MENOU Pierre, Marie

Par Alain Prigent, Serge Tilly

Né le 7 octobre 1920 à Vieux-Marché (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé le 6 mai 1944 à Ploufragan (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) ; forgeron ; résistant, membre des FTPF.

Pierre Menou était le fils de Joseph, Marie Menou, né en 1879, qui tenait une ferme dans le hameau de Crech-Hoant en Vieux-Marché, et de Marie Lézoray, ménagère, née en 1894. Il exerçait la profession de forgeron au bourg de Plouaret. Plouaret fut l’une des quatre localités du département où se déroula le 9 mars 1943 une manifestation à l’occasion de la visite médicale préalable au recensement des requis du Service du travail obligatoire (STO). Plusieurs dizaines de jeunes n’hésitèrent pas à montrer dans les rues de ce chef-lieu de canton leur mécontentement face aux décisions du gouvernement de Pétain. Après les arrestations qui suivirent ce rassemblement, beaucoup d’entre eux choisirent de se cacher dans les fermes du secteur, certains rejoignant dès l’été 1943 les premières structures organisées de la Résistance. C’est à l’automne 1943 que se constitua la Compagnie FTP « La Marseillaise » mise en place par Yves Trédan originaire des Sept-Saints en Vieux-Marché (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor). Le groupe de Plouaret passa sous la responsabilité d’Auguste Le Pape qui dirigea plusieurs déraillements de train sur la ligne stratégique Paris-Brest entre la gare de Belle-Isle-Bégard en Louargat et Plounérin de février à avril 1944. D’autres actions furent également menées comme des destructions de lignes téléphoniques ou des incendies de réserves de paille. Pierre Menou rejoignit le groupe, probablement au début de l’année 1944. Les jeunes gens qui en faisaient partie travaillaient tous à la ferme avec leurs parents. Excédées par ces sabotages, les autorités militaires allemandes, profitant d’une trahison, décidèrent de décapiter la résistance locale. Le 23 avril 1944, à 4 heures du matin, plusieurs centaines de soldats allemands venus par train de Saint-Brieuc occupèrent les communes de Plouaret, Vieux-Marché et Trégrom, par lesquelles passait la voie ferrée Paris-Brest. Les membres du groupe FTP furent tous arrêtés à l’exception d’Yves Trédan, d’Albert Jacob et des frères Laurent (Ernest et Prosper) qui réussirent à s’échapper. Maintenus en détention, ils furent ensuite dirigés vers la maison de la Pépinière (actuellement rue de la Résistance) à Plouaret où ils subirent d’horribles tortures. Dans le même temps, des dizaines de jeunes réfractaires du STO furent arrêtés puis regroupés dans l’école catholique Saint-Louis de Plouaret. Ils furent envoyés en Allemagne et astreints au travail forcé jusqu’à la Libération. Pierre Menou fabriqua la clef utilisée pour faire dérailler les trains sur la voie ferrée Paris-Brest. Depuis l’élection de Norbert Le Jeune en 1977, président du comité local de Libération de Plouaret, cette clé est soigneusement conservée dans le bureau du maire de Plouaret. Arrêté à son domicile le 25 avril 1944, Pierre Menou ne suivit pas l’avis de son entourage qui lui avait conseillé d’entrer dans la clandestinité à la suite de la rafle du 23 avril 1944. Il voulut continuer à travailler pour sa patronne qui était seule à diriger la petite entreprise, son mari étant prisonnier en Allemagne.

Le 6 mai 1944, à Belle-Isle-en-Terre, Pierre Menou fut condamné à la peine de mort pour « activité de franc-tireur » par un tribunal militaire sous la présidence du colonel juge Eilhauer, attaché au général Sprang, commandant de la 266e division d’infanterie du groupe d’armée B de la Wehrmacht. Il a été fusillé, ainsi que ses six camarades Eugène Daniel, Arsène Faujouron, Joseph Hénaff, Léon Le Guerson, Auguste Le Pape et Auguste Pastol, par les Allemands le 6 mai 1944 vers 17 heures au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan. Pierre Menou avait vingt-quatre ans. Dans la matinée, douze autres FTP tous originaires de l’ouest du département ont été fusillés au même endroit. Les dix-neuf corps furent enterrés sur place sans cercueil. Les sept fusillés de Plouaret demeuraient tous à proximité de la route communément appelée route de Saint-Carré. Ces exécutions répondaient à une directive du maréchal Erwin Rommel qui, de passage à Quintin, au mois d’avril 1944, avait ordonné, devant la recrudescence des attentats commis par la Résistance, que soient appliquées les mêmes méthodes qu’en Russie. Le fait que ces exécutions furent annoncées par la presse régionale de Vichy met en évidence l’impact sur la population que les autorités d’occupation comptaient donner à l’événement. Quelques jours après l’exécution, le 12 mai 1944, une gerbe fut déposée au monument aux morts de Callac-de-Bretagne avec cette inscription : « Aux héros du 6 mai, fusillés par les boches ». Une oriflamme fut aussi accrochée au monument. Constatant que la population venait déposer des fleurs à l’endroit de la fusillade, les autorités allemandes, craignant sans doute d’autres manifestations de sympathie, firent exhumer les corps par la Croix-Rouge, puis les pompes funèbres de Saint-Brieuc les mirent dans des caisses en bois et les transportèrent à l’abri de tout regard dans la forêt de L’Hermitage-Lorge.
Après la Libération à la demande de Jean-Marie Madigou, le père d’un des suppliciés du 6 mai 1944, Armand Tilly et Louis Lalès, originaires de Louargat, entreprirent des recherches pour retrouver les corps. Le 18 août, après une enquête assez longue, aidés par un cultivateur de Ploeuc-sur-Lié qui avait repéré, dans une clairière à cinq kilomètres du bourg de L’Hermitage-Lorge, des monticules de terre, ils exhumèrent dix-neuf « sépultures ». Passant outre à la réglementation préfectorale sur le transport des personnes décédées, les huit corps des suppliciés de Plouaret et de Louargat furent transportés dans leurs communes d’origine. Le Comité départemental de Libération, prévenu de la présence des onze autres corps, fit le nécessaire pour les rapatrier dans les localités respectives. Le nom de Pierre Menou figure sur Le monument des fusillés au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, aujourd’hui proche du zoopole, sur Le monument des Martyrs à L’Hermitage-Lorge et sur Le monument du cimetière de Plouaret.
En 1947, l’abbé Kenven, recteur de Plouaret, fit graver en breton sur le monument du cimetière de Plouaret cette épitaphe : « Ken toc’h mervel evit tec’hel o deus lavaret paotred Plouaret » (en français : « Plutôt mourir que céder ont dit les gars de Plouaret. ») Les tombes de six des sept suppliciés sont alignées dans une allée du cimetière de Plouaret.

Lettre d’adieux de Pierre Menou

Bien chers parents père et mère frère et soeur.
Je suis condamné pour ce que j’ai fais contre les Allemands, mais ne vous découragez pas, je ne suis pas le seul.
Je souhaite à frère et soeur un courage pendant toute votre vie et de ne pas faire comme moi.
Maintenant je me confesse à Dieu pour la dernière fois.
Mais je meurs courageux, à mon âge c’est triste de mourir.
Donnes le bonjour à ma chère patronne Joséphine.
Adieu Père et Mère frère et soeur et grand père et toute la famille.
Menou Pierre.

Le matin 12 FTP tous issus de l’ouest du département furent condamnés à la peine de mort par le tribunal militaire allemand de Saint-Brieuc et exécutés au même endroit : Marcel Bitaille, Eugène Cazoulat, Auguste Dugay, Émile Henry, Maurice Lagadec, Arsène Le Bozec, Charles Le Gallou, Roger Madigou, Pierre Menguy, Jean Pleiber, François Prigent et Roger Quintric.

Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146907, notice MENOU Pierre, Marie par Alain Prigent, Serge Tilly, version mise en ligne le 29 mai 2013, dernière modification le 5 octobre 2021.

Par Alain Prigent, Serge Tilly

Condamnation à mort de Pierre Menou et de ses camarades.
Condamnation à mort de Pierre Menou et de ses camarades.
Article de Ouest-Eclair du 10 mai 1944.
Les obsèques de Pierre Menou et de ses camarades à Plouaret.

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 5W16. – Archives de l’ANACR-22 (archives Yves Trédan). – Articles dans la presse communiste des Côtes-du-Nord, L’Aube Nouvelle, Ouest-Matin et dans la presse locale en particulier Le Trégor. – Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. – Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « La bataille du rail », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 8/9, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011. – Témoignage d’Armand Tilly.

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