MONTARELLO Séverin

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

Né le 12 mars 1925 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; ajusteur mécanicien ; responsable fédéral JOC à Marseille-Nord ; permanent MLP (1949-1951) ; membre du comité national du MLP ; membre du bureau de l’UD-CGT des Bouches-du-Rhône (1955-1957) ; fondateur de Villages Clubs du Soleil, de l’IRFA et du CCO à Marseille.

Séverin Montarello
Séverin Montarello

Issu d’un couple natif de Radicena en Calabre, Séverin Montarello fut le dernier fils d’une fratrie de neuf enfants et le premier à naître en France. Son père, Rocco Montarello était arrivé à Marseille en 1922 et avait été embauché comme journalier aux tuileries de la Méditerranée de Saint-Henri, dans la banlieue industrielle de l’Estaque. Sa mère, Maria-Teresa, née Mammoliti, l’avait rejoint en 1924 avec sa sœur et ses cinq frères. La famille occupa un deux-pièces – cuisine, dans le quartier des Baraques, un bidonville habité majoritairement par des Italiens, des Espagnols et des Arméniens, la plupart acquis au Parti communiste. Élevé dans un climat de piété religieuse, Séverin Montarello fréquenta le « patro » de l’Estaque, jusqu’à ce qu’il fût contraint, à cause de la mobilisation de ses frères, de travailler en janvier 1940 aux établissements Favant. Il dut arrêter sa scolarité pour subvenir aux besoins de sa famille alors qu’il était un excellent élève (1er sur 93) au cours complémentaire.

À l’inverse de ses aînés, notamment Raphaël Montarello, qui avaient fait le choix de rallier les Jeunesses communistes, il se laissa entraîner par un voisin, François Andreux, en 1941, aux cercles d’études de la JOC dont l’aumônier était Roger de la Pommeraye. Il participa au 15e anniversaire du mouvement en juin 1942, au lancement des équipes d’entraide ouvrière – aide aux personnes âgées, aux familles de prisonniers de guerre, aux familles touchées par la tuberculose –, et diffusa des Cahiers du Témoignage chrétien. Responsable de la fédération de Marseille-Nord en 1944, il promut, à la Libération, les revendications de la JOC (congés payés supplémentaires pour les jeunes travailleurs) qui, si elles l’amenèrent à se heurter aux jeunes communistes, participaient au désir commun de reconstruire le pays. Sensible aux promesses du MRP, il s’en détourna dès lors qu’elles ne correspondirent plus aux aspirations du monde ouvrier. Il avait, entre-temps, obtenu le CAP d’ajusteur mécanicien et la qualification d’ouvrier professionnel (OP2).

Lorsque son activité jociste prit fin avec son mariage le 3 avril 1948 à l’Estaque avec Simone Lombardi, il s’investit au Mouvement populaire des familles (MPF) dont il devint, en 1949, permanent. Il existait alors à Marseille une crise importante du logement à cause des nombreux sinistrés, victimes de la destruction des quartiers du Vieux-Port et des bombardements de mai 1944. Séverin Montarello participa à la direction du mouvement squatter (occupation d’immeubles ou de châteaux vides). Il emménagea lui-même dans le château Tornésy, situé dans l’enceinte de l’huilerie Antonin Roux du quartier Saint-Louis, qui était la première habitation occupée par le MPF en 1946. Cet insallation ne correspondait pas à un besoin personnel de logement : il cherchait à inciter les familles relogées à s’engager à leur tour dans le mouvement pour accéder à un mode de vie plus décent, notamment à travers le ravitaillement (lancement de la coopérative La Familiale avec Marcel Coquillat), le service des machines à laver et les maisons familiales de vacances dans les Alpes dont il s’occupa avec Edmond Céréda. Après la déconfessionnalisation du MPF, il entra au Mouvement de libération du peuple (MLP) et siégea à son comité national de 1952 à 1955. Il ne se départit pas pour autant de ses convictions de chrétien qui lui firent refuser de faire partie de l’Action catholique ouvrière (ACO) considérée comme une simple « animation spirituelle » et miser sur la « Fraternité » Saint-Louis avec laquelle il fit équipe, non seulement avec les prêtres de la Mission de France dont Jean Gentile, mais aussi avec les laïcs. Il y déploya une activité importante : préparation de la messe, réunions de quartier sur des thèmes d’actualité, formation de militants, soutien aux prêtres-ouvriers (1954).

À l’issue de son mandat de permanent (1951), Séverin Montarello avait difficilement trouvé du travail à cause de ses activités militantes. Entré aux Chantiers et Ateliers de Provence, il fut rapidement élu délégué CGT du personnel, ce qui lui valut d’être licencié en 1953 de concert avec André Piet*, prêtre-ouvrier. Il se fit embaucher comme ajusteur chez Noël Célestin, une entreprise de réparation navale dans laquelle il demeura dix ans. Il poursuivit son action à la CGT, entra au bureau du syndicat des Métaux et fut élu en 1955 au bureau de l’UD-CGT où il affirma ses convictions d’ouvrier chrétien. C’est à ce titre qu’il adhéra à l’Union de la gauche socialiste (UGS) puis au Parti socialiste unifié (PSU), séduit par le socialisme autogestionnaire. Il s’en éloigna rapidement redoutant que, au sein de la nouvelle organisation, les ouvriers se fassent manipuler par les intellectuels du Parti socialiste autonome (PSA). Déçu, comme la majorité des militants marseillais de l’UGS par ces perspectives politiques, il préféra revenir à un militantisme de base.

En effet, depuis la crise du progressisme chrétien, Séverin Montarello s’investissait dans des projets de loisir populaire. À Saint-Louis d’abord où il lança l’Association populaire de culture et de loisirs (APCL), puis au côté de Vie nouvelle en devenant administrateur de l’association « Villages clubs du soleil » (1962), ce qui lui donna la possibilité de réorienter sa vie professionnelle : en 1965, il entra à l’Association pour le logement familial et l’animation des grands ensembles (ALFA) où il allait travailler jusqu’à sa retraite en 1983. C’est dans ce cadre qu’il anima le centre social Picon à Sainte-Marthe, qu’il dirigea la Maison de quartier à La Busserine et devint délégué régional pour la région PACA. De 1976 à 1978, il fut chargé par la ville de Marseille, en accord avec l’ALFA, des problèmes d’animation auprès du service des œuvres sociales. Que ce fût dans sa vie professionnelle ou de façon bénévole, il ne cessa jamais de militer en faveur de l’éducation populaire : au Centre de culture ouvrière (CCO) notamment avec Dominique Alunni et Jacques Bégassat, puis à Culture et Liberté, à l’Institut régional de formation d’adultes (IRFA), au Centre de formation au tourisme et hôtellerie (CFTH) et à la Fondation Abbé Pierre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146797, notice MONTARELLO Séverin par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 27 mai 2013, dernière modification le 16 octobre 2019.

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

Séverin Montarello
Séverin Montarello

ŒUVRE : Pourquoi pas moi, Marseille, 1994.

SOURCES : Michel Daune, La Mission de Marseille, thèse de théologie, 1986. — Cahiers du GRMF, VI, p. 51, 52, 157, 291 ; VII « La bataille des squatters », 88, 96, 108, 124, 278 ; IX « Une communauté brisée », 258, 367 ; XI, 277, 345-346, 401, 404 ; XIII « Dans le combat ouvrier », 26, 31, 35, 45, 47, 48, 69, 98, 182, 184, 193, 229-234, 272, 280. — Entretien de Séverin Montarello par Alain Dufau, janvier 1993. — Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, « Catholiques engagés à Marseille », dans Les catholiques dans la République 1905-2005, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2005, p. 301-312. — Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930-1940, t. 1, Les années de crise 1930-1940, t. 2, Vichy en Provence, t. 3, Une histoire sociale et politique de Marseille et des Bouches-du-Rhône, Syllepse, 2004, 2009, 2011. — Nadia Simony, Des valeurs en partage. Les Villages Clubs du Soleil, Baume-les-Dames, Éditions Villages Clubs du Soleil, 2010. — Lucienne Brun et Christine Breton, L’église Saint-Louis. L’art et la foi rencontrent le monde ouvrier, Fraternité Saint-Louis, 2010. — « Témoignage de Séverin Montarello », Bulletin de PROMEMO, 9, 2009, p. 28-29. — « Rencontre avec Séverin Montarello », dans Témoignages de pionniers visionnaires de la formation tout au long de la vie, Dominique Alunni (dir.), L’Harmattan, 2011, p. 137-148. — Éric Belouet, Tangi Cavalin, « La composante chrétienne du PSU : une mosaïque éclatée », Le Parti socialiste unifié, Rennes, PUR, 2013, p. 31-41. — Entretiens avec Séverin Montarello (2004-2012).
FILMOGRAPHIE : Séverin Montarello (informateur), Michel Péraldi (enquêteur), Récit de vie d’un militant associatif pendant la crise du logement à Marseille (années 1950-1970), entretien filmé, MMSH-phonothèque, 2005.

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