LEGEAY Jean-Baptiste, Joseph

Par Alain Prigent, Serge Tilly

Né le 10 février 1897 à Montbert (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), guillotiné le 10 février 1943 à Cologne (Allemagne) suite à une condamnation à mort en France ; membre d’une congrégation, directeur d’une institution chrétienne ; membre du réseau La Bande à Sidonie, groupe 31 de l’Intelligence service.

Jean-Baptiste Legeay était le fils de Jean Legeay, marchand de bois et cultivateur dans le hameau de Geneston en Montbert, et de Marie Eugénie Moriceau également cultivatrice.
Il entra à 16 ans dans la congrégation des Frères de l’instruction chrétienne à Ploërmel (Morbihan). Le noviciat s’effectuant à Bitterne, près de Southampton (Angleterre). Jean-Baptiste Legeay, devenu Frère Clair-Marie, y fit sa profession de foi à l’issue de deux années d’études. En septembre 1914, il revint en France pour enseigner à l’Ecole du Croisic (Loire-Inférieure ; Loire-Atlantique). Ajourné de la classe 1917, il fut affecté en 1918 au 45e Régiment d’Artillerie à Orléans en partance pour le front. Le 9 juin 1918, il fut grièvement blessé. On le dirigea vers les hôpitaux du Midi où il passa sa convalescence. Maintenu sous les drapeaux après sa guérison, classé service auxiliaire, il entra à la section franco-américaine de l’Etat-Major à Orléans grâce à sa parfaite connaissance de la langue anglaise. Ayant obtenu la Médaille militaire et la Croix de guerre, après le conflit il reprit un poste de professeur. En 1926, il fut nommé successivement directeur de l’école primaire supérieure de Nantes-Chantenay puis directeur de l’externat de l’école Saint-Similien de Nantes.
En juillet 1940, il se mit en relation avec un réseau de renseignements en Loire-Inférieure organisée par Mme de Bondy. Ses supérieurs le sentant menacé décidèrent de l’affecter dans les Côtes-du-Nord.
Frère de la Congrégation des écoles catholiques, il fut nommé économe au Postulat de Roscoat en Pléhédel (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor) en septembre 1940 dont il prit la direction l’année suivante.
Dès son arrivée, il se mit en relation avec le réseau "La bande à Sidonie", affilié au groupe 31 de l’Intelligence Service, dirigé par Mme Suzanne Wilborts, installée sur l’île de Bréhat (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor). Sous le pseudonyme de Jean, il reçut de Londres la mission de surveiller les mouvements de troupes et les points stratégiques de l’armée allemande sur les côtes bretonnes, en particulier autour de Lorient. Avec son réseau, il aida à cacher les premiers aviateurs anglais, tombés en Bretagne. Il hébergea par exemple le sergent chef pilote Arnold Mott-Eso dont le bombardier de la RAF avait été abattu le 28 décembre 1940 de retour d’une mission sur Lorient. Legeay contribua à faire parvenir à Londres un plan qui permit la réussite de l’opération "Fahrenheit" , dans la nuit du 11 au 12 novembre 1942, à Plouézec (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor).
Membre de l’Intelligence Service, il opéra sous les ordres de Turban et de son adjoint Le Deuff, gendarmes qui furent en poste à Paimpol et Lézardrieux (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor). Il confectionna de fausses pièces d’identité pour les prisonniers évadés et les jeunes volontaires qui voulaient rejoindre La France Libre.
Jean-Baptiste Legeay était en étroite relation avec André Marchais, il fit sa connaissance lors des recherches d’hébergements sûrs. Peu de temps avant son arrestation, il se confia à la fille d’André Marchais, Monique, conscient que s’il était arrêté, André Marchais le serait également, il lui expliqua en détails l’écheveau des réseaux qui dépendaient en grande partie de lui et les personnes à prévenir au cas où il serait arrêté. Ainsi Monique Marchais put en circulant à vélo prévenir les personnes menacées.
Jean-Baptiste Legeay et André Marchais, qui n’avaient pas les mêmes engagements philosophiques et religieux, avaient le même courage, la même loyauté et la même générosité.
Le 13 novembre 1941, suite à une dénonciation, il fut arrêté pour espionnage vers 8h du matin par cinq membres de la Gestapo alors qu’il se rendait à l’Institution. Entre le 13 novembre 1941 et le 1er juillet 1942, 26 personnes furent arrêtées pour avoir apporté leur aide à des militaires britanniques. Vingt d’entre elles furent emprisonnées aux maisons d’arrêt de Fresnes et de la Santé à Paris. Les autres furent rapidement libérées après interrogatoire.
Après un court séjour à Saint-Brieuc, Jean-Baptiste Legeay fut transféré à la prison d’Angers (Maine-et-Loire), puis à la maison d’arrêt de Fresnes (Seine).

Du 27 juin au 17 juillet 1942, devant le tribunal militaire allemand du Gross Paris, à Hôtel Continental 11 rue Boissy-d’Anglas Paris 8ème eut lieu le procès des personnes originaires de Bretagne impliqués dans cette affaire. Ce procès fut appelé par la presse "procès des 30 Bretons".

Ouest-Eclair seul journal autorisé à paraître par les autorités d’occupation en date du 13 et 14 juillet 1942 titrait à sa une : " Trente bretons comparaissent devant le tribunal militaire allemand pour avoir héberger des aviateurs anglais ".

Jean-Baptiste Legeay fut condamné à la peine de mort "pour espionnage et aide à l’ennemi" ainsi que Georges Le Bonniec et André Marchais le 17 juillet. De leur côté, les frères de La Mennais, ainsi que Mgr Suhard, archevêque de Paris, entreprirent des démarches afin de sauver les condamnés à mort. La peine capitale ayant été commuée en travaux forcés à perpétuité, il quitta 25 septembre 1942 la maison d’arrêt de Fresnes puis fut interné dans la forteresse de Rheinbach en Rhénanie située à 20 km de Bonn (Allemagne). André Marchais et Georges Le Bonniec furent exécutés le 20 octobre 1942. Jean-Baptiste Legeay dont la grâce fut rejetée fut décapité à prison Klingegutz de Cologne le 10 février 1943, le jour de son anniversaire, il avait 46 ans.
Neuf personnes originaires des Côtes-du-Nord furent déportées, dont cinq femmes, six périrent en camp de concentration : Marie Anne Geneviève d’Affray de la Monnaye épouse et veuve de Saint-Laurent de Plestin-les-Grèves, Marie Le Guillou épouse Cozannet de Langoat, Alexandrine Le Guyader épouse Tilly de Bégard, François-Marie Le Gac de Langoat, Jean L’Hénoret de La Roche-Derrien et Emile Tanguy de La Roche-Derrien.
Le nom de Jean-Baptiste Legeay figure sur Le monument du Roscoat en Pléhédel à l’endroit même où il fut arrêté ainsi que sur la plaque commémorative à Nantes, 33 bis rue de l’Abbaye. Collège et lycée Notre-Dame de l’Abbaye. Jean- Baptiste Legeay Fr. Clair Marie Fondateur & Directeur de l’école N.D. de l’Abbaye. Décapité à Cologne le 10 février 1943 "J’ai tant réfléchi et tant prié dans ma solitude forcée que j’apprécie encore beaucoup mieux mon idéal. Ma vocation, le bonheur d’être consacré à Dieu et les joie de l’apostolat. Mon âme est en paix. Vive le Christ, vive la France."
Jean-Baptiste Legeay a été décoré de la Médaille de la Résistance. Une rue de Guérande et de Nantes portent le nom de Jean, Baptiste Legeay.

Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146933, notice LEGEAY Jean-Baptiste, Joseph par Alain Prigent, Serge Tilly, version mise en ligne le 30 mai 2013, dernière modification le 5 mai 2022.

Par Alain Prigent, Serge Tilly

rue Jean, Baptiste Legeay à Nantes (Loire-Atlantique)
rue Jean, Baptiste Legeay à Guérande (Loire-Atlantique)
plaque au Collège et lycée Notre-Dame de l’Abbaye à Nantes (Loire-Atlantique)

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor, 2W116, 2W235. — Arch. dép. Loire-Atlantique, 305 J, fonds Sauvage-Trochu .— Joseph Darsel, La Bretagne au combat, Le Signor, 1980. — Michel Guillou, Opération Farenheit, Editions AERHDGM (Association pour l’Étude et la Recherche sur l’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale), 1994. — Roger Huguen, Par les nuits les plus longues, Les presses bretonnes, 1976. — Alain Prigent, Les femmes dans la Résistance dans les Côtes-du-Nord, Les Cahiers de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord, n°3/4, 1996. Article de Pierre Martin sur les réseaux d’évasion. — Alain Prigent, Serge Tilly, Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944), Les Cahiers de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord, N° 12, 2011. — État civil précisé par la commune de Montbert. —Témoignage de Monique Marchais, fille d’André Marchais recueilli en 2011.— MémorialGenweb.

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