il mourut en 2018 à 98 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146717, notice CAYROL Lucien par Georges Portalès, version mise en ligne le 23 mai 2013, dernière modification le 1er juin 2020.

Par Georges Portalès

Lucien Cayrol
Lucien Cayrol

SOURCES : Arch. de l’Union départementale FO de la Haute-Garonne. — Entretiens entre Georges Portalès et Lucien Cayrol, enregistrés en janvier et février 2013. — Texte mémoire écrit par Lucien Cayrol en février 2013 à l’attention de Georges Portalès. — La Dépêche du Midi, 18 juillet 2018.

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